6 oct 2022

Blonde: is Netflix’s controversial film inspired by Marilyn Monroe worth it?

Après avoir créé le scandale avant même que ses premières images ne fuitent, Blonde, le biopic romancé consacré à Marilyn Monroe, mettant en scène Ana de Armas, est enfin disponible sur Netflix. Le long-métrage, basé sur l’excellent best-seller Blonde de l’Américaine Joyce Carol Oates et interdit aux moins de 18 ans, propose une vision tragique et déchirante d’une star-victime démolie par Hollywood. Mais cette oeuvre sulfureuse, qui se veut radicale, n’est-elle pas une énième manière d’exploiter l’artiste et la femme derrière le mythe ?

Avant que son film ne sorte, le réalisateur néo-zélandais Andrew Dominik (L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert FordOne More Time With Feeling), a défini Blonde, sur lequel il travaille depuis presque 20 ans, comme « l’enfant de Citizen Kane et de Raging Bull. » Mais il serait plus juste de dire que le long-métrage de presque trois heures marche sur les traces du Mulholland Drive (2001) de David Lynch et Showgirls (1995) de Paul Verhoeven. Tout en évoquant Apocalypse Now (1979) dans certaines scènes cauchemardesques. Mais arrive-t-il à la hauteur de ces chefs-d’œuvre ?

 

Le faux biopic basé sur le mythique best-seller Blonde de l’Américaine Joyce Carol Oates propose une vision romancée de la vie de l’immense Marilyn Monroe, mais se veut surtout une critique d’Hollywood, du monde du spectacle et du patriarcat. Au risque d’oublier parfois des moments importants de l’existence et de la carrière de la star. Mettant en scène l’actrice cubano-espagnole Ana de Armas (James Bond : Mourir peut attendre, Blade Runner 2049) dans le rôle-titre, le long-métrage s’évertue à dépeindre une femme constamment malmenée, d’abord par sa mère, qui multiplie les agressions envers la petite fille, puis par les hommes du septième art, du sport, de la littérature et enfin, de la politiques.

 

Interdit aux moins de 18 ans, le film sombre et baroque, qui a été présenté à la dernière Mostra de Venise, enchaîne les scènes de sexe réalistes et celles de violences physiques et psychologiques souvent choquantes. Entre ces plans crus tantôt filmés tels des monstruosités, comme un long-métrage d’horreur, tantôt comme un objet d’art et d’essai, on aperçoit une Marilyn Monroe en audition, qui tente de se faire respecter en tant qu’actrice. Ou on l’aperçoit, dans des moments poétiques, déclamer des répliques métaphysiques ou pleurer sur son sort. Sauf que jamais, on ne voit vraiment la star, sur un plateau, en train de jouer un rôle important et multiplier les prises, soit de pratiquer son métier.

L’innocence de l’icône ainsi que son charme évanescent sont bien retranscrits. Et on voit, représentée avec justesse, la femme fragile qui n’a jamais connu son père, souffre de la folie de sa mère, désire être aimée à tout prix, tout comme avoir un enfant. Mais où est l’idole incandescente qui brillait dans des films tels que Certains l’aiment chaud (1959) ou qui cherchait à perfectionner ses techniques d’art dramatique ? Et la femme, aux idées de gauche, qui adorait lire, se cultiver ou se lancer à corps perdu dans la psychanalyse ? Les multiples couches de la personnalité complexe, résiliente et passionnante de Norma Jean Baker (le vrai nom et le vrai visage de Marilyn Monroe) passent à la trappe, au bénéfice d’effets de manche (des mouvements de caméra aventureux et des jeux sonores entre le bruit, la musique et le silence). 

