15 juin 2021

“Conjuring 3” est-il le pire film d’amour de l’été ?

Cette année, à l’occasion de la sortie du troisième film de la saga Conjuring – Conjuring : Sous l’emprise du diable –, le cinéaste américain Michael Chaves réalise la prouesse inédite d’un film d’horreur à l’eau de rose. Ed et Lorraine Warren sont beaux, ils s’aiment, et se battent sans relâche contre les forces du mal…

© Warner Bros Pictures

Le 24 novembre 1981, en plein jour, Arne Cheyenne Johnson assaille sauvagement son propriétaire de onze coups de couteau mortels. Premier meurtre de l’histoire de la commune de Brookfield (Connecticut), le drame émeut l’Amérique toute entière et attire l’attention d’Ed et Lorraine Warren, les chasseurs de démons les plus célèbres du pays. Quelques mois auparavant, ils avaient pratiqué une session d’exorcisme sur David Glatzel, le petit frère de la fiancée d’Arne, qui avait alors invité le démon dans son propre corps pour sauver le pauvre enfant. Peu après son crime s’ouvre le premier procès pour meurtre des États-Unis dans lequel le coupable n’est autre que… le diable. Mobile du crime: la possession démoniaque. Fondé sur des faits réels – comme tout bon film d’horreur –, le huitième long-métrage de l’univers Conjuring reprend l’intrigue de ce récit glaçant, dans lequel les Warren ne sont plus des aides précieuses à la détresse d’un foyer hanté, mais bien les protagonistes principaux.

 

À mesure que leur enquête progresse, ils découvrent l’ampleur d’une force maléfique insoupçonnée : le démon n’errait pas sur Terre, mais a bien été invoqué. L’origine du mal n’est autre qu’une vieille fille unique passionnée de magie noire, qui s’ennuie terriblement, envieuse de l’amour invincible des époux Warren. Car si le film de Michael Chaves fait office d’excellent divertissement, avec une mise en scène soignée, un montage précis, quelques scènes aussi horrifiques qu’esthétisantes et une bande originale jouissive – le réalisateur mélomane ayant signé le clip de Bury a friend de Billie Eilish – il dévie peu à peu de son objectif principal, jusqu’à glisser vers le film romantique.

Ils pensent que notre amour est notre faiblesse, mais ils se trompent…murmure Lorraine Warren à son époux, en télépathie, en plein combat épique avec les forces du mal. Depuis 2013, les personnages d’Ed Warren (Patrick Wilson) et Lorraine Warren (Vera Farmiga) chassent fantômes, démons et autres présences malfaisantes à l’aide de leur charisme et de leur complicité inébranlable. Dans le troisième film de la franchise après The Conjuring (2013) et The Conjuring 2 (2016), les Warren fascinent toujours par leur romance lisse et puritaine, forgeant un couple fusionnel et délicieusement complémentaire au sein duquel l’homme rationnel épaule son épouse aux pouvoirs psychiques. Car si, devant le troisième volet de Conjuring, on espérait que notre cœur s’arrête d’effroi, il ne fera que fondre face à la tendance mielleuse d’une intrigue dont le dénouement repose sur l’idylle parfaite d’Ed et Lorraine Warren… qui, face au plus grand défi de leur carrière, s’accrochent au souvenir intact du premier rendez-vous galant de leur adolescence, dégustant une glace à la sortie du cinéma. Alors, dans la salle, l’attendrissement remplace l’angoisse et nous laisse perplexes : vient-on d’assister à la projection d’une comédie romantique ?

 

Conjuring : Sous l’emprise du diable (2020), de Michael Chaves, en salle.