Rencontre avec Adèle Exarchopoulos : « J’ai plus de pudeur devant les yeux de ceux qui comptent, que pour me dénuder devant une caméra… »
Alors que la fascinante actrice française Adèle Exarchopoulos enchaîne les projets passionnants cette rentrée – les films Un métier sérieux, Le Règne animal et Voleuses ainsi qu’un rôle d’ambassadrice d’Yves Saint Laurent Beauté –, rencontre avec une comédienne qui dévore la vie comme l’écran.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Depuis son explosion dans La Vie d’Adèle (2013), l’actrice française Adèle Exarchopoulos, 29 ans, n’a cessé d’impressionner jusqu’à devenir l’une des actrices phares du cinéma français. La nouvelle ambassadrice hexagonale d’Yves Saint Laurent Beauté sait autant nous émouvoir (Je verrai toujours vos visages, Sibyl, BAC Nord, Passages) que nous faire rire dans des univers décalés (Le Flambeau, Mandibules, LOL : qui rit, sort !). Sa personnalité libre, très humaine et franche est à l’image de son jeu, sincère et brut. Très instinctive, l’actrice peut passer, à l’écran, de la nymphe glamour à la garce sournoise, voire à la guenon (dans La Flamme), avec un naturel désarmant. Toutes les audaces lui siéent. Avec sa moue boudeuse, son regard hypnotique, sa nonchalance et ses formes sensuelles, elle a aussi imprimé le grand écran d’une beauté aussi solaire et intense qu’incandescente.
Adèle Exarchopoulos, actrice magnétique et insoumise découverte dans le film La Vie d’Adèle
D’une insolente fraîcheur, Adèle Exarchopoulos est une star à part. Pour preuve, au Festival de Cannes 2013, le président du jury, Steven Spielberg a enfreint les règles. En effet, il a demandé (et obtenu) une dérogation exceptionnelle afin que la Palme d’or revienne non seulement au réalisateur du long-métrage, Abdellatif Kechiche, mais aussi aux actrices principales, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. Et un an plus tard, l’héroïne de Rien à foutre (2022) se voit auréolée d’un César du meilleur espoir féminin. Alors que l’actrice enchaîne les projets passionnants, notamment les films Un métier sérieux, Le Règne animal et Voleuses (sur Netflix, aux côtés d’Isabelle Adjani), rencontre avec une comédienne qui dévore la vie comme l’écran.
Interview d’Adèle Exarchopoulos, ambassadrice d’Yves Saint Laurent Beauté et héroïne du film Voleuses
Numéro : Vous êtes à l’affiche de nombreux films cette année. Comment choisissez-vous vos rôles ?
Adèle Exarchopoulos : Sincèrement, énormément de choses se passent à la lecture du scénario. C’est une rencontre avec un personnage, une histoire, un sujet. Et le ressenti qu’il me procure joue beaucoup. Puis, la rencontre avec le réalisateur vient conforter ce désir, car d’un coup, sa vision s’impose encore plus, et à travers nos échanges, on peut ressentir la manière d’envisager le travail et l’aventure. J’ai besoin d’estimer l’humanité des gens avec qui je travaille. Plus je grandis, plus c’est essentiel.
Dans le film Un métier sérieux, vous incarnez une professeure de collège. Quel genre d’ado étiez-vous ? Aimiez-vous l’école ?
Adolescente, j’aimais l’école pour la collectivité qui est imposée par la vie de classe : pour le groupe, pour toutes les premières fois qui se produisent à l’école, pour les limites que l’on teste et beaucoup, pour la rigolade. J’étais une élève médiocre… Respectueuse mais avec beaucoup de bavardage et d’amusement… Et parfois de sommeil…
Dans le film Voleuses, vous jouez un rôle très musclé de snipeuse et de voleuse de haut vol. Quelle a été votre préparation physique ?
