10 sept 2025

Les James Bond girls sont-elles vraiment victimes d’une malédiction ?

Depuis plus d’un demi-siècle, les James Bond girls incarnent glamour et désir, mais beaucoup voient leur carrière freinée après leur passage dans la saga. Faut-il parler de malédiction ou de cliché persistant ? Retour sur un phénomène où mythe, stéréotype et réalités de l’industrie se superposent.

  • par La rédaction.

  • James Bond girl, un rôle qui enferme plus qu’il ne libère ?

    L’histoire semble se répéter : être une James Bond girl, c’est d’abord entrer dans une case étroite. L’actrice britannico-américaine Jane Seymour, révélée par Live and Let Die (1973), a plusieurs fois expliqué en interview que le rôle avait ouvert des portes pour en fermer d’autres aussitôt.

    Même constat chez la comédienne italienne Luciana Paluzzi (Thunderball, 1965), qui confie qu’Hollywood la voyait uniquement comme l’archétype de la séductrice exotique. Cette réduction symbolique, documentée aussi dans un article du Guardian, démontre que la saga a figé des actrices dans des postures décoratives. Leur carrière s’en est trouvée amputée, comme si la reconnaissance internationale n’était qu’un piège doré…

    Mais le piège est aussi narratif. Les films multiplient les personnages féminins éliminés pour nourrir la dramaturgie masculine. Comme le notait Quartz, la James Bond girl meurt souvent pour permettre au héros de continuer sa vengeance. Derrière le glamour, c’est une fonction sacrificielle qui s’impose. Autrement dit, le cinéma qui promettait la visibilité a souvent assigné l’oubli.

    La première rencontre entre James Bond et Vesper Lynd dans Casino Royale (2006).

    Une “malédiction” ou une simple illusion statistique ?

    Faut-il pourtant y voir une véritable loi ? Certains chercheurs invitent à relativiser. Une étude sur l’évolution des carrières, relayée par des blogs spécialisés dans les cultural studies, suggère que la baisse de popularité post-James Bond n’est pas systématique.

    En moyenne, les films tournés après ne sont pas moins bien notés que ceux d’avant, selon des données IMDb. The New York Times rappelle d’ailleurs, à juste titre, qu’Hollywood a toujours imposé une logique de casting restrictive aux femmes, bien au-delà de l’agent 007.

    Autrement dit, cette “malédiction” pourrait surtout être un récit médiatique bien huilé, entretenu parce qu’il condense nos fantasmes sur le revers du succès. La gloire foudroyée révèle les contradictions d’une industrie qui expose tout en effaçant. La malédiction devient alors un miroir de la condition féminine dans le cinéma de divertissement.

    Ana de Armas, Halle Berry… Des exceptions révélatrices

    Pourtant, certaines trajectoires contredisent le mythe. Sophie Marceau, Eva Green et Léa Seydoux, toutes James Bond girls ont une belle carrière. Halle Berry, après Meurs un autre jour (2002), a remporté l’Oscar de la meilleure actrice pour sa performance dans À l’ombre de la haine (2002). Quant à Rosamund Pike, apparue dans Meurs un autre jour, est devenue une figure majeure du cinéma grâce à Gone Girl (2014) dix ans plus tard.

    La comédienne Ana de Armas, étincelante dans No Time to Die (2021), a rapidement accédé à des rôles prestigieux, de Blonde (2022) à Ballerina (2025). Des exceptions qui montrent que le rôle peut aussi se transformer en tremplin.

    Mais même les actrices célébrées n’échappent pas à la mécanique. La star internationale Michelle Yeoh, confiait par exemple qu’après Demain ne meurt jamais (1997) elle n’avait pas décroché de rôle pendant deux ans. Ce silence forcé illustre que le système James Bond Girl reste ambivalent : vitrine spectaculaire, mais vitrine fragile.

    Comme le souligne The Washington Post, l’enjeu n’est plus seulement de dénoncer une “malédiction”, mais de questionner la manière dont Hollywood construit et consomme encore les images féminines. À ce jour, on ne sait toujours pas qui incarnera l’agent secret et les James Bond girls dans le nouveau projet de Denis Villeneuve pour Amazon Prime Video.

    Le prochain film James Bond n’a pas encore de date de sortie.