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Cannes 2024 : pourquoi le film Furiosa : une saga Mad Max a enflammé le festival
Furiosa : une saga Mad Max, le cinquième volet de la série de films réalisés par le réalisateur australien George Miller revient avec l’actrice Anya Taylor-Joy dans la peau d’une vengeresse mutique. Entre chaos et humour, un blockbuster pour temps d’apocalypse. Notre critique.
par Olivier Joyard.
Comment le film Furiosa : une saga Mad Max a enflammé le Festival de Cannes 2024 ?
Après le virage décevant de Trois mille ans à t’attendre, tentative de mélo fantastique avec Idris Elba et Tilda Swinton passée un peu inaperçue en 2022, George Miller revient plein gaz dans sa ligne droite préférée : la saga Mad Max, l’œuvre de sa vie débutée en 1979, cette époque où Mel Gibson restait un acteur fréquentable, tandis que les blockbusters roulaient à l’essence ordinaire, sans déluge d’effets numériques. Ce cinquième volet en forme de prequel – récit des origines – est mené par l’explosive Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la dame), même si la découverte Alyla Browne (son personnage enfant) crève aussi l’écran qu’elle occupe d’ailleurs la moitié du film.
Celui-ci raconte, toutes sirènes hurlantes, la jeunesse de Furiosa – interprétée par Charlize Theron dans le volet précédent, Mad Max : Fury Road, sorti en 2015. Cette vibrante et mutique héroïne forcément fissurée voit sa mère mourir sous ses yeux à cause de l’affreux Dementus (Chris Hemsworth, à la fois musculeux et sarcastique) et n’a d’autre choix que de fomenter sa vengeance. Le pitch est mince, mais c’est ce qui est beau.
Furiosa : une saga Mad Max est-il l’anti Dune ?
L’univers de George Miller, fait de personnages rageux, perdus dans une quête éternelle de ressources – essence, eau – ou fixés dans leurs traumas, n’a pas tant changé en 45 ans. C’est peut-être le nôtre qui s’est obstiné à lui ressembler de plus en plus, ce qui donne à ce film pétaradant l’allure d’un dernier feu d’artifice avant la fin de tout, mais un feu d’artifice parfois clownesque, décalé, où les vrombissements incessants et les tonnes de voitures, camions et motos malmenés apparaissent souvent pour ce qu’ils sont : de grandes joutes entres mecs préoccupés par la taille de leur monture plus que par l’éventuelle beauté du monde. Le film avance au gré de quelques formules féroces et presque sans substance dans ce contexte (« La vérité n’existe plus » sont les premiers mots prononcés) et se révèle moins lisible que son prédécesseur, qui traçait une ligne bizarrement claire dans le fracas des tôles.
Le changement est tout à l’honneur de Miller. Ici, nous sommes plutôt dans une forme poétique ravagée, scandée comme aurait pu l’être L’Enfer de Dante. Rien n’avance droit, le film épouse le chaos jusque dans sa forme lacérée, faite de brusques accélérations, retours en arrière, surplaces frustrés, comme s’il y avait toujours une montagne à gravir, une infranchissable barrière à défoncer. En cela, Furiosa : une saga Mad Max est un peu l’anti Dune, malgré un décor désertique commun. Pas le temps de parler, ni de se poser, aucun espoir ne naitra de la contemplation. Le film fascine par sa capacité à faire surgir des visions parfois sublimes pour aussitôt les effacer, en fabriquer de nouvelles, et ainsi de suite.
L’actrice Anya Taylor-Joy et l’acteur Chris Hemsworth au casting
Dans ce bordel saisissant, Anya Taylor-Joy campe une Furiosa sans sexualité et quasiment sans genre, radicalement préoccupée par sa survie devant des hordes d’hommes violents. Miller la regarde presque comme une curiosité, avant de lui offrir, in extremis une destination originale. On n’en parlera pas en détails, spoiler oblige, sinon pour dire que cette fin propose une écologie assez singulière : il s’agit de faire pousser une parcelle de vie là où tout est pollué par la mort. Même s’il ne fait que nous hurler que la catastrophe a déjà eu lieu, Furiosa : une saga Mad Max est un film dont on sort curieusement revigoré.
Le film Furiosa : une saga Mad Max (2024) de George Miller, avec Anya Taylor-Joy et Chris Hemsworth, au cinéma le 22 mai 2024.