Mélanie (Laurent, la réalisatrice de Voleuses), nous a expliqué dès le début les attentes qu’elle avait pour chaque personnage. Concernant le mien, Alex, c’est quelqu’un qui a grandi en apprenant très tôt à manier les armes, et plus précisément les armes de tireur d’élite, à longue distance, mais aussi le combat…. Une discipline et une capacité à se battre sont donc déjà imprimées en elle, malgré une négligence d’elle-même : elle fume, dort peu, comme un ancien de l’armée (rires). Pour être le plus juste possible, Mélanie m’a attribué un coach, très précis et à l’écoute qui m’a fait perdre 4 kilos. J’ai aussi voulu réaliser mes propres cascades avec l’équipe de professionnels de Manu Lanzi, ce qui a demandé beaucoup de répétitions. J’ai réalisé les bagarres moi-même au point où je me suis cassé le nez car j’ai complètement oublié la droite de mon partenaire lors d’une chorégraphie de combat… 10 jours d’arrêt, et une opération mais on a bien ri. J’ai également travaillé avec Maratier, qui est un maître d’armes à Paris. Il m’a fait tirer, répéter, m’entraîner, tirer, recharger, tirer… Je ne connaissais absolument rien aux armes et, au début, ce sentiment d’avoir du pouvoir grâce à un bout de métal décisif ne m’a pas plu. Finalement, en me renseignant sur l’histoire de ces armes, et en pratiquant (la précision, la concentration et le tir), j’ai adoré.
« Sincèrement, je n’ai pas eu besoin de vendre des sandwichs pour rester humble. » Adèle Exarchopoulos
Dans un podcast réalisé par la créatrice de contenus Léna Situations, vous dites que vous avez été complexée par votre voix…
Ce complexe fait partie de moi. Avec mon travail, la voix est un outil qu’on peut travailler mais ça reste compliqué de travestir ce naturel… Je préfère en rire. Bien sûr j’ai d’autres complexes, comme tout le monde. Mon rapport à moi, à l’intime, est assez étrange. J’ai beaucoup plus de pudeur devant les yeux de ceux qui comptent, que pour être en lâcher-prise ou pour me dénuder devant une caméra…
Vous avez vendu des sandwichs, donné des cours à la prison de Fleury-Mérogis et fait du bénévolat à Haïti. Est-ce tout cela qui vous aide à garder les pieds sur terre ?
Sincèrement, je n’ai pas eu besoin de vendre des sandwichs pour rester humble. Il n’y a pas de sujet : je n’ai aucune raison de ne pas l’être… Je suis maman, et la fille de mes parents, c’est ça mon rôle et mon quotidien. Mon travail c’est une passion et c’est ma chance… Je pense que cette industrie isole certaines personnes, et si tu as une faille trop profonde et surtout un mauvais entourage, c’est-à-dire fais d’intérêts et de mensonges, alors c’est compliqué. J’ai des amis bienveillants avec qui on se dit toujours la vérité même si elle fait mal car c’est comme ça qu’on marche et qu’on s’élève.
Vous semblez aussi à l’aise dans le registre de la comédie que dans celui du drame. Qu’est-ce qui vous fait rire, ou au contraire, vous rend triste ?
Ce qui me fais rire dans la vie, c’est l’autodérision, les punchlines, l’humour noir et l’absurde… Mes amies aussi… Ce qui me rend triste est très intime et vaste. Je pense que c’est de réaliser qu’avec le temps (et heureusement finalement), tout passe. C’est aussi perdre des gens qu’on aime évidemment.
Voir cette publication sur Instagram
« Je veux offrir à mon enfant des valeurs simples et essentielles : la loyauté, le respect, le partage et également la liberté d’être qui il veut. » Adèle Exarchopoulos
Quel genre de valeurs voulez-vous transmettre à votre fils ?
Je veux offrir à mon enfant des valeurs simples et essentielles : la loyauté, le respect, le partage et également la liberté d’être qui il veut et la confiance de croire en ses rêves.
