Ari Aster : 5 choses à savoir sur le nouveau maître de l’horreur
L’acteur Joaquin Phoenix interprète le rôle principal du nouveau film du cinéaste américain Ari Aster, Beau is Afraid. En attendant sa sortie, ce mercredi 26 avril, Numéro revient sur cinq lubies du nouveau roi de l’horreur entre hurlements pétrifiants, scènes atroces et rites sacrificiels, au menu notamment dans ses derniers films, Midsommar (2020) et Hérédité (2018).
Par Alexis Thibault.
Joaquin Phoenix décroche le premier rôle de Beau is Afraid
Ari Aster, 36 ans, a offert le rôle titre de son prochain long-métrage à Joaquin Phoenix, de 12 ans son aîné. Beau is Afraid sort dans quelques jours – le 26 avril – et les amateurs d’atmosphère macabre, de plans fixes angoissants et de personnages tourmentés sont déjà en émoi. Le synopsis : un entrepreneur névrosé souhaite rendre visite à sa mère qu’il n’a pas vue depuis très longtemps. Mais Beau se fait percuter par une voiture et se réveille, blessé, dans un endroit inconnu… Fils d’un musicien et d’une poétesse, Ari Aster ravit les cinéphiles depuis Hérédité, son film de 2018 apprécié a posteriori à sa juste valeur, et dont la qualité fait toujours débat auprès des cinéphiles les plus exigeants. Spectacle provocateur et déstabilisant pour les uns, film de genre parodique pour les autres, chacun salue néanmoins la prise de risque du New-Yorkais diplômé de l’American Film Institute. Ari Aster propose une autre vision de l’horreur, transformant les codes du film Z pour présenter une œuvre à l’atrocité cruelle et réaliste, des scènes abjectes et crédibles. Découvrez 5 choses à savoir sur Ari Aster, le nouveau roi de l’horreur au cinéma.
1. Ari Aster s’amuse à confronter les générations
Personnage récurrent des films d’épouvante – notamment du genre “slasher”, qui consiste à lâcher un psychopathe aux trousses d’une bande ingénue –, l’adolescent est particulièrement apprécié pour sa naïveté et sa témérité crasse. Dans ses longs-métrages, Ari Aster préfère, lui, confronter les générations : il oppose ainsi une mère endeuillée à son fils adolescent médusé, ou de jeunes touristes candides à un vieillard maigrelet en plein rite sacrificiel. Plus qu’une fascination pour ce clivage générationnel, le cinéaste transforme consciencieusement les corps et leurs stigmates en élément horrifique. Une violence graphique rendue possible par la science du mouvement dont fait preuve Ari Aster : entre une multitude de plans-séquences, le cinéaste insère avec maestria des plans fixes, au sein desquels ses personnages restent étonnamment immobiles. L’effet horrifique des monstres, immobiles sur l’écran, est démultiplié et pétrifient le spectateur, qui ne peut détourner son regard de cet objet d’horreur persistant. Et lorsqu’il s’agit des victimes, leur inertie, soigneusement orchestrée par le réalisateur, accentue leur impuissance et l’angoisse du spectateur.
2. Un cinéaste fasciné par le hurlement et les mutilations
Ari Aster a l’art de susciter le malaise. Il est littéralement fasciné par les corps atteints de malformations, anomalies congénitales d’un tissu ou d’un organe, qu’il porte à un très haut degré d’exagération. Il convoque des personnages défigurés ou mutilés, les cris de frayeur sont poussés au paroxysme, tandis que les bouches béantes à la limite de la déchirure transforment les visages en figures de démons. En réalité, Ari Aster dépeint un monde étrange et pessimiste, traversé par le sentiment freudien de l’unheimliche (“l’inquiétante étrangeté”). Mais sous couvert de relations incestueuses, ses personnages handicapés et déformés évoquent volontiers des figures mythologiques voire métaphoriques, des créatures en pleine métamorphose.
3. Les films d’Ari Aster s’inspirent de sa propre vie
Comme bon nombre de ses homologues, Ari Aster reconnaît s’inspirer de sa propre vie pour écrire ses films. Prolongement évident de son court-métrage de 2011 The Strange Thing About the Johnsons, le film Hérédité (2018) nous plonge au cœur d’une famille maudite suite au décès de la matriarche. Le réalisateur retranscrit ici une série d’épreuves subies par sa propre famille pendant trois ans… Des traumatismes qui ont participé à la genèse de ce long-métrage testamentaire et cathartique. Quelques années plus tard, Ari Aster s’attaque à Midsommar (2020), œuvre thérapeutique qui évoque cette fois sa propre rupture amoureuse survenue quelques mois auparavant.
4. Ari Aster injecte des runes antiques et des symboles dans ses films
À coups de marqueur noir, Ragnar Persson s’amuse depuis longtemps à transfuser l’imagerie du heavy metal dans des paysages bucoliques. Mais ce sont des fresques prophétiques que l’artiste suédois réalise en 2019 pour le compte d’Ari Aster. Ces œuvres naïves et ensanglantées rappellent les illustrations médiévales de la tarologie, cet art divinatoire qui relève de la cartomancie. Les dessins de rites païens seront alors transformés en papier-peint. Intégrés directement dans le film Midsommar (2019), ils annoncent secrètement le scénario du film aux spectateurs. Dans Hérédité, le cinéaste disséminait déjà des symboles à longueur de plans, jusqu’au rituel satanique explicite. Ari Aster a clairement hérité de l’attrait d’Ingmar Bergman – l’un de ses maîtres à penser – pour l’iconographie et les symboles du deuil et de la mort (Le Septième Sceau ou Cris et chuchotements par exemple). Concepteur d’une langue fictive pour Midsommar, il ira jusqu’à imaginer tout un alphabet runique pour son film.
5. Ari Aster a longtemps refusé de se lancer dans l’horreur
Scénariste de ses propres longs-métrages, Ari Aster rejette les codes de l’épouvante commerciale et ne se considère pas vraiment comme “un cinéaste de l’horreur”. “J’ai longtemps résisté à l’écriture d’un film d’horreur parce que ce genre ne m’excitait pas vraiment, confesse-t-il dans une interview accordée au site The Verge. Finalement j’ai dévalisé la section horreur de chaque magasin que j’ai pu trouver…” Une nuance liée à son amour pour le film de genre – du fan de sorcellerie Robert Egger (The Witch) au scandaleux Nagisa Ôshima (Furyo) en passant par Lars von Trier, Gaspar Noé ou Ingmar Bergman. Ari Aster rejette les jump scare et oscille entre le huis clos obscur et le cauchemar tourné en plein jour sous un soleil écrasant, à l’instar de Midsommar, son œuvre macabre de 2019 avec une Florence Pugh fantastique.
Beau is Afraid d’Ari Aster, en salle le 26 avril 2023.