18 jan 2021

Charlize Theron: portrait d’une actrice devenue reine d’Hollywood

Conjuguant une beauté sculpturale à une interprétation sans faille, la sublime Charlize Theron s’est installée au firmament des étoiles de Hollywood. Passée maître dans l’art de la transformation, elle a d’abord été acclamée pour ses rôles de femmes fortes, en particulier celui de l’authentique tueuse en série Aileen Wuornos, qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice en 2004. Aujourd’hui figure du cinéma d’action, la flamboyante Américaine s’est notamment illustrée dans le rôle de Furiosa dans “Mad Max: Fury Road”. De retour sur le devant de la scène, la charismatique comédienne fait sensation sur Netflix dans le film “The Old Guard” (2020) de Gina Prince-Bythewood, se révélant, à 44 ans, plus radieuse que jamais.

Pour s’entretenir avec Charlize Theron dans le monde post-Covid-19, il faut d’abord patienter dans une salle d’attente virtuelle de Zoom
– application informatique inconnue jusqu’alors, désormais devenue l’outil de promotion favori de l’industrie du cinéma depuis la crise sanitaire qui a touché le monde entier. C’est la sortie sur la plateforme Netflix de son tout nouveau blockbuster, The Old Guard, qui motive cet entretien. La superstar y incarne une charismatique immortelle super badass, prête à tout sacrifier pour protéger ses semblables.

 

 

À 44 ans, la flamboyante actrice sud-africaine naturalisée américaine n’a rien perdu de son aura. Avec les années, elle a pertinemment fait évoluer son statut d’actrice vers celui de productrice pour, confie-t-elle, “continuer à garder le contrôle, pouvoir prendre plus de risques du point de vue créatif, faire les choses dont j’ai envie et pouvoir créer des opportunités pour moi-même bien sûr, mais aussi pour les autres, notamment les femmes”. Un processus qu’elle a, en réalité, initié depuis longtemps, exactement depuis Monster, le film qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice en 2004. Pour ce rôle, et afin de mieux s’immiscer dans la peau de la première femme serial killer américaine, elle a pris quinze kilos, s’est fait intégralement épiler les sourcils, placer du latex sous les yeux puis sur l’intégralité du visage, lequel a été entièrement coloré à l’aide d’un pistolet à peinture. Longue de vingt et un titres, la liste des projets produits par la superstar hollywoodienne s’est peu à peu étendue à d’autres films où elle tient le premier rôle, dont Atomic Blonde (2017), Tully (2018) ou plus récemment The Old Guard (2020), en passant par trois séries en tant que productrice exécutive, Mindhunter, Girlboss et Hyperdrive.

 

 

“Nous vivons dans un monde où l’on passe son temps à étiqueter les gens, à les mettre dans des cases et à s’en débarrasser”

 

 

Si, dans sa carrière, ces trois séries pourraient à première vue sembler anecdotiques, elles résument pourtant à elles seules le chemin parcouru au cinéma par l’ex-compagne de Sean Penn. Pilotée par David Fincher, Mindhunter explore depuis 2017 l’univers du profilage criminel en mettant en scène deux agents du FBI convaincus que pour traquer efficacement les tueurs en série, il faut les comprendre. Or c’est exactement ce que Charlize Theron s’est efforcée de faire pendant la préparation de Monster : “La psychologie d’Aileen Wuornos est l’une des plus complexes qu’il m’ait été donné d’explorer. C’était la première fois que j’acceptais un rôle comme celui-là et il y avait quelque chose de profondément bouleversant à interpréter cette femme. Sa vie, ses actions et sa personne ont été jugées avec une immense sévérité par la société américaine. Peu de gens savent qu’elle était la première femme serial killer et personne ne s’est jamais demandé ce qui l’avait poussée à commettre toutes ces horreurs. Nous vivons dans un monde où l’on passe son temps à étiqueter les gens, à les mettre dans des cases et à s’en débarrasser, alors qu’on gagnerait beaucoup à essayer de comprendre pourquoi, ou comment, quelqu’un arrive à vivre en étant totalement négligé par ses semblables et à ne plus faire partie de la société.

