13 avr 2018

4 raisons d’aller voir la rétrospective sur R.W. Fassbinder à la Cinémathèque française

Du 11 avril au 16 mai, la Cinémathèque française, musée du septième art situé à Paris, dédie son espace à la gloire du réalisateur et acteur allemand Rainer Werner Fassbinder, au travers de conférences et de projections commentées.

Né juste après la Seconde Guerre mondiale et émanant du milieu théâtral, Fassbinder est aujourd’hui une figure emblématique du cinéma de l’ancienne république fédérale d'Allemagne (RFA). Autodidacte et souhaitant éviter toute compromission avec Hollywood, le réalisateur se disait être un auteur entier et totalement maître de son œuvre sur tous les plans. Mort prématurément à l’âge de 37 ans, en 1982, suite à une rupture d’anévrisme causée supposément par la drogue et le surmenage, Fassbinder a reçu l’Ours d’or cette même année pour son avant-dernier film, Le Secret de Veronika Voss. Une fondation à son nom a alors été créée suite à son décès, aujourd’hui présidée par Juliane Lorenz, la dernière compagne du réalisateur. Voici 4 raisons de se rendre à cette rétrospective.

 

1. Il représente le renouveau du cinéma allemand des années 60-70.

Grand admirateur des mélodrames hollywoodiens des années 50 du cinéaste Douglas Sirk, Fassbinder se passionne pour le glamour sur grand écran et se projette dans des personnages féminins qu’il place au centre de ses films, qui pour lui sont des victimes opprimées dont le pouvoir d’émancipation est amplement sous-estimé. Selon le réalisateur, le monde est une vitrine où les individus ne sont que des mannequins faisant seulement de la figuration, totalement impuissants et hantés par un drame omniprésent. Dans son art, qu’il revendique nouveau, il souhaite fissurer cette vitrine et refaire la décoration. Son cinéma devient alors celui de l’utopie et de l’artificialité, où l’amour n’est que fatalité. Fassbinder disait que “le fait que le film ait une fin fataliste fait naître dans l'esprit du public le besoin de rechercher une idée utopique. Donc, plus un film est fataliste, plus il est porteur d’espoir”.

 

2. C’était un grand visionnaire.

Féru de la littérature réaliste, il puisait son inspiration chez les auteurs les plus classiques : Flaubert, Maupassant ou encore Fontane, dont il adapte le roman Effi Briest au cinéma. Sa vision du monde et du futur formait une sorte de discours accusateur sur le vice qui, selon lui, se propageait en RFA, à savoir un certain mouvement d’intolérance petite-bourgeoise issu de la période nazie et aujourd’hui remplacé par la société de consommation. C’est dans son prodigieux film Le Monde sur le fil que sa clairvoyance relève du génie. Grâce à une imagerie esthétiquement avant-gardiste et à un ton politiquement novateur, Fassbinder réalise une trépidante confrontation entre le monde réel et la science-fiction, traitant de la simulation d’identité dans un monde virtuel, sujet qui aujourd’hui ne relève plus de la fiction.

 

3. Son art cultivait la provocation et exploitait des sujets moralement sensibles.

Fasciné par les controverses portant sur les heures sombres de l'Allemagne nazie, qu’il dépeint dans nombre de ses œuvres, Fassbinder souhaitait choquer son public et trouvait un malin plaisir à heurter les mœurs de la société encore chancelante dans laquelle il vivait. En 1976, un scandale éclate autour de sa pièce de théâtre Les Ordures, la Ville et la Mort, où se mêlent censure silencieuse, refoulement et répercusions sociétales. Un des personnages de la pièce est dénommé le “Juif riche”, en conséquence de quoi l’auteur est accusé d’antisémitisme. Outre ses partis pris artistiques, Fassbinder s’intéressait aux discussions morales en rapport avec l’orientation sexuelle. Bien que marié à Ingrid Caven pendant deux ans, il aurait eu successivement de nombreux amants masculins, qu’il a d’ailleurs osé faire tourner dans certains de ses films. Ouvertement bisexuel, il va jusqu’à exploiter la fluidité de l’univers libidinal, comme le montre son film Querelle, qui met en images les délires érotiques de Jean Genet, tirés de Querelle de Brest, le roman de cet auteur engagé dans les libertés.

 

4. Il a produit une œuvre colossale et variée qui mêle théâtre, cinéma et télévision.

Assimilée par lui-même à une maison, sa filmographie comprend une quarantaine d’œuvres réalisées en l’espace de vingt ans, période durant laquelle il a créé et fait connaître de nouvelles stars du septième art comme Hanna Schygulla, qui a joué dans bon nombre des films du réalisateur. Bien que moins important que sa cinématographie, son amour pour le théâtre lui a valu une certaine reconnaissance dans le milieu, avec des pièces expérimentales dont les mises en scène réinterprêtaient des textes classiques de façon anticonformiste. En constante recherche de défis, le réalisateur s’est même prêté à la production télévisuelle, avec son soap opera visant à “éduquer” les masses, Berlin Alexanderplatz, commandé par la télévision ouest-allemande et issu d’une adaptation du roman homonyme d’Alfred Döblin. En somme, Fassbinder était un artiste polyvalent aux multiples talents.

 

 

La première partie de la rétrospective sera projetée le 18 avril, et présentera :

 

L’amour est plus froid que la mort

Le Bouc

Prenez garde à la sainte putain

Le Marchand des quatre saisons

Les Larmes amères de Petra von Kant

Martha

Tous les autres s’appellent Ali

 

Quant à la deuxième partie, elle sera projetée le 2 mai, et présentera :

 

Effi Briest

Le Droit du plus fort

Roulette chinoise

L’Année des treize lunes

Le Mariage de Maria Braun

Lola, une femme allemande

Le Secret de Veronika Voss

 

 

En parallèle de la rétrospective, Carlotta Films réédite les plus grands films de R.W. Fassbinder dans de toutes nouvelles restaurations et pour la première fois en coffrets Blu-ray.