Mostra de Venise 2024 : le drame érotique Babygirl met Nicole Kidman à nu
Présenté à la Mostra de Venise, Babygirl, le nouveau film d’Halina Reijn (Bodies, Bodies, Bodies) place au cœur de son intrigue une Nicole Kidman plus surprenante et sensuelle que jamais. Mais que vaut ce long-métrage érotique qui a fait sensation lors du festival de cinéma ?
par Olivier Joyard.
Nicole Kidman fait sensation à la Mostra de Venise 2024
Pouvoir. Contrôle. Lâcher prise. Ce ne sont pas les mots clefs d’un best-seller de développement personnel, mais les grandes lignes du nouveau film de la néerlandaise Halina Reijn (réalisatrice de Bodies, Bodies, Bodies, également actrice vue dans Blackbook de Paul Verhoeven) que tous les festivaliers présents à la 81e Mostra de Venise ont absolument voulu voir. La raison ? Nicole Kidman est l’héroïne de ce drame érotique qui pourrait faire augmenter l’intérêt pour les jeux SM comme Cinquante Nuances de Grey a boosté le marché des menottes il y a presque dix ans, même si l’on pense plutôt en voyant le film à La Secrétaire (2002), avec Maggie Gyllenhaal, où il était question de fessées et de relations professionnelles.
La star australienne joue une dirigeante d’entreprise new-yorkaise de haut niveau soudain captivée par l’aura sexuelle dominatrice de l’un de ses stagiaires. Elle l’a vu maitriser un chien dans la rue, ce qui la bouleverse, pour rester poli. Juste avant qu’elle ne rencontre Samuel, ce garçon vénéneux (Harris Dickinson, déjà choisi par Ruben Östlund dans Sans filtre), nous la voyons avec son mari (Antonio Banderas, tout de même) dans une étreinte conjugale qui se termine lorsque ce dernier jouit et lui rappelle qu’il l’aime.
Un film aux accents BDSM
Romy finira par se caresser en secret devant une vidéo BDSM pour atteindre le nirvana toute seule. Cela doit changer, cela va changer. Cette femme qui a l’habitude de tout maîtriser se laisse peu à peu glisser dans les bras fermes de Samuel, avec tous les dangers attenants : elle pourrait perdre son travail si la relation avec son subordonné était révélée.
Produit par A24, puissante firme américaine régnant sur le marché du film indépendant chic et audacieux – avec tout ce que cela comporte de limites -, Babygirl suit son programme sans détourner les yeux : du sexe, des enjeux de société. C’est le côté « bingo“ du film, qui veut capter à la fois l’émancipation sexuelle d’une femme de plus de cinquante ans et un certain état du monde ultralibéral où les désirs semblent sous contrôle.
Babygirl d’Halina Reijn : un jeu de tension et de séduction
La sortie prochaine du remake d’Emmanuelle (25 septembre) par Audrey Diwan confirmera l’intérêt des cinéastes de 2024 pour les personnages féminins qui connaissent cette tourmente à la fois intérieure et extérieure. Dans le film avec Noémie Merlant, l’héroïne ne parvient pas à jouir et cherche à se reconnecter à son désir. Comme dans Babygirl, où il est aussi question d’un souci majeur de l’hétérosexualité de mieux en mieux documenté, le fameux « orgasm gap“, l’écart hommes-femmes en termes de plaisir sexuel.
Halina Reijn ne nous fait pas oublier que les fils d’un scénario plutôt convenu tiennent tous les aspects de son film debout, mais Babygirl possède des ressources et nous intéresse beaucoup quand il prend son temps, étire les scènes – notamment érotiques – et laisse une forme de trouble s’installer. Trouble des personnages (le jeune homme comme Romy) qui ne savent pas trop quoi faire de leurs montées de sève communes et inventent en tâtonnant les cérémonies qui les excitent. Trouble de l’actrice aussi. Et quelle actrice.
Nicole Kidman saisissante dans un long-métrage ardent
La tentation de faire de Nicole Kidman une figure dépassée, au regard de son éparpillement récent entre films et séries plus ou moins réussis, serait une erreur. Sa performance dans Babygirl le prouve, elle reste l’une des plus grandes, à l’image d’Isabelle Huppert – présidente du Jury de la Mostra, cette dernière pourrait reconnaitre leur sororité en termes de prises de risques samedi prochain lors du palmarès. Avec ce rôle percutant, Kidman ravive le souvenir de Eyes Wide Shut (1999), qu’un plan de son dos et de ses fesses nues cite frontalement.
Mais contrairement au chef d’œuvre de Stanley Kubrick, elle n’est pas l’objet du fantasme d’un homme : elle devient sujet. C’est son regard, sa peau, ses halètements qui comptent, même quand elle doit laper une coupelle de lait. Nicole Kidman montre à quel point la recherche du plaisir peut coûter à son personnage, mais elle incarne surtout, peut-être encore davantage que le film lui-même, la prise de risque nécessaire à toute aventure – artistique, amoureuse, sexuelle. Elle parvient à rendre le dernier mouvement du film, qui tend vers une forme de conformisme, chargé en émotions. Le signe des grandes.
Le film Babygirl (2024) d’Halina Reijl, avec Nicole Kidman et Antonio Banderas, n’a pas encore de date de sortie.