29 août 2022

3 choses à savoir sur Sidney Poitier, premier acteur noir oscarisé

Apple TV+ annonce la sortie d’un documentaire consacré à l’acteur américain originaire des Bahamas Sidney Poitier. Produit par Oprah Winfrey et réalisé par Reginald Hudlin, Sidney : son héritage sortira le 23 septembre prochain. Retour sur trois choses à savoir sur la carrière du comédien, réalisateur et militant pour les droits civiques.

De sa ferme natale sur Cat Island (Bahamas) à Hollywood, Sidney Poitier a connu une trajectoire exceptionnelle. Descendant d’esclaves, l’acteur, réalisateur et diplomate américano-bahaméen, né en 1927, arrive aux États-Unis alors qu’il n’a que quinze ans et qu’il est analphabète. Après des débuts difficiles, il s’impose peu à peu, au théâtre et au cinéma, dans des rôles principaux aux antipodes des personnages noirs stéréotypés qu’on voyait jusqu’alors. En 1964, c’est la consécration : il est le premier acteur noir à gagner l’Oscar du « meilleur acteur” pour son rôle principal dans le film du réalisateur américain Ralf Nelson, Le Lys des champs (1963). Décédé le 6 janvier 2022, de nombreux hommages lui ont été rendus par des personnalités telles que Morgan Freeman ou encore l’ancien président Barack Obama. Le 23 septembre prochain sortira sur Apple TV+ un documentaire produit par Oprah Winfrey et réalisé par Reginald Hudlin, Sidney : son héritage, qui relate la vie de cet acteur ayant ouvert la voie à toute une génération d’acteurs noirs américains. Voici trois choses à savoir sur ce monument de l’histoire du cinéma.  

 

 

1. Il a commencé comme machiniste dans un théâtre

 

Avant de devenir une icône afro-américaine, Sidney Poitier a travaillé d’arrache-pied, dès son arrivée à Miami, en 1942. Un an plus tard, il arrive à New York sans un sous en poche et enchaîne alors les petits boulots jusqu’à entrer à l’American Negro Theater de Harlem en tant que machiniste. C’est dans cette institution, fondée en 1940 et dédiée à la la création du black drama [mouvement dramaturgique initié par l’auteur et militant noir américain W.E.B Dubois où les pièces sont écrites pour, par et au sujet des Afro-Américains] que Sidney Poitier découvre le théâtre. Alors analphabète, il travaille plusieurs heures chaque jour pour perdre son accent et réaliser son rêve de monter sur les planches. En 1946, c’est chose faite. Il est choisi pour jouer la comédie grecque de l’Antiquité Lysistrata, une pièce d’Aristophane écrite au 5e siècle avant J-C, qui met en scène une révolte des femmes contre la domination des hommes. Il est alors repéré par le réalisateur américain Joseph L. Mankiewicz [à qui l’on doit, notamment, le scénario de Citizen Kane] : un moment déterminant pour l’ensemble de sa carrière puisqu’il lui donnera son premier rôle au cinéma dans No Way Out (1950). Considéré comme un modèle de persévérance incarnant à merveille le mythe du self-made man et du rêve américain, il prononce lorsqu’il remporte l’Oscar du “meilleur acteur” en 1964, les mots suivants : “It’s been a long way” (“Ça a été un long chemin”), soulignant la difficulté pour un acteur noir d’accéder à la reconnaissance dans un milieu où la ségrégation règne toujours.

Sidney Poitier dans “A Patch of Blue” (1965), de Guy Green

2. Le premier acteur noir oscarisé 

 

Le lundi 13 avril 1964, au Civic Auditorium de Santa Monica, on assiste à un moment historique du cinéma américain. Lors de la 36e cérémonie des Oscars, c’est l’acteur Sidney Poitier qui remporte l’Oscar du “meilleur acteur” pour son rôle dans Le Lys des champs (1963), du réalisateur américain Ralph Nelson. Il devient le premier acteur noir à gagner cette prestigieuse récompense pour son rôle d’ancien GI acceptant de construire une chapelle pour un groupe de religieuses allemandes en Arizona. Quinze ans après avoir incarné le Dr. Luther Brooks, un jeune diplômé en médecine confronté à l’impitoyable racisme ambiant dans No Way Out de Joseph L. Mankiewicz (1950), Sidney Poitier accède à la reconnaissance internationale, l’année où le Civil Right Act est voté, proclamant illégale la Ségrégation en vigueur depuis 1877 et toute discrimination basée sur la couleur de peau, le sexe, la religion, la race ou l’origine. Véritable symbole dans un pays clivé, l’acteur s’est démarqué très tôt dans ses choix de rôles où il met un point d’honneur à aller à rebours des stéréotypes infusant l’histoire du cinéma américain, de Birth of a Nation (1915) des réalisateurs D.W.Griffith et Thomas F. Dixon Jr. à Autant en emporte le vent (1939) du réalisateur américain Victor Fleming. Car le monde du cinéma, excluant pendant longtemps les personnes de couleurs, a contribué à figer un cliché de celles-ci, nourrissant au passage le racisme ambiant aux État-Unis. Les films sont alors l’expression du white gaze, ce regard blanc inquisiteur qui relègue les Noirs à l’écran au rang de personnages secondaires, notamment pour pouvoir les couper au montage dans les pays du Sud. 

Sidney Poitier dans “Sidney,” disponible le 23 septembre sur Apple TV+.

3. Un modèle pour toute une génération d’acteurs 

 

Durant sa carrière, Sidney Poitier a mis un point d’honneur a choisir des rôles et des intrigues politiques. Il aborde de manière frontale ou plus subtile, la question des inégalités raciales. En 1972, il passe de l’autre côté de la caméra pour la première fois dans Buck et son complice, relatant l’épopée d’un groupe d’esclaves récemment affranchis, traversant la frontière du Colorado peu de temps après la Guerre de Sécession. Avec un peu moins d’une dizaine de réalisations à son actif, parmi lesquelles Faut s’faire la malle… (1980) ou encore Papa est un fantôme (1990), Sidney Poitier s’impose en figure majeure du cinéma hollywoodien. Il reçoit en 2002, des mains de Denzel Washington, un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Nommé ambassadeur des Bahamas au Japon et à l’UNESCO, cette pierre angulaire de l’histoire du cinéma, a montré, à l’écran comme dans la vie, sa détermination et son engagement. À sa mort le 6 janvier 2022, il reçoit de vibrants hommages. Le 7 janvier, l’ex président des États-Unis Barack Obama écrit à son sujet  : “À travers ses rôles révolutionnaires et son talent singulier, Sidney Poitier incarne la dignité et la grâce, révélant le pouvoir des films de nous rapprocher. Il a également ouvert les portes à toute une génération d’acteurs […] ”. De son côté, l’actrice Halle Berry écrit sur Twitter : « Durant vos 94 années sur cette planète, vous avez laissé une marque indélébile avec votre extraordinaire talent, ouvrant la voie afin que les Noirs soient vus et entendus tels que nous sommes pleinement”. Si la légende s’est éteinte il y a peu, une chose demeure certaine : son héritage est encore bien vivant.

 

 

Sidney : son héritage, réalisé par Reginald Hudlin, sortie le 23 septembre sur Apple TV+.