Rencontre avec Julien de Saint Jean, la révélation du Comte de Monte-Cristo
Depuis quelques mois, l’acteur français Julien de Saint Jean apparaît comme l’une des révélations passionnantes du blockbuster hexagonal Le Comte de Monte-Cristo (2024). Au cours d’une interview accordée à Numéro, le jeune comédien se confie sans filtre sur son enfance, ses envies de réalisation et son agenda déjà très chargé pour l’année 2025…
Photos par Philippe Jarrigeon.
Stylisme par Fernando Damasceno.
Propos recueillis par Nathan Merchadier.
Julien de Saint Jean, la révélation du Comte de Monte-Cristo
Révélé dans Le Comte de Monte-Cristo, l’un des blockbusters français les plus attendus de l’année, Julien de Saint Jean a rapidement su imposer sa présence singulière à l’écran. À seulement 24 ans, l’acteur au charisme brut et à la silhouette élancée incarne le tempétueux Andrea Cavalcanti avec une intensité rare, offrant au personnage mythique d’Alexandre Dumas une nouvelle jeunesse.
Originaire du Beaujolais, le jeune acteur s’est d’abord formé au Conservatoire de Lyon avant de se tourner vers le cinéma, où sa carrière décolle rapidement. Après une première performance marquante dans Le Paradis (2023), où il incarne avec brio un détenu dans un centre de rééducation pour mineurs, Julien de Saint Jean se hisse parmi les révélations des César 2024, tout juste âgé de 23 ans.
Si son visage anguleux était encore inconnu du grand public il y a quelques mois, son interprétation habitée dans Le Comte de Monte-Cristo a marqué les esprits, propulsant instantanément le comédien au rang des figures montantes du 7ᵉ art. Alors que le film continue de triompher en salles et cumule désormais plus de 9 millions d’entrées, Julien de Saint Jean ne compte pas s’arrêter là. Avec un agenda déjà bien rempli pour 2025, mêlant drames intimistes et séries pour les plateformes de streaming, l’acteur prouve qu’il est bien plus qu’un simple héros de cinéma d’aventure.
À l’occasion d’un shooting pour le magazine Numéro avec le photographe Philippe Jarrigeon dans les murs d’un élégant hôtel particulier détenu par Levi’s, nous avons rencontré un comédien aussi discret qu’ambitieux, résolument prêt à écrire les premières pages d’une carrière prometteuse…
L’interview de Julien de Saint Jean
Numéro : Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?
Julien de Saint Jean : J’ai toujours été très proche de ma sœur même si nous nous sommes un peu construits en opposition. Lorsque ma mère l’a inscrite au théâtre, elle m’a aussi conseillé de m’orienter dans cette voie. Après deux années passées sur les planches, elle s’est arrêtée. Moi, j’ai continué car c’est le seul endroit où je me sentais vraiment libre. Avec un peu recul, je me rends compte qu’il y a beaucoup de rêves que j’ai toujours porté en moi. Je pense par exemple que j’ai toujours voulu être acteur même s’il y a aussi eu des phases pendant lesquelles je voulais devenir espion, policier, ou encore prof de cheval. Quand j’ai tourné dans Le Comte de Monte-Cristo (2024), j’étais très excité car j’ai pu raconter aux réalisateurs que j’avais mon galop cinq et que cela pourrait aider pour les scènes d’équitation !
Comment en êtes-vous arrivé à rencontrer Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, les réalisateurs de l’un des grands films de cette année 2024 ?
Mes parents ne viennent pas du tout du monde du cinéma donc cela pourrait sembler inespéré. Ma mère s’est toujours beaucoup occupée de nous, ce qui est un travail à plein temps. De son côté, mon père travaille dans le bâtiment et il a créé sa propre entreprise. Je viens de la campagne beaujolaise et j’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont très vite compris ce que je voulais faire et qui me soutiennent. Dans mes envies futures, j’aimerais faire de la comédie afin de découvrir un nouveau type de rôle.
À ce propos, comment choisissez-vous vos rôles ?
Une chose est sûre, il y a eu un “avant” et un “après” Monte-Cristo. Depuis quelques mois, je ressens ce changement parce qu’on me propose directement des films sans forcément avoir à passer de castings. Pour l’instant, j’ai l’impression que l’on m’attribue souvent des personnages assez durs mais qui ont aussi une certaine sensibilité. Mais ce qui détermine toujours mon choix pour aller vers un rôle ou l’autre, c’est la lecture du scénario. En ayant joué dans un film qui a fait neuf millions d’entrées, j’espère secrètement que mon travail va aussi être vu aussi par des gens du métier.
