Andy Warhol : les 10 choses à retenir de sa bio culte enfin disponible en français
Holy Terror, la biographie culte consacrée à Andy Warhol est enfin traduite en français. Écrite par l’un de ses collaborateurs et ami, Bob Colacello, qui a dirigé son magazine Interview et l’a côtoyé dans les années 70 et 80, l’ouvrage sans concession reste l’un des livres les plus passionnants consacré au pape du pop art.
Par Violaine Schütz.
Il incarnait le rêve américain
Pour Bob Colacello, Andy Warhol, devenu l’un des peintres les plus connus du monde (“le Picasso de la deuxième partie du XXe siècle”, n’hésite-t-il pas à écrire), incarne à merveille le rêve américain. Si, de son vivant, il a conservé le mystère sur ses origines, c’était en réalité un fils d’immigrés qui a réussi à faire la fête avec Mick Jagger, Judy Garland et Jim Morrison. Ses parents (mineurs) sont nés en Ruthénie, dans les Carpates, au nord de la Transylvanie. Dans la région, les maisons en bois étaient vétustes et on devait les recouvrir au blanc de chaux pour éloigner les microbes. Elles pouvaient aussi brûler à tout moment, ce qui conduira Andrew Warhola (son vrai nom) à avoir sans cesse peur, même devenu riche et célèbre, que la Factory flambe.
Il ne doit pas son premier succès à un cafard
À 11 ou 12 ans, Andy, de santé fragile, ne voulait pas jouer au foot, mais passait ses journées à dessiner, et cela impressionnait ses petits camarades. Il peignait même des natures mortes à partir des bibelots de sa mère, et, installé dans le grenier, réalisait aussi des portraits de ses voisins et cousins… des années avant de réaliser ceux des grands de ce monde ! Après son diplôme de design, Warhol s’installe à New York en 1949 et emménage dans le quartier de Little Ukraine (dans l’East Village). Il habite alors un appartement miteux infesté de cafards. Andy aimait raconter qu’un jour où il avait enfin réussi à décroché un rendez-vous avec la rédactrice en chef du Harper’s Bazaar, un cafard s’échappa de son book. Elle aurait eu tellement pitié de lui qu’elle lui commanda une illustration. Mais d’après Colacello l’incident était en fait arrivé à quelqu’un d’autre, et l’insecte fit en fait très mauvaise impression. Ce qui montre bien le talent de l’illustrateur pour transformer sa vie en œuvre digne d’intérêt.
Il savait métamorphoser ses échecs en art
Doté d’un tempérament de groupie (il était fan absolu de Truman Capote), Andy ne savait pour autant jamais quoi dire aux personnalités qu’il admirait plus que tout. Son vocabulaire était d’ailleurs très limité, il se contentait (selon ses proches) de demander quels étaient les potins du jour et si la personne qu’il venait de voir était riche ou non. Ainsi, quand il rencontra Greta Garbo dans les années 50, incapable d’articuler un mot, il lui dessina un papillon et le lui offrit. Mais cette dernière le froissa et le jeta. Andy le récupéra et écrivit dessus : « papillon froissé par Greta Garbo », faisant de cette mauvaise fortune un art ironique.
Il a eu du mal à se faire accepter en tant qu’artiste aux États-Unis
Venu d’un art commercial (la publicité) et ayant fait ses débuts en décorant des vitrines, Warhol était jaloux du succès de Robert Rauschenberg et de Jasper Johns. Il ne menait pas la vie d’un artiste, ce qui n’était très bien vu par son milieu. Il publiait un magazine avec des entrevues de people (Interview), lançait un groupe (le Velvet Underground), déjeunait avec des stars, se montrait au Studio 54, tournait la nuit à la Factory des films provoc que personne ne voyait mais dont tout le monde parlait. Bref, ce fan de bling-bling n’avait pas du tout l’attitude torturée d’un Jackson Pollock tout en souffrant de ne pas être vu comme tel. Cette jalousie par rapport à ses confrères fut d’ailleurs l’un des moteurs de son succès.
