Rencontre avec Pio Marmaï : “Je suis quelqu’un d’assez épicurien, de curieux et je me fous un petit peu de la norme”
Ce mercredi 6 novembre 2024 sort au cinéma la comédie loufoque À toute allure, mettant en scène l’acteur Pio Marmaï dans la peau d’un steward embarqué dans une aventure de sous-marins improbable. Face à Eye Haïdara, le quarantenaire continue de surprendre par son énergie débordante et son humour mordant. Rencontre avec l’un des acteurs les plus en vue du cinéma français, qui ne cesse de se renouveler à l’écran.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
Pio Marmaï, acteur énergique
Depuis ses débuts au cinéma dans le film Le Premier jour du reste de ta vie (2008) de Rémi Bezançon, qui lui vaut une nomination au César du meilleur espoir masculin, Pio Marmaï fait partie de ces acteurs qui semblent animés par une curiosité débridée.
Aussi à l’aise dans le registre de la comédie (La Ritournelle) que dans celui du drame familial (Ce qui nous lie) ou du blockbuster hexagonal à succès (Le Trois Mousquetaires), le comédien originaire de Strasbourg qui a fait ses débuts sur les planches du Conservatoire de Créteil n’a depuis eu de cesse de mettre son énergie débordante et son bagou au service de réalisateurs en vue. Quentin Dupieux lui a d’ailleurs récemment offert deux rôles déroutants dans Yannick et Daaaaaali ! (2023).
Ce mercredi 6 novembre 2024, Pio Marmaï, acteur à la carrure athlétique et au regard malicieux, endosse le rôle d’un steward tête brûlée aux côtés de l’épatante Eye Haïdara dans la comédie déjantée À toute allure de Lucas Bernard. Plongé dans le quotidien millimétré d’officiers d’un sous-marin nucléaire, son personnage facétieux, Marco, apparaît comme le parfait écho de l’esprit aventurier de l’acteur.
On se souvient notamment lorsqu’il déversait toute sa rage dans le clip San Pellegrino du groupe Odezenne, en 2022. À chaque nouveau rôle, Pio Marmaï, qui n’a pas peur des zones de turbulence, réaffirme son goût pour le risque sans jamais perdre cette authenticité qui fait de lui un acteur à part. Rencontre.
L’interview de l’acteur Pio Marmaï, star du film À toute allure
Numéro : Quels éléments vous ont poussé à rejoindre le casting de la comédie romantique À toute allure ?
Pio Marmaï : Je dois vous avouer que je ne suis pas un fin connaisseur des comédies romantiques. Mais j’ai été attiré par ce projet d’abord pour le grand soin apporté à la langue française dans le scénario. J’aime cette idée de ne pas rester dans une forme de bavardage et d’anecdote. Je sais aussi qu’en terme de jeu, ce tournage allait demander une certaine préparation et de l’exigence. Par ailleurs j’étais séduit à l’idée de travailler avec Eye Haïdara et José Garcia. Je me suis dit que notre trio pouvait être électrique. Mais ce projet était loin d’être gagné et un peu casse-gueule parce qu’il comportait une forme de burlesque qui se rapprochait de la fable à certains moments. Dans la vraie vie, personne ne va croire au fait qu’un type réussisse à pénétrer dans un sous-marin nucléaire.
Quelles sont d’ailleurs vos comédies romantiques préférées ?
J’aime les films classiques comme Coup de foudre à Notting Hill (1999), Pretty Woman (1990) ou encore Grease (1978). Si Titanic (1998) avait été une comédie romantique, je l’aurais également inclus dans cette liste. Je l’ai vu une dizaine de fois mais toujours en VF, parce qu’un bon film américain des années 2000 se regarde en VF [rires].
Vous faites face à Eye Haïdara, qui joue un personnage très différent du vôtre. Lorsqu’il est question d’amour, les opposés s’attirent-ils toujours ?
C’est délicat car je pense que certaines zones d’opposition ne sont pas viables au sein d’un couple. Les conflits d’ordre politique sont un bon exemple. Il me semble très compliqué de vivre avec une personne trop éloignée de mes convictions. Il faut quand même avoir quelques atomes crochus pour pouvoir supporter son partenaire au quotidien.
“Dans ma masculinité, je sais que je peux inspirer des personnages costauds ou sportifs, mais je me sens assez libre d’aller où je veux pour incarner n’importe qui.” Pio Marmaï
La diversité de rôles dans lesquels vous vous plongez se retrouve aussi dans la palette éclectique de réalisateurs. Quel effet cela fait-il de passer d’un film de Quentin Dupieux au tournage d’une série comme En thérapie ?
