Rencontre avec Monica Bellucci, éternelle icône à l’affiche de Paradis Paris
L’iconique actrice Monica Bellucci incarne une ex-cantatrice déclarée morte par erreur dans le film tragi-comique Paradis Paris, signé Marjane Satrapi, qui sort au cinéma le 12 juin 2024. L’occasion de rencontrer une comédienne passionnante, qui sera également bientôt à l’affiche du très attendu Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Monicas Bellucci, à l’affiche du film Paradis Paris
On a souvent dit de Monica Bellucci qu’elle est l’une des femmes les plus belles au monde, voire la plus belle. Mais l’Italienne sculpturale, véritable torrent de glamour et de sensualité méditerranéenne, ne s’est jamais laissée enfermer dans la cage dorée de ces sublimes atours. Depuis ses débuts dans les années 90, l’ex-mannequin n’a eu de cesse de démontrer sa profondeur, sa curiosité et sa capacité à émouvoir dans un large spectre cinématographique.
L’actrice excelle autant dans des films populaires (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Le Pacte des loups) et dans des films d’auteurs (Irréversible de Gaspar Noé, Dobermann de Jan Kounen) que dans des succès internationaux (la saga Matrix, La Passion du Christ de Mel Gibson).
Celle qui a été James Bond Girl à 50 ans (dans 007 Spectre) et qui a tourné pour Bertrand Blier, Terry Gilliam, Kim Chapiron, Emir Kusturica, Philippe Garrel, Spike Lee et Francis Ford Coppola, se retrouve à 59 ans au cœur de deux projets passionnants en 2024. On la découvre en effet en ex-cantatrice déclarée morte par erreur dans le film Paradis Paris de Marjane Satrapi, qui sort au cinéma ce mercredi 12 juin. Puis, on la verra dans le macabre et drolatique Beetlejuice Beetlejuice réalisé par son compagnon, Tim Burton. Rencontre avec une éternelle icône.
L’interview de l’actrice Monica Bellucci
Numéro : Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce film, Paradis Paris réalisé par Marjane Satrapi ?
Monica Bellucci : D’abord, j’ai beaucoup de respect pour Marjane Satrapi, que j’aime depuis son premier film, Persepolis, en 2007. Et je pense que dans Paradis Paris, on retrouve le mélange de tragédie et d’humour, qui est la raison pour laquelle on l’a aimée et que comprenait déjà dans Persepolis. Ce long-métrage est une continuation de son cinéma. On reste dans cette veine douce-amère, telle une tradition qui continue, malgré la nouveauté. J’aimais aussi vraiment le concept du film, le fait de raconter Paris dans toute sa beauté et sa diversité. On voit plein de cultures différentes qui peuvent vivre ensemble dans un Paris qui ressemble à un tourbillon d’énergie.
Comment décririez-vous le personnage de Giovanna Bianchi, une ex-cantatrice star déclarée morte par erreur ?
Marjane (Satrapi) m’a parlé de ce film, on s’est rencontrées et elle m’a proposé le rôle de Giovanna. Et quand j’ai lu le scénario, j’ai trouvé qu’il y avait de quoi jouer un rôle qui a beaucoup de nuances. J’adore ce rôle de Giovanna car c’est une femme qui est à un côté enfantin, qui ne se rend pas compte que tout est fini. Elle a tout perdu : son talent (elle n’arrive plus à chanter), la jeunesse, la notoriété, le succès et la beauté. Elle doit faire face à cette nouvelle version d’elle-même, mais n’y n’arrive pas. C’est ce qu’on raconte avec distance et humour. Malgré l’amour de cet homme merveilleux qu’est son mari (un chef d’orchestre, joué par Eduardo Noriega, qui est magnifique dans le film), elle ne peut pas être heureuse parce qu’elle a perdu le contact avec elle-même.
« Je dois penser à comment faire face au temps qui passe et à comment je vais prendre ça. Avec dérision, avec distance ou de manière tragique ? » Monica Bellucci
Comme vous, Giovanna a 59 ans. Avez-vous d’autres points communs avec elle ?
