Le retour du genre gothique au cinéma en 6 films

par Alexis Thibault.

Aux origines du récit gothique

Il faut remonter au XVIIIᵉ siècle pour retrouver les premières traces du “récit gothique”. Plus précisément, avec Le Château d’Otrante (1764), roman d’Horace Walpole qui invente une fiction médiévale où les armures s’animent tandis que des casques géants s’abattent du ciel pour écraser les nobles.

Le mot gothique lui-même prête à confusion. Il renvoie à la fois à un style architectural, à une sensibilité esthétique et à un imaginaire du trouble et de l’excès. Cette polysémie explique peut-être la plasticité du genre et ses multiples réinventions. Fixons les symboles alors : manoirs délabrés, ombres menaçantes, secrets de famille et créatures de la nuit…

Les films gothiques à voir en 2025 et 2026

Ces histoires infuseront évidemment l’art pictural, la musique et la mode. Du noir, du velours, de la dentelle… Comme un refus de la lumière trop aveuglante. Pourtant apparu au cœur des cercles lettrés, des formes de récits plus populaires émergent rapidement, renversant aussitôt l’élitisme supposé du genre. Dès la fin du XIXᵉ siècle, les salles de cinéma projettent des courts métrages d’épouvante légère. 

En réalité, il s’agit moins de “peur” que d’une esthétique de la peur. On ne bâtit donc pas seulement un décor. On propose une manière de penser la rupture, de contempler la fin d’un monde. Et s’il ressurgit aujourd’hui, c’est sans doute comme une réponse esthétique à une époque saturée de lumière… et de vitesse. Retour sur les meilleurs films gothiques récents à voir en 2025 et 2026.

Nosferatu avec Lily-Rose Depp

Fin 2024, le Nosferatu de Robert Eggers avec Lily-Rose Depp replace définitivement le récit gothique au cœur du cinéma d’auteur. Un vampire ancestral erre dans une ville froissée, envahie par une atmosphère pestilentielle et suffocante. L’héritage expressionniste du cinéma muet y embrasse magnifiquement la mythologie vampirique avec une rigueur visuelle sidérante. Car l’horreur gothique, ici, ne naît pas du monstre, mais du désir, de l’obsession, de la perte de soi… et de l’autre.

Nosferatu (2024) de Robert Eggers, disponible sur Canal +.

Frankenstein avec Jacob Elordi et Mia Goth

Disponible sur Netflix, le long-métrage Frankenstein (2025) porté par Jacob Elordi, Oscar Isaac et Mia Goth revisite la créature légendaire apparue pour la première fois en 1818 sous la plume de Mary Shelley. Fidèle à son goût pour les créatures tragiques, le cinéaste espagnol Guillermo del Toro déploie une fresque somptueuse.

Signe supplémentaire de son engouement ? Il affirme même avoir consacré cinquante années à mûrir cette adaptation, tournée en Écosse. Dans ce cadre visuel sculpté par l’ombre, la créature devient un miroir moral plus qu’un monstre. Le film embrasse ainsi pleinement la tradition gothique : architectures mélancoliques, passions dévastatrices, beauté déliquescente. Une relecture habitée, où l’horreur retrouve sa noblesse.

Frankenstein de Guillermo del Toro, disponible sur Netflix.

Hurlevent avec Margot Robbie et Jacob Elordi

L’année 2026 s’annonce-t-elle comme un tournant pour le gothique au cinéma ? Plusieurs œuvres majeures sont planifiées. Le film Hurlevent repensera l’œuvre incontournable Les Hauts de Hurlevent (1847) de l’autrice anglaise Emily Brontë. Charli xcx signera la BO du film réalisé par Emerald Fennell (Saltburn). Et Jacob Elordi et Margot Robbie en seront les héros.

Unique roman d’une autrice longtemps restée mystérieuse, l’ouvrage Les Hauts de Hurlevent s’est imposé comme l’un des sommets du gothique anglais, brouillant les frontières entre passion, violence et surnaturel diffus. Sa structure en récits enchâssés, décrite par de nombreux critiques anglo-saxons comme l’une des plus audacieuses de l’époque victorienne, s’appuie sur une trame gonflée par les paysages désolés des landes du Yorkshire, véritable écosystème hanté par la nature. Publié sous un pseudonyme masculin, Les Hauts de Hurlevent fut d’abord accueilli avec perplexité avant d’être reconnu comme une œuvre visionnaire.

Hurlevent d’Emerald Fennell, au cinéma le 11 février 2026.

The Bride! avec Jessie Buckley

Plus tard, le film The Bride! (2026) de Maggie Gyllenhaal proposera cette fois une nouvelle version de La Fiancée de Frankenstein (1935) de l’Américain James Whale, référence absolue du cinéma gothique. Mais plutôt que d’adapter le récit du XIXᵉ siècle à la lettre, l’actrice passée derrière la caméra semble vouloir redonner de l’ampleur à un personnage féminin presque absent dans le long-métrage originel.

Le titre qu’elle a choisi, débarrassé du nom de la créature, semble d’ailleurs l’annoncer. Au casting du second film de la cinéaste américaine : Christian Bale, qui se glisse ici dans la peau du monstre, Jessie Buckley mais aussi Penélope Cruz et Peter Sarsgaard.

The Bride! de Maggie Gyllenhaal, au cinéma le 4 mars 2026.

Werwulf avec Willem Dafoe

Après avoir consacré son dernier film au vampire, le réalisateur américain Robert Eggers (The Witch) retrouvera Aaron-Taylor Johnson, Lily-Rose Depp et Willem Dafoe pour s’attaquer au mythe du loup-garou. Une légende née des traditions européennes médiévales. Il partage avec le gothique cette fascination pour la métamorphose, l’ombre et les forces incontrôlables qui fissurent l’identité. Car la bête révèle surtout un vertige intérieur : celui d’un être déchiré entre le conformisme de la civilisation et ses propres pulsions.

Werwulf de Robert Eggers, au cinéma le 30 décembre 2026.

L’Obscurité du dehors avec Lily-Rose Depp et Jacob Elordi

On prend les mêmes et on recommence. Mais le cinéaste hongrois László Nemes (Le Fils de Saul), lui, ne rejoue jamais tout à fait la même partition. Avec le film L’Obscurité du dehors, conte gothique prévu pour 2026 et porté par Lily-Rose Depp et Jacob Elordi (encore), le cinéaste transposera l’univers du romancier Cormac McCarthy dans une Amérique rongée par la violence sourde des marges rurales. Le récit suivra un couple incestueux de frère et sœur, Culla et Rinthy, vivant dans un lieu délabré au sein des Appalaches, au sud des États-Unis. 

Le film L’Obscurité du dehors de László Nemes devrait sortir au cinéma en 2026.