J’aime l’idée de sortir de ma zone de confort en passant d’un gros tournage à celui d’un film plus intime. À certains moments, j’ai aussi besoin de m’extraire de ce système afin de questionner mon travail. Tout cela passe par l’envie de traverser des rôles différents, quasiment opposés, et surtout des économies très éloignées. J’ai toujours aimé l’idée de me surprendre moi-même et de réussir à surprendre les autres.
Vous jouez aussi régulièrement dans des films très populaires comme Les Trois Mousquetaires. C’est quelque chose qui vous tient à cœur ?
Ce qui m’intéresse, c’est surtout la qualité des projets. Pour Les Trois Mousquetaires (2023), il y avait quelque chose qui fait appel à l’enfance, aux souvenirs car on parle d’un mythe de la littérature française. J’aurais été un peu idiot de ne pas aller incarner Portos et de préférer rester chez moi. À côté de cela, j’ai joué dans le film Yannick (2023) de Quentin Dupieux et nous étions sur une économie totalement différente. J’ai parfois l’impression qu’il faut remettre les compteurs à zéro quand j’arrive sur un tournage. Je me sens à l’aise dans mon travail aujourd’hui, mais j’éprouve aussi le besoin de me prouver certaines choses.
Dans ce film, vous incarnez une forme de masculinité moins virile. Quel est votre idée de la masculinité ?
Je ne me suis jamais vraiment posé de question sur ma masculinité car j’ai toujours été dans un rapport humain aux choses. Je suis quelqu’un d’assez épicurien, de curieux et je me fous un petit peu de la norme. Dans ma masculinité, je sais que je peux inspirer des personnages costauds ou sportifs, mais fondamentalement, je me sens assez libre d’aller où je veux pour incarner n’importe qui. J’ai envie de continuer à jouer des personnages qui m’intriguent et ce qui ne sont pas attendus.
“Sur le tournage du film Daaaaaali !, je ne savais plus où j’allais et parfois c’est agréable de ne pas comprendre ce qui se passe.” Pio Marmaï
Plus tôt dans l’année, vous étiez dans un autre registre à l’affiche du film Daaaaaali ! de Quentin Dupieux. Comment s’est déroulée cette expérience ?
C’était extrêmement rapide et pour tout vous avouer, je n’ai pas encore vu le film. Je n’ai travaillé que six jours sur ce projet. Un jour, Quentin Dupieux m’a appelé pour me demander si je voulais incarner Dali. J’ai accepté même si l’on venait tout juste de sortir Yannick. Après avoir écouté quelques enregistrements de sa voix, je me suis dit que ce film pouvait être à côté de la plaque. J’étais complètement perdu et j’avais l’impression de marcher sur des œufs car j’ai mis beaucoup de temps avant de trouver ma propre interprétation de Dali. Je ne savais plus où j’allais et parfois, c’est agréable de ne pas comprendre ce qui se passe.
Et vous avez joué dans Une année difficile, un film sur l’écologie…
C’était un rôle très marquant. En amont du tournage, j’ai rencontré un collectif d’écologistes et d’activistes dans une atmosphère bouillonnante. Je garde un souvenir vibrant de cette expérience qui m’a fait reconsidérer mon rapport au monde, à la consommation.
Dans une interview accordée à Libération en 2012, vous avez confié avoir été élevé selon le précepte : “Sois créatif et insoumis”. Avez-vous l’impression d’avoir suivi ce fil rouge tout au long de votre carrière ?
Je n’ai jamais eu le sentiment de m’agenouiller devant quelqu’un. Si la créativité passe par la surprise, oui, je pense que j’essaie de m’approcher de cela. Le terme insoumis est un peu délicat voire arrogant et aujourd’hui, il n’a plus vraiment de sens. Mais quand mes parents me le disaient, ils pensaient à quelque chose d’“anti-chevaleresque”.
“J’aimerais bien incarner un tueur très machiavélique”. Pio Marmaï
Y’a-t-il un personnage que vous n’avez encore jamais expérimenté et que vous rêveriez d’interpréter ?
J’aimerais bien incarner un tueur très machiavélique. Ces derniers temps, je suis assez fasciné par les films horrifiques. Ça a commencé par l’univers des zombies et progressivement, je me suis fait happer par le cinéma de genre. En parallèle, j’ai aussi l’idée de réaliser un film d’horreur. J’aime ce genre de longs-métrages et les univers assez malaisants. Peut-être qu’il y a quelque chose de l’ordre de la catharsis dans tout ça.
Vous serez prochainement à l’affiche du film Le Roi soleil, aux côtés de Sofiane Zermani et Panayotis Pascot. Quels sont vos projets ?
J’ai aussi fait un film avec Carine Tardieu qui s’appelle L’attachement. Et là je sors du tournage d’une très grosse production pour Netflix qui s’appelle Nero : une série de baston ultra violente. Ça va être gigantesque !
À toute allure (2024) de Lucas Bernard, avec Pio Marmaï et Eye Haïdara, actuellement au cinéma.