“Ariane” avec Audrey Hepburn: une comédie romantique à l’élégance rare et intemporelle
Dans “Ariane”, chef d’œuvre romantique de Billy Wilder (“Sunset Boulevard”, “Fedora”) sorti en 1957, l’actrice légendaire incarne une très jeune fille éperdument amoureuse d’un playboy de l’âge de son père. Magnifiquement restauré par Carlotta, le film ressort mercredi dans un coffret DVD collector, composé de suppléments en tout genre et d’un livre consacré au long-métrage mythique.
Par Chloé Sarraméa.
Certains films à l’esthétique surannée sont d’un charme si inaltérable qu’ils nous font regretter le cinéma d’autrefois. Sorti il y a plus de soixante ans, Ariane détient ce pouvoir. Avec des scènes majoritairement tournées dans une suite du Ritz, un scénario construit sur une histoire d’amour naissante entre un vieux Don Juan (Gary Cooper) et une jeune violoncelliste (Audrey Hepburn) et des situations toujours cocasses faites de malentendus, de cachoteries ou de mensonges, le film de Billy Wilder a donné naissance à toute une lignée de comédies romantiques (plus ou moins bonnes, certes) se déroulant à Paris. Moins connu que Vacances romaines (1953), Drôle de frimousse (1957) ou Breakfast at Tiffany’s (1961), le chef d’œuvre de 1957 du disciple d’Ernst Lubitsch est aussi l’exemple de ce qu’Audrey Hepburn sait faire de mieux (et ce, alors même qu’elle n’a pas 20 ans) : incarner le chic – via des tenues toujours plus éblouissantes signées Hubert de Givenchy –, exceller autant dans un registre comique que tragique et captiver le spectateur du début à la fin, alors qu’il assiste à la métamorphose d’une gamine transformée en femme par la puissance de… l’amour, évidemment.
Ariane, un chef-d’œuvre follement élégant
Si son pitch paraît simple, la mise en scène d’Ariane frôle le génie. En abordant un thème sulfureux, à savoir une liaison entre un coureur de jupons richissime et ridé (Frank Flannagan) et une jeune vierge vivant encore chez son père, Billy Wilder réussit tout de même à signer une fable très délicate, voire même d’une élégance rare – et ce n’est pas uniquement grâce à la présence remarquable d’Audrey Hepburn. Ainsi, le scénariste de La Huitième Femme de Barbe-Bleue (1938) semble avoir mis au point une recette qui fait de son film un chef d’œuvre…
Pourtant assez “bateau”, l’intrigue romanesque est irriguée par des rebondissements toujours plus surprenants : au début, Ariane rencontre son futur amant parce que son père, détective privé, est chargé d’enquêter sur lui, et tout de suite après, elle le sauve in extremis d’une tentative d’assassinat. Aussi, quand vient l’heure de le séduire, elle fait semblant d’avoir eu mille conquêtes alors qu’en réalité elle n’en a connu aucune… Mixant les codes d’Hollywood à ceux du cinéma français en entrecoupant des décors de studio sublimes avec certains extérieurs tournés dans les rues de Paris, le film scelle également la rencontre entre deux cinémas chers au réalisateur.
Autre ingrédient nécessaire au succès d’Ariane : sa drôlerie. Grâce à l’utilisation du comique de situation, notamment lorsque Frank Flannagan inonde sa suite parce qu’il est trop occupé à écouter un message des plus provocants, la romance fait souvent sourire même si, à première vue, sa trame pourrait paraitre tout sauf fun. Enfin, la présence d’un orchestre tzigane qui joue Fascination (une valse composée au début du XXe siècle) à chaque fois que le personnage de Gary Cooper séduit celui d’Audrey Hepburn est un autre élément indispensable pour que le charme du film opère. À cela, Billy Wilder s’est amusé à ajouter des clins d’œil à l’esprit “rive gauche” en insérant des expressions françaises dans les répliques de ses acteurs anglophones… Bref, si Ariane est un grand classique c’est parce qu’il est léger sans être superficiel, jamais moralisateur, ni provocant (le code de censure hollywoodien avait d’ailleurs émis des réserves sur son thème lors de sa sortie) et dégage une classe intemporelle qu’on croirait impossible à reproduire aujourd’hui.
Ariane (1957) de Billy Wilder, restauration 2K, disponible demain en DVD et Blu-Ray sur le site de Carlotta.