16 juin 2020

Dans le South Side de Chicago, la boxe comme seul échappatoire

Pendant neuf années, le cinéaste allemand André Hörmann a suivi deux prodiges de la boxe, de leur préadolescence brillante et prometteuse à la réalité violente de leurs rêves déçus. Du South Side de Chicago aux qualifications pour les Jeux Olympiques de Londres, le cinéaste observe simplement l’épanouissement de deux jeunes garçons, guidés par l’envie de briller.

https://youtu.be/jRNf8nMJYtE

En 2010, Destyne Butler Jr et Kenneth Sims Jr surgissent des quartiers pauvres de Chicago comme deux garçons plus que doués pour la boxe. Ils sont remarqués par la presse et rêvent d’une carrière olympique. Fascinés par ces débuts candides et plein d’espoirs, l’Allemand André Hörmann en a fait un documentaire picaresque et touchant, accompagnant les deux garçons jusqu’à l’âge adulte pendant neuf années.

 

À sept ans, Butler découvre la boxe dans la cour de son école en se battant avec ses camarades. Il trouve alors dans la boxe un échappatoire, hors d’un quartier violent où règne la ségrégation. Car en filigrane se dessine tout un quartier, le South Side de Chicago, séparé du Nord, plus riche, par une autoroute presque infranchissable, un environnement dominé par les gangs, la pauvreté et les discriminations contre les Afro-Américains, composant l’extrême majorité de la population. André Hörmann le rencontre alors qu’il n’a que 12 ans et la tête remplie de rêves d’une grande carrière sportive. Malgré cela, le jeune boxer rejoint un groupe de jeunes délinquants et voit sa carrière sportive stoppée net alors qu’il est condamné à 18 ans pour cambriolage. Le documentariste suit alors le jeune homme qu’il filme dans un “boot camp”, l’alternative américaine à la prison pour les primo-délinquants : une sorte de camp d’entraînement militaire, permettant de ne pas passer par la case prison, mais inculquant une discipline inexorable par la voie de méthodes discutables. Symbole d’un système carcéral obscur et discriminant, Butler est exclu du programme 10 jours avant la fin de cette période de probation et forcé de passer quatre années en prison. Mais il est déterminé à ne pas se laisser abattre et à remonter sur le ring.

 

Parallèlement, Hörmann suit un autre prodige, Kenneth Sims, un jeune garçon rigoureux dont la vie n'est rythmée que par un objectif : les Jeux Olympique de Londres 2012. Du ring à l’appartement familial, un deux-pièces exigu, le jeune boxer continue de s’entraîner, sérieux et taciturne. Mais les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu, et Sims rate en 2012 ses qualifications pour les Jeux Olympiques. Commence alors pour lui une longue remontée, encouragée par son père, sur les rings de la boxe amateur.

 

Prenant la boxe presque comme un prétexte, Ringside s’aventure donc bien au-delà du sport et aborde le rapport père-enfant et les failles du système judiciaire (et carcéral) américain. Il présente aussi le sport comme un moyen d’échapper à un monde sans issue. Avec ces deux jeunes boxeurs, André Hörmann évoque aussi la naïveté des rêves d’enfants, confrontés à une réalité beaucoup moins idyllique. 

 

Ringside, d'André Hörmann, disponible en streaming sur Showtime