Pourquoi il faut aller voir le film Bird avec Barry Keoghan
Le film Bird de la réalisatrice anglaise Andrea Arnold enveloppe le quotidien d’une jeune fille défavorisée d’un voile de mystère et de grâce. L’une des plus fortes émotions du Festival de Cannes 2024, qui met en scène l’acteur Barry Keoghan et arrive enfin au cinéma ce mercredi 1er janvier 2025.
par Olivier Joyard.
Andrea Arnold, qui a présenté son cinquième film depuis 2009 au dernier Festival de Cannes (après Red Road, Fish Tank, American Honey et Cow) l’a appelé Bird, comme le biopic de Charlie Parker réalisé en 1986 par un certain Clint E. Pourquoi se gêner ? Après tout, la plupart de ses protagonistes n’étaient même pas nés. La cinéaste britannique âgée de 63 ans renoue avec l’éternelle tradition so british du réalisme social qui met en avant les laissés pour compte, mais son approche est celle des sensations plutôt que du commentaire.
Bird, le nouveau film d’Andrea Arnold avec Barry Keoghan
Tout, ici, se crée en direct, comme esquissé pour la première fois sous nos yeux, dans une nervosité fragile mais avec une grande précision du trait. L’héroïne Bailey (fabuleuse Nykiya Adams, dont c’est le premier rôle) a douze ans et des préoccupations au-delà de son âge. Son père (Barry Keoghan vu récemment dans Saltburn), qui l’a eue à quatorze ans, lui annonce qu’il va se marier avec sa nouvelle petite amie, ce qui la met en rage. Sa mère est absente. Personne ne lui demande jamais son avis. Le film enregistre ses petites errances dans une ville de bord de mer. Bailey semble subir son quotidien, mais s’échappe constamment en dialoguant avec le soleil, la nature, les animaux.
Un film présenté en compétition au Festival de Cannes 2024
Bird est un film qui ne regarde pas en arrière, un film de jeunesse(s) porté par une caméra collée aux personnages, comme une deuxième peau. On y entre à toute vitesse, on en ressort transi. Tout est possible, y compris l’incroyable, tout se reformule constamment. Dans un champ où elle a dormi, Bailey croise un homme étrange qui se fait appeler Bird (Franz Rogowski), joliment lunaire). Il semble venir d’un autre monde, porté par une douleur fondamentale. Ça lui plait. Ensemble, ils se mettent en quête du père de ce dernier, qu’elle pourrait avoir connu. Le film se déplace alors vers le conte fantastique, sans pour autant que le ton ne change radicalement. Quand tant de films enserrent leurs personnages, il s’agit toujours, pour Andrea Arnold, de façonner un espace où ils deviennent libres de leurs mouvements. Elle cherche, trébuche, hésite, finit toujours par trouver. Avant de recommencer dans la scène suivante.
Bird aurait pu remporter la Palme d’or
Si le film s’imposait aisément parmi les grands favoris pour la Palme d’or du Festival de Cannes 2024, c’est parce qu’il dépasse toujours son scénario un peu prévisible – le trajet initiatique d’une petite fille dans la violence sourde du monde, économique et patriarcale – pour offrir une vision à la fois physique et intérieure des mutations qui nous élèvent. Le choix des chansons, de The Verve à Blur, ajoute à l’euphorie que Bird est capable de créer.
Bird est une source d’énergie à lui tout seul. Dans un festival préoccupé par les catastrophes du monde, souvent dévoré par l’apocalypse – de Furiosa : une saga Mad Max à Megalopolis -, Andrea Arnold refuse tout autant la noirceur que la mièvrerie pour nous proposer de décoller. Une ambition de toute beauté.
Bird d’Andrea Arnold, avec Barry Keoghan, au cinéma le 1er janvier 2025.