Les 1001 visages de Jim Carrey, héros inoubliable d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Le génie comique des années 90 est passé par une longue traversée du désert et une violente dépression avant de renaître enfin de ses cendres, grâce à la peinture et à l’écriture. Acteur de série pour Michel Gondry, commentateur hilarant de la Fashion Week et dessinateur habité, retour sur toutes les facettes de Jim Carrey à l’occasion de la diffusion du sublime film Eternal Sunshine of the Spotless Mind sur France 4, ce samedi 5 octobre 2024.
par Violaine Schütz.
Jim Carrey, star de The Mask et clown triste
Une légende persiste sur les clowns : derrière le maquillage et les rires en rafale qu’ils provoquent, ce seraient de tristes pitres. Jim Carrey a démarré dans les années 90 en amusant la galerie par son talent loufoque en créature grimée dans The Mask (1994), pour ensuite enchaîner les films destinés au pur divertissement. Que ce soit dans Ace Ventura, détective pour chiens et chats (1994), The Grinch (2000) ou Dumb and Dumber (1994), ses gimmicks à la Tex Avery et ses grimaces élastiques ont fait rire la planète entière.
Sauf qu’un jour, l’amuseur public n’a plus envie de rigoler. Il montre alors un visage grave, profond et émouvant dans le politique The Truman Show (1998), le mélancolique Man on the Moon et le poétique et sublime Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry.
Le réalisateur français qui lui a offert son plus beau rôle, aux côtés de Kate Winslet, ne l’a pas oublié puisqu’il lui a confié un rôle dans une série diffusée sur Showtime, Kidding, en 2018. Sur sa nouvelle lancée, Jim Carrey a présenté un documentaire sur l’humoriste pas toujours drôle Andy Kaufman au festival de Toronto. Les blagues de Jim sont aujourd’hui plus teintées d’ironie et d’absurdité que d’idiotie.
Slasheur imprévisible
Il n’y a pas que le cinéma dans la vie de Jim Carrey. L’acteur aujourd’hui âgé de 62 ans a révélé une autre facette de sa personnalité en peintre et dessinateur complètement habité par ses œuvres colorées et réussies dans un court métrage diffusé en ligne (intitulé Jim Carrey: I Needed Color et réalisé par David L. Bushell). La peinture semble avoir sauvé l’acteur après le suicide de sa femme, Cathriona White, en 2015, pour lequel il sera jugé pour homicide par imprudence en 2018. Lors de ses rares apparitions publiques, l’ex-comique joue aussi les commentateurs surréalistes.
Invité lors d’une soirée de la Fashion Week de New York en 2017, il a raconté à une journaliste désemparée de la chaîne E!News que cet événement n’était qu’un cirque dépourvu de sens, et que ni elle ni lui n’avaient d’existence réelle. Extrait : “Je voulais trouver la chose la plus vide de sens où je pouvais aller et me voilà. Vous le savez que ça n’a aucun sens ? (…) Je ne crois pas aux personnalités, je ne crois pas que vous existiez, mais vous laissez une merveilleuse effluve derrière vous. (…) Je crois que nous sommes des champs d’énergie qui dansent, et je m’en fous.” Quelque part entre Jean-Claude Van Damme et Guy Debord…
Trublion métaphysique
Jim Carrey – qui a publié en 2021 un live intitulé Mémoires flous – a très longtemps été connu et aimé pour son corps qu’il pouvait tordre dans tous les sens et pour son visage expressif. Mais c’est son esprit qu’il veut désormais dévoiler au monde. Ses interviews s’écoutent ainsi comme d’étranges leçons de vie. Passionné par la figure du Christ et fervent pratiquant de la méditation transcendantale, il a déclaré à CNN : “Mon âme n’est pas contenue dans les limites de mon corps, mon corps est contenu dans l’illimité de mon âme”.
Dans une interview publiée par le Monde, il poursuit plus loin ses élucubrations : “Beaucoup de gens ont interprété ce que j’ai vécu comme une dépression, mais ça n’a rien à voir. J’ai commencé à m’intéresser à l’idée du Tout, à rejeter de plus en plus ce qui se rattache à l’individualité. Mon moi s’est dissout progressivement, à la faveur d’une série de petites épiphanies. (…) J’ai de la tristesse, de la joie, mais ces émotions ne s’accrochent pas assez longtemps à moi pour me submerger.” Le masque semble définitivement tombé pour l’une des âmes les plus humaines de la Cité des Anges.
Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry, avec Jim Carrey et Kate Winslet, diffusé sur France 4 le 5 octobre 2024.