Mue par une certaine idée du métier de comédienne, celle qui pousse des femmes à explorer des territoires psychiques jusqu’alors inconnus, l’Américaine a tout d’une Gena Rowlands côtoyant la folie ordinaire dans le chef-d’œuvre de John Cassavetes Une femme sous influence (1974), ou encore d’une Liv Ullmann s’efforçant de jouer une séparation en six actes devant la caméra d’Ingmar Bergman dans Scènes de la vie conjugale (1973) : “J’aime ce métier d’actrice parce qu’on passe son temps à décortiquer la psychologie humaine et à tenter d’analyser ce qui pousse les gens à faire ce qu’ils font. C’est quelque chose qui me motive encore aujourd’hui et qui continuera de me fasciner aussi longtemps que durera ma carrière de comédienne.” Déterminée à défendre des histoires puissantes à l’écran, Charlize Theron a permis à Girlboss d’être diffusée sur Netflix. Retraçant le parcours d’une self-made-woman américaine, faisant l’apologie du nouvel entrepreneuriat féminin et la part belle aux filles gérant leur carrière d’une main de fer, la série, adaptée des Mémoires de la fondatrice de la marque Nasty Gal, n’est pas sans rappeler le parcours de la gamine sud-africaine devenue reine des blockbusters.

 

 

“Au pays des bimbos siliconées, la sculpturale blonde de 1,78 mètre s’est octroyé une place de choix”

 

 

Qui aurait prédit à Charlize Theron un parcours aussi brillant au cinéma ? Sa carrière aurait très bien pu se résumer à sa courte apparition dans Celebrity (1998), le vingt-neuvième film de Woody Allen : une mannequin plantureuse, portant avec autant de naturel la coupe à la garçonne de Jean Seberg qu’une perruque douteuse à frange ultra courte, impressionnée par quiconque se trouverait au volant d’une Aston Martin, et fuyant la horde de paparazzis qui la traquent dès qu’elle risque un orteil hors des podiums ou des vernissages arty du Lower Manhattan. Dans ce film, la starlette qu’elle interprète croise la route d’un journaliste dépressif, grimpe à bord de sa voiture de collection et tient à prendre le volant. S’ensuit l’une des séquences de voiture les plus gênantes jamais vues au cinéma : pendant quelques longues secondes, Charlize Theron ne regarde pas la route, mais fixe son partenaire Kenneth Branagh, ôtant toute crédibilité à la scène. Heureusement, cette entrée en matière peu convaincante n’aura aucune incidence sur la suite de son parcours, ne préjugeant en rien du sens de l’interprétation qu’elle saura révéler dans ses tournages suivants. Les personnages qu’elle a accepté d’incarner (dans Celebrity puis dans Le Sortilège du scorpion de jade) pour Woody Allen sont en tout point éloignés de l’image qu’elle s’est bâtie à Hollywood.

 

 

Au pays des bimbos siliconées, la sculpturale blonde de 1,78 mètre s’est octroyé une place de choix. D’abord élève au prestigieux Joffrey Ballet de New York, dans lequel la Sud-Africaine au visage parfait rêve de faire carrière en tant que danseuse classique, Charlize Theron se blesse au genou, et se lance par dépit dans le mannequinat, une aventure tout aussi fugace que ses rêves de scène. Devenue une vedette adulée des magazines européens, la jeune campagnarde de Benoni (petite ville rurale de la périphérie de Johannesburg où elle a grandi) partage désormais son temps entre studios photo impersonnels et salles d’attente de casting, quand brutalement, dans le hall d’une banque de Los Angeles, on lui refuse l’encaissement d’un chèque envoyé par sa mère. L’histoire veut qu’énervée, la jeune blonde ait alors insulté le guichetier, cet esclandre lui valant ici d’être repérée par John Crosby, célèbre agent d’acteurs hollywoodien. Sa carrière de comédienne est lancée. Durant les vingt-cinq ans qui suivront, elle oscillera ainsi entre les rôles de composition made in Hollywood (plus souvent réservés aux hommes tels Christian Bale, Matthew McConaughey ou Joaquin Phoenix), les personnages principaux dans des films ratés, mais aussi les blockbusters spectaculaires, dont l’actrice a aujourd’hui fait sa marque de fabrique.