J’ai tout en commun avec elle ! Car c’est une femme qui doit vivre le temps qui passe. Et moi aussi, je dois penser à comment faire face au temps qui passe et à comment je vais prendre ça. Avec dérision, avec distance ou de manière tragique ? Ce n’est même pas l’âge qui te fait peur, c’est que tu vas vers la mort. Et surtout, moi, j’ai des enfants. Quand tu as des enfants, ils sont ta priorité. Tu ne veux pas vivre en pensant à toi, mais à tes enfants.
Vous chantez dans le film et votre rôle fait écho à Maria Callas, que vous avez joué au théâtre… Est-ce que Marjane Satrapi vous a imaginée dans ce rôle de cantatrice grâce à Maria ?
Je ne sais pas. Je n’ai pas demandé à Marjane si c’était le cas. Mais j’ai trouvé ça drôle qu’elle pense à moi pour un rôle de cantatrice après avoir joué Maria Callas lors d’une tournée internationale au théâtre qui a duré plusieurs années. C’était une expérience vraiment merveilleuse pour moi. Mais peut-être que les rôles qui arrivent à un moment donné dans notre vie nous appellent autant qu’on les appelle. Maria Callas m’a beaucoup parlé et il existe des similitudes entre Maria et Giovanna. Maria Callas était une grande diva et en même temps, c’était une femme qui avait un cœur simple. Elle est morte d’amour et pour mourir d’amour, il faut être sincère. Il avait cette dualité en elle, tout comme chez Giovanna. En apparence, c’est une diva avec des lunettes noires et toute la panoplie qui va avec. Mais à l’intérieur, c’est une enfant qui souffre et qui est désespérée.
C’est un personnage en décalage… Quand Giovanna est déclarée morte par erreur, elle regarde les coupures de presse pour voir ce que l’on dit d’elle. Elle ne se rendait pas compte que les médias l’avaient oubliée…
Oui et c’est un concept qui raconte beaucoup le monde d’aujourd’hui, non ? Parce qu’on est obsédé par le monde de l’image, alors que l’image n’a rien à voir avec la réalité. C’est ça dont on ne devrait jamais s’arrêter de parler, parce que c’est tellement dangereux pour les jeunes de faire une confusion entre la représentation et la réalité. Ce sont deux choses qui n’ont rien à voir. On peut s’amuser avec l’image, réaliser tous les maquillages que l’on veut, les films et les personnages que l’on souhaite et s’habiller comme de toutes les manières possibles mais dans ces cas-là, on joue. On est dans la représentation de la réalité. Mais il faut toujours se rappeler que la réalité, c’est autre chose.
« Ce que j’aime à Paris, c’est que toutes les cultures peuvent cohabiter. » Monica Bellucci
Ce film montre un Paris très cosmopolite, dans lequel des gens de tout âge, accent et horizon vivent ensemble sans être divisés. C’est quelque chose de presque politique…
Ce que j’aime à Paris, c’est que toutes les cultures peuvent cohabiter. Et chacun respecte la culture de l’autre. Il y a cette possibilité de connivence entre des cultures différentes. Des gens qui parlent des langues différentes se mettent à parler ensemble en français, ce qui les réunit. Quand je parle avec Marjane (Satrapi), je lui parle en français alors qu’elle est iranienne et moi, italienne. Même si chacun le fait avec son accent, bien sûr. Paris est vraiment une terre d’accueil. C’est ça qui est incroyable. Et puis il y a cet amour pour la culture, qui est très beau. On sait qu’on a les plus beaux musées de la Terre, et même si tu n’as pas le temps d’y aller, tu sais qu’ils existent. Et le simple fait de savoir qu’ils sont là et qu’on peut y aller quand on veut, ça nous rassure. Cet aspect culturel est tellement puissant… et unique.
Vous vivez à Rome, Lisbonne, Paris (rive gauche) et Londres. Quelle est votre relation avec la capitale française ?
Paris est une ville que j’aime énormément. En plus des différentes cultures qui y cohabitent, il y a la qualité de vie. C’est aussi pour ça qu’on aime Paris. On aime s’y perdre. Paris nous fait nous sentir libre parce qu’on peut se perdre au milieu de la foule. C’est une grande ville, mais en même temps, elle dégage une vraie chaleur. Ce n’est pas une ville froide.