 

Ana de Armas et Andrew Dominik préfèrent défendre une version du mythe Marilyn Monroe en femme enfant ingénue constamment victime, blessée et en perdition tel Bambi pris dans les phares d’une voiture. Le réalisateur veut critiquer le patriarcat et les hommes puissants et manipulateurs de l’industrie du cinéma (qui évoquent des versions préhistoriques de Weinstein), mais il contribue à ce schéma en donnant à voir des images scabreuses, racoleuses et souvent réductrices. Tantôt émouvant, quand il s’attarde sur la mélancolie, la solitude et la quête d’identité de Norma Jean Baker, tantôt dérangeant et sensationnaliste, l’infernal Blonde n’est pas le film pour tous les enfants mal-aimés du monde qu’il aurait rêvé d’être, selon les intentions avouées de son réalisateur. Ni une grande oeuvre féministe et révolutionnaire qui fera date. C’est surtout un énième fantasme masculin cultivant le cliché de la ravissante idiote attendant son sauveur, que ni la bande-son onirique et envoûtante – composée par Nick Cave et Warren Ellis -, ni le noir et blanc très esthétisant ne parviennent à sauver de l’ennui, du mauvais goût et du chaos.

 

« Blonde » (2022) d’Andrew Dominik, disponible sur Netflix le 23 septembre prochain.
Ana de Armas dans « Blonde » (2022)

Before the release of his film, which took him almost 20 years to design, New Zealand director Andrew Dominik (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, One More Time with Feeling), defined Blonde as if “Citizen Kane and Raging Bull had a baby daughter”. However, it would be more accurate to say that this nearly three-hour-long feature follows in the footsteps of David Lynch’s Mulholland Drive (2001) or Paul Verhoeven’s Showgirls (1995), while evoking Apocalypse Now (1979) in some of the nightmarish scenes. But does it live up to these masterpieces?

 

The fake biopic based on the mythical bestseller Blonde written by the American Joyce Carol Oates offers a romanticized vision of the life of the great Marilyn Monroe. First and foremost, it stands as a critique of Hollywood, of the world of entertainment, and of patriarchy, at the risk of erasing key moments in the star’s life and career. Starring Cuban-Spanish actress Ana de Armas (James Bond: No Time to Die, Blade Runner 2049) in the lead role, the film strives to portray a woman who is in a constant state of abuse. First of all by her mother, who repeatedly assaults the little girl, then by the men working in the film, literature, or sport industries, and finally, in politics.

 

This dark and baroque film, which was presented at the last Venice Film Festival, is forbidden to children under 18 as it features realistic sex scenes, and shocking scenes of physical and psychological violence. Between these raw shots, filmed at times like monstrosities worthy of a horror movie, or like an art house’s feature, the audience can catch a glimpse of Marilyn Monroe during an audition, trying to gain respect as an actress. We can also see her declaiming metaphysical lines or crying over her fate in some other poetical moments. Yet we never really witness the star playing major roles or multiplying takes on set, in short, doing her job.

Ana de Armas in « Blonde » (2022)

The icon’s innocence and evanescent charm are well-portrayed. There is the rightful depiction of a fragile woman, who never knew her father, suffered from her mother’s madness, wanted to be loved at all costs and to have a child. But where is the incandescent idol who shone in films such as Some Like It Hot (1959), or sought to perfect her acting skills? What about the left-wing woman who loved to read, educate herself, or throw herself into psychoanalysis? The various layers of Marilyn Monroe’s, aka Norma Jean Baker’s, complex, resilient and exciting personality are glossed over to favor trickery with adventurous camera moves and sound effects playing on noise, music, and silence.

 

Ana de Armas and Andrew Dominik chose to defend a version of the myth of Marilyn Monroe that portrays her as a childish ingenue, who is constantly been victimized and wounded, like a lost Bambi caught in the headlights of a car. The director wants to denounce patriarchy and the powerful, manipulative men in the film industry – who evoke prehistoric versions of Weinstein – but he carries on the same pattern with his scabrous, raunchy, and often quite reductive images. It sometimes moves us, especially when it lingers on Norma Jean Baker’s melancholy, loneliness, and quest for identity, and it also disturbs us or feels sensationalist at times. But the infernal Blonde is not the film “for all the unloved children of the world” that the director had dreamed of, nor a great feminist and revolutionary work that will make history. It is above all the umpteenth male fantasy cultivating the cliché of the gorgeous silly young woman waiting for her savior. Neither the dreamy and bewitching soundtrack composed by Nick Cave and Warren Ellis, nor the aesthetic black and white shots managed to save it from boredom, bad taste, and chaos.

 

“Blonde” (2022) by Andrew Dominik, available on Netflix on September 23rd.