Pour ses rôles à Oscar, Charlize Theron ose tout et ne lésine pas sur les transformations physiques : crâne rasé et bras coupé pour incarner Furiosa dans Mad Max: Fury Road (2015) ou grossie de 22 kilos pour Tully (grâce à un régime spécial composé de burgers au petit déjeuner et de mac and cheese avant le coucher). Dans les comédies boudées par la critique – dont Sweet November (2001) et Albert à l’ouest (2014) –, elle est toujours une femme fatale et séductrice, tandis que dans les films d’action à gros budget (Prometheus, Atomic Blonde, The Old Guard), elle est souvent la même, une blonde (parfois brune) glaciale et puissante. Aujourd’hui, le nom de Charlize Theron fait quasiment partie de l’inconscient collectif. Peu savent néanmoins qu’elle a tourné sous la direction de James Gray (dans The Yards, aux côtés de Joaquin Phoenix et de Mark Wahlberg), mais aussi de celui qu’elle qualifie aujourd’hui de “héros” sur son compte Instagram, Tom Hanks (dans That Thing You Do!). Les habitants de son pays d’origine, eux, l’ont classée – à l’occasion de l’émission de télévision 100 Greatest South Africans, diffusée sur la chaîne du gouvernement en 2004 – comme la douzième plus grande personnalité d’Afrique du Sud, derrière un prix Nobel de la paix et devant une figure de la lutte anti-apartheid ! Dans un tout autre registre, que ce soit à Paris, New York ou Pékin, tout le monde s’est arrêté devant son décolleté vertigineux et sa chevelure blonde incandescente placardés en quatre par trois pour promouvoir le mythique parfum J’adore, de Dior. Une campagne torride qui a bientôt quitté les murs pour les écrans, dévoilant plus largement le corps de rêve de l’actrice. Déambulant sur un catwalk baigné d’une lumière dorée, sa silhouette idéale, tantôt dévêtue, tantôt gainée d’une robe en diamants, a fait irruption, en 2004, sur tous les téléviseurs de la planète. Elle ne les a plus quittés. Voilà seize ans que l’égérie répète, avec un accent anglais ultra glamour, un slogan qui s’est quasiment imposé comme un dicton, “Dior, j’adore”.

 

 

Affichant quelque 5,9 millions d’abonnés sur Instagram, la superstar leur distille au compte-gouttes ses engagements. Sur les réseaux sociaux, elle s’insurge ainsi contre la mort de George Floyd, partage ses vidéos de la marche des Fiertés et, masque à fleurs fixé sur le bas du visage, conseille à tous de se protéger du coronavirus. Entre ses photos ultra glamour de tapis rouge, Charlize Theron glisse parfois des mini films bourrés de testostérone : on la voit se battre sur des rings afin de préparer les scènes de combat qu’exigent ses rôles, comme le dernier en date, dans The Old Guard. Ce qu’elle oublie toujours de poster, ses pieds, où trônent deux minuscules tatouages, un poisson sur la cheville, une marguerite au-dessus des orteils ! Ses fans, eux, sont parfois allés jusqu’à inscrire le visage de leur idole sur leur corps. Google Images est ainsi peuplé de photos de dos entiers, d’épaules ou d’avant-bras tatoués à l’effigie de la star, intronisée reine de tous les fantasmes, ici parée d’une couronne impériale, là en “glamazone” intrépide auréolée de longues mèches rebelles. Une chose est sûre, l’image de Charlize Theron fait partie intégrante de la pop culture. Au-delà d’être actrice et productrice, d’avoir été danseuse et mannequin, elle est juste Charlize, un emblème de beauté universelle et de féminité puissante.