“Le fait de ne pas avoir passé de casting [pour le film Le Comte de Monte-Cristo] m’a longtemps fait ressentir un sentiment d’illégitimité.”
Julien de Saint Jean
Comment vous êtes-vous préparé à incarner le personnage d’Andrea Cavalcanti dans Le Comte de Monte-Cristo ?
Le fait de ne pas avoir passé de casting m’a longtemps fait ressentir un sentiment d’illégitimité. J’ai eu l’impression que j’avais tout à prouver, même si je voyais aussi qu’un acteur comme Pierre Niney pouvait être stressé du fait de son rôle. Aborder un si grand personnage de notre histoire témoignait d’une certaine prise de risque et il y avait aussi beaucoup d’argent mis en jeu. C’était une belle aventure et cela m’a permis de me rendre compte que l’on pouvait faire des films très ambitieux dans une ambiance agréable.
En quoi le tournage de ce film était si différent de vos projets précédents ?
Préparer ce rôle a été très différent de ce que je connaissais avant car il fallait que je cible comment je devais me comporter avec mon père (Laurent Lafitte) mais aussi avec Edmond Dantès (Pierre Niney). Je garde un souvenir très précis de la scène de procès à la fin du film car c’était un peu comme jouer au théâtre. J’ai travaillé avec une coach sur les différentes intentions qu’il fallait donner parce que j’étais très stressé. Il y avait aussi quelque chose de moins acquis dans ce tournage et j’ai vécu cette expérience comme un saut dans le vide. Progressivement, j’ai réussi à me laisser aller vers quelque chose de naturel et spontané.
Le Comte de Monte-Cristo était un film particulièrement attendu. Aviez-vous l’impression de faire partie de quelque chose de grand en acceptant ce projet ?
J’ai eu conscience que c’était un très gros projet mais je ne savais pas jusqu’où le soutien du public allait nous mener. Avoir dépassé les neuf millions d’entrées, c’est assez dingue. En tant que jeune acteur, j’étais aussi très flatté de me dire que j’allais faire un film très populaire, avec des pointures du cinéma français.
Comment trouvez-vous la force et l’envie de sans cesse vous renouveler à l’écran ?
On entend parfois dire que certains acteurs font toujours la même chose. Je pense personnellement qu’il est toujours intéressant de se mettre en danger. Un de mes rêves de petit garçon était par exemple de faire un James Bond. J’aimerais aussi tourner un film avec Justine Triet ou encore avec Xavier Dolan car j’admire leur travail. Peut-être que dans 10 ans, je pourrais me dire que je ne souhaite viser qu’un seul genre de cinéma. Parfois, je pense aussi au théâtre, au fait que j’aimerais vraiment y revenir. Mais je trouve que le cinéma a quelque chose de beaucoup plus éphémère. Alors je me dois d’y aller à fond et de faire le plus de films possible !
“En France, nous avons tendance à mettre en avant une diversité de masculinités pour affirmer qu’il n’en existe pas une seule et c’est assez agréable.”
Julien de Saint Jean
Le métier d’acteur doit parfois être assez épuisant. Comment faire face à la pression ?
Il faut essayer de ne pas trop y penser. Quand tu passes un casting, une dizaine de personnes sont dans la pièce et regardent tes essais donc c’est toujours impressionnant. Je suis quelqu’un de très anxieux donc il ne faut pas trop que je me laisse submerger par mes émotions. Mais après avoir fait deux ou trois films, le plus compliqué va être de faire les bons choix pour tenir 40 ans dans ce milieu. Pour cela, il faut être bien entouré et avoir un bon agent pour garder les pieds sur terre.
Quels sont vos projets à venir ?
Récemment, j’ai tourné un long-métrage d’Anna Cazenave Cambet avec Vicky Krieps qui s’appelle Love Me Tender (2025). C’était génial car c’était un film dramatique, mais mon personnage (le coloc de Vicky) était surtout impliqué dans des scènes plus légères et la réalisatrice m’a beaucoup poussé à improviser. Je vais aussi jouer dans une production Netflix intitulée Les Jeux sont faits qui sortira en 2025. C’est la première fois que je jouais en anglais dans un film de genre qui m’a rappelé Parasite (2019) de Bong Joon Ho. J’ai aussi joué avec Julia de Nunez dans un superbe film intitulé La Réparation (2025). Enfin, l’une de mes grosses actualités à venir est la série Merteuil (2025) avec Anamaria Vartolomei, Diane Kruger et Lucas Bravo pour la plateforme Max. C’est une série adaptée du roman érotique adaptée des Liaisons dangereuses et j’ai pris énormément de plaisir à m’investir dans ce projet.