Il payait pour des idées
Voulant absolument faire partie du cercle des artistes pop art (avec Lichtenstein et Wesselmann), l’artiste n’hésitait pas à payer pour qu’on lui donne de bonnes idées, susceptibles de le rendre célèbre. En 1962, il donna ainsi 50 dollars une amie galeriste, Muriel Latow, pour qu’elle lui délivre un conseil. Quand il lui demanda quoi peindre, elle lui dit de peindre ce qu’il aimait le plus, c’est-à-dire l’argent. Il se mit ainsi à représenter des billets. Elle lui donna également une autre recommandation, gratuite cette fois, celle de peindre quelque chose de familier. Les soupes Campbell étaient nées et ce fut le début de la gloire.
Il était obsédé par la beauté
Andy Warhol ne se trouvait pas très beau, et cela constituait pour lui un vrai problème. Car il était obsédé par le sublime. Il portait des perruques, essayait de camoufler ses problèmes de peau et pratiquait via ses sérigraphies de la chirurgie esthétique picturale. Ses Marilyn montrent un visage lifté de la star dont ne ressortent que quelques éléments comme la bouche et les yeux. Et l’un de ses tableaux présente même une rhinoplastie avec un avant/après saisissant.
Il était très catholique
Sa mère allait à la messe et Andy passait beaucoup de temps à prier (notamment pour garder la santé.) Certains critiques voient dans sa façon de recueillir dans son entourage des freaks, voire des voyous et des junkies peu fortunés un geste de compassion. L’un des films s’appelle Imitation of Christ (1967) et il avoua que la personne qu’il rêvait de peindre était le pape. Ironiquement, il est aujourd’hui surnommé pape de son art, alors qu’il a rendu “cool” et rentable des vices comme l’individualisme, le consumérisme, l’addiction et le sexe.
Il ne s’est jamais remis de sa tentative d’assassinat
Le 3 juin 1968, le peintre échappe de peu à la mort quand Valerie Solanas, militante féministe qui lui avait donné le manuscrit d’une pièce de théâtre, lui tire dessus dans le hall de la Factory. Son poumon, sa rate, son estomac, son foie et son œsophage sont transpercés. Cliniquement mort pendant un moment, Warhol devra porter un corset jusqu’à la fin de ses jours (en 1987). L’artiste en gardera une sainte horreur des femmes et des féministes, même s’il refusa de témoigner contre Solanas. Il produisit en réponse un film parodiant les combats menés à l’époque par les femmes, le dérangeant Women in Revolt (1971).
C’était un bosseur
On a dit de lui qu’il était un charlatan, qu’il se servait de la célébrité des autres pour imposer la sienne et qu’il avait juste été au bon endroit au bon moment. L’auteur de Holy Terror met à mal définitivement ce portrait de l’artiste en imposteur. Warhol pouvait se rendre dans six fêtes différentes au cours d’une même soirée, avec un enregistreur et un appareil photo pour tout enregistrer. Ce qui ne l’empêchait pas de se réveiller le lendemain à 9h pour passer des coups de fil pro et dicter son journal jusqu’à 11h30 avant d’aller déjeuner avec des rich and famous à la Factory. Il peignait ensuite de 14h à 19h avant de s’accorder chez lui un morceau de dinde ou de veau avec des pommes de terre ou du riz, le tout sans sel en raison de sérieux soucis à la vésicule biliaire. Pas vraiment une fête permanente comme lifestyle…
Il avait prédit notre narcissisme exacerbé
Bob Colacello voit en Warhol un prophète de notre temps, non seulement en ce qui concerne « la télé-réalité, mais aussi Facebook, Instagram, Twitter, WikiLeaks, O.J Simpson, la sextape de Paris Hilton, l’affaire Bill Clinton-Monica Lewinsky…». Le narcissisme, le voyeurisme et l’exhibitionnisme de l’ère Kardashian étaient déjà fortement enracinés dans la philosophie warholienne. Colacello confiait même, lors d’une rencontre au Musée Maillol pendant l’expo consacrée au pop art, en novembre, que le désir de publicité (qu’elle soit bonne ou mauvaise) de Trump fait écho à celui du roi du pop. Celui qui voulait être Zeus et prédisait que dans le futur, tout le monde aurait son quart d’heure de gloire aura connu bien plus en terme de postérité.
Holy terror – Andy Warhol confidentiel (Séguier) de Bob Colacello (traduit en français par Laureen Parslow).