Cela vous dérange-t-il qu’on vous arrête dans la rue pour vous demander un selfie ?
Non, ça ne me dérange pas qu’on m’arrête, au contraire parfois ça me touche beaucoup. Forcément il y a des matins où tu es en retard et où tu viens d’apprendre une mauvaise nouvelle, donc tu te forces à sourire, mais ça arrive à tout le monde de devoir parfois donner le change.
Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné ? Et celui que vous donneriez à quelqu’un ?
Celui de Christopher Waltz après avoir reçu la Palme d’or pour La Vie d’Adèle : « N’arrête jamais de travailler… Travaille. » Ça paraît évident mais je comprends ce qu’il veut dire ! Et moi je pense que je dirais : « N’arrête jamais d’y croire !«
Voir cette publication sur Instagram
« Pour moi, le métier d’actrice, c’est celui de jouer à être sincère, de mentir avec honnêteté. » Adèle Exarchopoulos
Quel est votre plus grand rêve ?
Voyager énormément avec les gens que j’aime.
Dans une interview pour le Guardian, vous dites : « Le cinéma, c’est vivre des choses vraiment intenses avec des gens, pendant un certain temps, et ensuite vous retournez tous à votre vie quotidienne. C’est comme une mini mort, et après, soudainement vous ne partagez plus cette intimité, mais vous gardez en vous une tendresse éternelle pour ces gens. ». Quelle est votre définition du métier d’actrice ?
Je ne me souvenais pas du tout avoir dit ça (rires)… Pour moi, le métier d’actrice, c’est celui de jouer à être sincère, de mentir avec honnêteté. C’est aussi rendre justice à une morale, une question, un sujet avec notre propre sincérité et composition.
Si vous n’étiez pas devenue actrice, que feriez-vous aujourd’hui ?
C’est une question que je me pose souvent, d’autant plus que ce métier est incertain et qu’on dépend beaucoup du désir des autres… J’ai commencé jeune. J’étais en train d’arrêter le lycée, donc je n’ai pas de certitude sur ce que j’aurais fait. Mon plan c’était travailler pour voyager et après, improviser.
« Je n’ai aucun regret car on apprend encore plus quand on se trompe. » Adèle Exarchopoulos
Vous êtes ambassadrice française d’Yves Saint Laurent Beauté. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Et quelle est votre relation au maquillage ?
Quand Yves Saint Laurent m’a contactée pour que l’on se rencontre, je me suis sentie honorée. Cette marque représente l’élégance, le mystère et le chic. J’aime les visages qui incarnent la maison aussi : Lil Nas X, Dua Lipa, Austin Butler, Zoë Kravitz. Je trouve que cela correspond à une génération universelle où chacun se sent représenté. Je me maquille peu, alors je cible la bouche ou juste les yeux. J’aime les bouches à la Birkin, ou à la Paradis, ou alors juste des yeux de biche et un teint toujours très naturel. Le maquillage est une armure, un divertissement ou un plaisir simple, ça dépend vraiment des jours…
Avez-vous des regrets concernant l’un de vos choix artistiques ?
Je n’ai aucun regret car on apprend encore plus quand on se trompe. Mais j’ai vite réalisé que la stratégie ne me va pas, ne me comble pas. Mais je me sens sincèrement bénie en termes de rôles. Les grands rôles c’est rare et j’en ai eu un dès mes débuts. C’est une chance que j’essaie d’honorer.
Avec le recul, que retenez-vous de La Vie d’Adèle ?
Je retiens la même chose que quand je n’avais pas de recul : je ne regrette rien et résumer cette expérience est impossible. Mais l’essentiel, c’est que je ne regrette rien.
Un métier sérieux (2023) de Thomas Lilti, actuellement au cinéma. Le Règne animal (2023) de Thomas Cailley, actuellement au cinéma. Voleuses (2023) de Mélanie Laurent, disponible sur Netflix le 1er novembre.
Voir cette publication sur Instagram