“Je pense sincèrement que ma vie ne sera pas accomplie si je ne passe pas à la réalisation un jour.”
Julien de Saint Jean
En tant qu’acteur, quelles sont vos plus grandes peurs ?
En général, j’ai l’impression que chaque étape de ma vie est insurmontable. Cela peut être une interview, un shooting, un plateau télé ou même un film. J’ai l’impression qu’à chaque fois, c’est un nouveau challenge. De plus, il m’est parfois très difficile de me voir à l’écran. C’est cette exigence-là fait que je redouble de motivation pour m’améliorer. Sur le tournage du film La Réparation (2025), l’actrice Julia De Nunez m’a confié qu’elle avait souvent peur que tout s’arrête. Même si je n’ai pas toujours confiance en moi, j’ai eu l’impression que ça allait fonctionner depuis ma plus tendre enfance. Si un jour je ne pouvais plus tourner, je ne sais pas ce que je ferai. C’est pour cela qu’à chaque nouveau projet, je me dis qu’il faut que je me donne à fond pour ne pas avoir de regrets. Ces angoisses, je les ai tout le temps.
Avez-vous parfois des envies de réalisation ?
Je suis en train d’écrire un court métrage et je me dis que j’ai encore le droit à l’erreur car je suis jeune. Mais je pense sincèrement que ma vie ne sera pas accomplie si je ne passe pas à la réalisation un jour. Être acteur, c’est un métier de désir. Tu dois être aimé du public, des producteurs et des réalisateurs, mais tu n’es jamais vraiment maître du film. Il y a toutefois certains réalisateurs qui te permettent de prendre part à la création d’un film…
Entre deux tournages, comment aimez-vous occuper votre temps libre ?
Quand j’étais au lycée, ma passion était le théâtre et je trouvais ça génial. Maintenant, ma passion est en quelque sorte devenu mon métier donc c’est difficile de répondre à cette question [rires]. Quand je sors d’un tournage, je vais souvent voir mes parents. Il m’arrive aussi d’aider mon père dans les vignes, mais c’est quand même très rare. S’il lit cela, il va se dire : “Quel gros menteur” [rires].
Quel rapport avez-vous avec la mode ?
À l’adolescence, je faisais un peu de publicité en tant que mannequin mais visiblement, on ne m’a pas donné des jambes assez longues donc ça n’a pas duré [rires]. Aujourd’hui, le métier d’acteur me permet d’être proche de certaines maisons comme Dior ou Boucheron et c’est une chance immense. Je commence tout juste à m’intéresser à ce monde mystérieux et c’est quelque chose que j’apprécie. Les défilés sont aussi un nouvel univers auquel je commence à avoir accès et qui me passionne.
Ces derniers temps, on parle d’une nouvelle masculinité, avez-vous le sentiment que les canons de beauté chez les hommes sont en mutation ?
Il me semble que ce genre de questions ont commencé à apparaître aux États-Unis avec un Timothée Chalamet qui a su réinventer certains codes à sa manière. Dans le film Dune, c’est assez inhabituel de voir un acteur très mince incarner un leader aussi charismatique. Depuis quelques années, j’ai aussi l’impression que ces sujets arrivent lentement en France. On a tendance à mettre en avant une diversité de masculinités pour affirmer qu’il n’en existe pas une seule. C’est assez agréable car le cinéma est censé refléter notre société et lorsqu’on regarde qui sont les acteurs émergents, on se rends compte qu’il n’y en a pas un seul qui se ressemble.
Le Comte de Monte-Cristo, de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, avec Pierre Niney, Anamaria Vartolomei et Julien de Saint Jean, actuellement au cinéma. La Réparation (2025) de Régis Wargnier, avec Julia de Nunez et Julien de Saint Jean, au cinéma le 16 avril 2025.
Coiffure et maquillage : Marc Orsatelli chez Agence Aurélien Paris. Assistants photographe : Quentin Lacombe et Hugues Poulanges. Numérique : Marie Noury. Retouche : Imagin Productions. Remerciements : Haus of Strauss.