28 juin 2024

Napoléon : que vaut le film de Ridley Scott diffusé sur Canal+ ?

Le film événement Napoléon de Ridley Scott, diffusé ce samedi 29 juin 2024 sur Canal+, choisit d’aborder la vie, les victoires et les échecs de l’empereur sous le prisme de sa relation tourmentée avec Joséphine de Beauharnais. Un parti pris discutable, voire tragi-comique, malgré les performances impressionnantes de Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby.

Sur le papier, le film Napoléon, qui était l’un des longs-métrages les plus attendus de l’année 2023, avait tout pour subjuguer. Il y a d’abord le sujet, dantesque : la vie de l’empereur Napoléon, un homme à la fois admiré et décrié, qui fascine toujours et reste le thème d’une myriade de livres et de documentaires. Autres atouts majeurs ? Le projet – à 200 millions de dollars – est réalisé par un grand cinéaste : Ridley Scott et son casting s’avère des plus prestigieux (Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby et Tahar Rahim). Pourtant, nos sentiments, après visionnage, sont plus que mitigés. Le film n’est ni un Waterloo, ni la belle victoire homérique que l’on fantasmait.

Que vaut le film Napoléon de Ridley Scott, avec Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby ?
 

Il faut d’abord rendre à César ce qui est à César : le Britannico-Américain Ridley Scott (Alien, Blade Runner, Gladiator) n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit de montrer des scènes de batailles spectaculaires (très gore) et pour imaginer des plans dignes de tableaux (inspirés notamment par le peintre Jean-Léon Gérôme). Il faut aussi saluer le talent de l’impérial Joaquin Phoenix, qui offre encore aux spectateurs une performance troublante dans le rôle du Corse Napoléon (bien que parfois un peu trop mécanique) et le charisme de Vanessa Kirby (Pieces of a Woman, Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1), impeccable en Joséphine de Beauharnais puissante, sensuelle et mystérieuse.

L’histoire d’amour de Napoléon et Joséphine au centre de l’intrigue du film de Ridley Scott

Pour le reste, Napoléon n’est pas tout à fait la claque qu’on espérait. Ce qui aurait pu être une fresque épique, poignante et grandiose sur l’histoire de France et l’ambition démesurée d’un homme (qui le conduit à sa perte ainsi qu’à de nombreuses pertes humaines), prend le plus souvent les atours d’une love story presque banale, aux relents tragi-comiques. Rildey Scott choisit en effet de raconter l’ascension et la chute de l’Empereur Napoléon Bonaparte à travers le prisme de sa relation complexe avec sa femme, Joséphine de Beauharnais. Le film est ainsi rythmé par les lettres que les amants – puis époux – s’envoient, lues en voix off, et par les hauts et les bas de leur idylle. 

Alors que Bonaparte reste aux yeux du monde, soit un grand homme, soit un conquérant tyrannique et sanguinaire, on le découvre en homme (voire en ado retardé) perdu, prisonnier de ses sentiments pour celle qui fut le grand amour de sa vie, même après la dissolution de leur mariage (car elle n’arrive pas à lui donner un héritier). Son génie militaire semble ainsi tourmenté lorsqu’il apprend l’infidélité de sa femme ou qu’elle tarde à répondre à l’une de ses lettres. Avec cette idée, pas très finement exploitée, que la petite histoire rencontre continuellement la grande… Et que l’infiniment grand (l’histoire avec un Grand H) se bute à la petitesse d’un être humain têtu, dangereux et burlesque, malgré ses intuitions brillantes en matière d’art de la guerre.

Souffrant de lenteurs et d’un rythme haché, le film manque également de subtilité dans sa façon de dépeindre le monument historique qu’était le stratège au bicorne. Ridley Scott entend montrer l’homme faillible derrière la légende, mais on peine à s’émouvoir de son destin sentimental, tant ses gémissements amoureux semble dérisoire face au nombre de morts causé par chacune de ses batailles. Au-delà des critiques que l’on pourrait faire sur les oublis et les libertés prises par rapport aux faits (Napoléon n’aurait jamais tiré des boulets de canon sur les pyramides) prises par le réalisateur, c’est son angle, ainsi que l’aspect scolaire et linéaire de son portrait, qui nous enlisent dans un certain ennui. 

Quant à l’ironie que l’on sent poindre par moments, qui aurait pu transformer le film en critique acerbe du pouvoir et de la tyrannie, elle est bien trop superficielle pour nous embarquer pleinement. Si Abel Gance avait réalisé un beau film sur Bonaparte, dans les années 20, Stanley Kubrick n’avait pas réussi à mettre au monde un film sur ce mythe, laissant derrière lui le fantôme d’un potentiel chef-d’œuvre. En 2023, l’empereur reste un sujet bien trop titanesque pour être résumé en moins de 3 heures, même lorsqu’il s’agit d’un monstre sacré comme Ridley Scott qui tient la caméra.

Napoléon (2023) de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby, diffusé ce samedi 29 juin 2024 sur Canal+.