24 mai 2023

Cannes 2023 : pourquoi on a adoré Asteroid City de Wes Anderson

Deux ans après The French Dispatch, le cinéaste américain Wes Anderson s’offre une échappée dans le désert, avec Asteroid City, où il déroule ses obsessions pour les personnages fragiles et invente une Amérique apaisée.

Willem Dafoe, Scarlett Johansson et Jeff Goldblum à l’affiche du film Asteroid City de Wes Anderson 

 

Les films de Wes Anderson sont devenus depuis quelques années des exercices de name dropping, où le tout Hollywood et au-delà se précipite, acceptant une démocratie du temps d’écran assez inédite. Présenté au Festival de Cannes en compétition, Asteroid City s’est donc assuré d’une folle montée des marches en accueillant, dans des rôles parfois brefs, des acteurs et actrices aussi prestigieux que Willem Dafoe, Tom Hanks, Tilda Swinton, Bryan Cranston, Steve Carell, Edward Norton, Liev Schreiber, Margot Robbie, Matt Dillon ou encore Jeff Goldblum, le duo Jason Schwartzman / Scarlett Johansson prenant un peu plus la lumière. Et pour raconter quoi ? Une sorte d’exercice contraint, un confinement qui ne dit pas son nom, où l’auteur de Moonrise Kingdom ramasse plus que jamais ses obsessions, avec un brio intact.

 

Nous sommes en 1955, au milieu du désert, dans une petite bourgade faite d’un diner, d’une station essence et de mignons bungalows vintage, avec pour seule attraction le point d’impact d’une météorite qui a creusé un trou dans le sol aride. Plusieurs familles ont fait le déplacement pour assister à une compétition de jeunes génies de maths et de la physique passionnés par la conquête spatiale, mais le sujet n’est évidemment pas là. Autour de cette trame minimale, Wes Anderson invente comme il le fait désormais systématiquement un petit théâtre fait de vignettes sèches et rigoureuses, saupoudré de touches meta, notamment la mise en scène du dramaturge qui écrit le récit. Le cinéaste va désormais jusqu’à annoncer le numéro des scènes à l’écran. Son pari ? Faire que cette sécheresse se dissolve peu à peu pour révéler une étude empathique de la nature humaine et de ses fragilités, d’où peut surgir l’émotion.

L’affiche du film Asteroid City (2023) de Wes Anderson

L’étude empathique de la nature humaine de Wes Anderson 

 

Plus que dans The French Dispatch, son précédent film trop guindé pour vraiment convaincre, Asteroid City réussit à palpiter, en mettant côte à côte deux sentiments humains majeurs : l’espoir de la création et le deuil. Il est question d’observer le ciel, d’en décrypter les messages, d’un photographe dont la femme est morte (Schwartzman) et d’une actrice dépressive (Johansson), d’une rencontre, assez sublime, comme suspendue, avec un extra-terrestre, d’une idée pacifiée de la société américaine et de son rapport à l’altérité.

 

Une fois que la créature s’est manifestée, le gouvernement décide d’imposer une quarantaine et plus personne ne peut sortir de la ville. Plus personne, de toute façon, n’avait prévu d’en sortir : les hommes, femmes et enfants qui intéressent Wes Anderson cherchent par tous les moyens à recréer l’illusion d’un collectif, d’une famille, tandis que le réel s’effrite – on voit même des bombes atomiques exploser au loin. On aimerait parfois que tous ces sentiments puissants soient exprimés de façon plus frontale, mais ce n’est pas le projet du cinéaste, qui préfère les déviations. Il crée un monde vivable à ses yeux, entièrement façonné à la main, d’une artificialité si assumée qu’elle en devient touchante.

 

Asteroid City de Wes Anderson en Compétition au Festival de Cannes 2023 et dans les salles le 21 juin 2023.