Vous avez choisi d’élever vos filles, Deva et Léonie Cassel, à Paris…
Mes filles, les pauvres, elles ont beaucoup voyagé et continuent de voyager. Elles ont changé d’école plusieurs fois, ont vécu au Brésil, en Italie, dans plein d’endroits. D’ailleurs, elles parlent de nombreuses langues. Elles aiment Paris, mais vivent aussi à Rome.
Votre fille Deva Cassel s’est lancée dans le mannequinat et le cinéma. Lui donnez-vous des conseils ?
C’est plutôt Deva qui me donne des conseils (rires). Je pense qu’il faut vivre la jeunesse avec l’esprit de la jeunesse et ne pas y mettre de la noirceur. Après, on peut parler, discuter. Mais c’est beau de regarder la vie quand on est jeune avec les yeux de la jeunesse et vivre sa vie avec l’enthousiasme et la beauté qu’on a à 20 ans. Et après, on pensera plus tard. On pensera alors aux problèmes. Quand on a 20 ans, il faut juste vivre.
Est-ce que Léonie veut aussi être actrice ?
Léonie n’a que 14 ans. Elle est jeune et va encore à l’école. Elle vient de finir la quatrième. On verra après.
« Ce qui est sûr, c’est que j’ai joué beaucoup de rôles qui étaient liés à la beauté. » Monica Bellucci
Ce film parle du temps qui passe et de l’angoisse de la mort. Est-ce que pour vous, tourner ce film a été cathartique ?
Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que j’ai joué beaucoup de rôles qui étaient liés à la beauté. Je pense à Malèna, Irréversible, La Passion du Christ. Et même dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, dans lequel je joue Cléopâtre. Et souvent, ces rôles contenaient quelque chose de tragique. Tu travailles avec l’instrument que tu as à disposition et le corps est un instrument de travail. Mais dans Paradis Paris, il s’agit d’autre chose. C’est une femme qui ne possède plus la beauté ou du moins la beauté biologique de la jeunesse. Et elle le vit très mal. Pour moi, jouer Giovanna, c’était une libération. C’est une interprétation de comédienne au-delà du masque. Qui fait tomber le masque.
L’humour du film est très particulier, assez noir et tragi-comique…
Oui c’est un humour noir et parfois très noir, parce qu’on parle de la mort, mais le film reste drôle. Il y a notamment ce personnage de jeune fille qui veut absolument se donner la mort. Sauf que lorsqu’elle tombe sur un tueur en série qui veut l’assassiner, elle ne veut plus du tout mourir et en fait son confident. Parce que ce n’est pas la même chose de décider de mourir et d’y être obligé.
Est-ce que ce genre d’humour vous parle ?
Je crois que la vie est comme ça. De nombreux réalisateurs italiens ont raconté des histoires tragi-comiques et ces films font vraiment partie de la culture du pays. La vie est faite de tragédies et d’humour. Combien de fois, on rit de choses tragiques. On dit même qu’il vaut mieux en rire. Moi, je viens d’Italie et la comédie à l’italienne a toujours eu ce côté tragi-comique. Je pense aux films de Mario Monicelli et de Dino Risi, notamment. Ils représentent juste la vie.
Quels sont vos projets ?
Ce qui est drôle, c’est que je serai bientôt dans la série de Marc Fitoussi intitulée Ça, c’est Paris. Et encore une fois, ça va être une comédie sur des thématiques un peu similaires à celle du film de Marjane. Ça m’a fait très plaisir de retrouver Marc Fitoussi, après avoir tourné dans Dix pour cent. Et le rôle était super bien écrit.
On vous verra en 2024 dans le film Beetlejuice Beetlejuice, réalisé par Tim Burton, qui mélange aussi l’humour et le macabre…
(Rires) Je pense que peut-être, à partir d’un certain âge, il faut faire ça. Il faut mélanger. On prend de la distance sur les choses et on les aborde avec de l’humour. C’est aussi une manière de survivre…
Paradis Paris (2024) de Marjane Satrapi, avec Monica Bellucci, Rossy de Palma, Alex Lutz, Roschdy Zem, Ben Aldridge et Eduardo Noriega, au cinéma le 12 juin 2024.