Who is James Bidgood, the pope of queer culture ?
Photographe et réalisateur longtemps méconnu, James Bidgood expose ce mois-ci à Paris ses tirages vintage de 1963 à la Galerie Mathias Coullaud. L’occasion rêvée de se pencher sur l’histoire de cet artiste américain à l’avant-garde de l’esthétique gay.
Par Marion Ottaviani.
Si son nom ne vous évoque pas grand-chose, c’est normal. Né en 1933 à Madison dans le Wisconsin, James Bidgood a été porteur d’une œuvre largement tombée dans les méandres de l’histoire de la culture underground. La raison majeure de cette omission ? Son plus grand projet, le film Pink Narcissus, sur lequel il a travaillé pendant plus de sept ans, pour finalement le sortir tout en refusant de le signer. Dans cette affaire, ses financiers sont a priori à blâmer car ils l’auraient poussé à sortir le long-métrage de soixante-six minutes en l’état, alors que lui-même le considérait encore inachevé. En guise de revanche, Bidgood le signe d’un “Directed by : Anonymous” rageur, espérant par la même occasion que cette part de mystère intriguera les spectateurs. Manque de chance, le film est tantôt attribué à Andy Warhol, tantôt à Kenneth Anger – avec qui il partage une claire filiation par son aspect pop en Technicolor.
Sans un sou en poche, il est âgé de 81 ans lorsqu’il lance une campagne de crowdfunding en 2014 pour financer l’achat d’un nouvel appareil photo.
Sorti simultanément, le thriller érotique Boys in the Sand réalisé par Wakefield Poole, autre maître du genre, propose une vision nouvelle et éclipse par la même occasion le style jugé old school de James Bidgood. Un bref retour de vague dans les années 80 mis à part, Bidgood ne se remettra jamais de cette accumulation d’imprévus et de contrariétés, menant une vie précaire à New York pendant plus de quarante ans. Sans un sou en poche, il est âgé de 81 ans lorsqu’il lance une campagne de crowdfunding en 2014 pour financer l’achat d’un nouvel appareil photo et pour produire de nouveaux projets visuels. Coup du sort ironique, car son œuvre est depuis devenue un objet de culte et de consensus, une source d’inspiration du duo de photographes Pierre et Gilles ou encore de David LaChapelle – lequel vend ses photos plusieurs dizaines de milliers d’euros la pièce.
La vraie révélation viendra à sa rencontre avec Bobby Kendall, sublime éphèbe originaire d’Amérique latine dont il fera sa muse et la star de son film.
Retour dans les années 60 : le jeune James à 17 ans, et parvient à joindre les deux bouts en travaillant en tant que costumier à Broadway, puis comme drag-queen au Club 82, un spot new-yorkais à tendance glam-rock. Après avoir étudié à Parsons, il commence par publier ses photos dans des revues underground et des magazines gays de l’époque, qui lui offrent une petite visibilité et quelques billets. La vraie révélation viendra à sa rencontre avec Bobby Kendall, sublime éphèbe originaire d’Amérique latine dont il fera sa muse et la star de son film, qu’il compte entièrement tourner en super-8. Inspiré par le travail de Michael Powell, dont le merveilleux Les Chaussons rouges de 1948, il décide de s’enfermer dans son appartement exigu du quartier de Hell’s Kitchen pour donner naissance au projet de sa vie, son œuvre ultime.
Pink Narcissus raconte l’histoire autobiographique d’un beau gigolo qui recrée tout un monde à l’intérieur de son appartement.
L’histoire autobiographique d’un beau gigolo qui recrée tout un monde à l’intérieur de son appartement, où il réalise des fantasmes par la simple force de son imagination. Bidgood endosse tous les rôles : réalisateur, décorateur, costumier, maquilleur… Le credo qui motive cette entreprise folle, c’est l’envie de s’approprier l’esthétique glamour des années 40 et 50 pour l’appliquer aux hommes, en y injectant des références mythologiques. Riche de son expérience en tant que décorateur, il fabrique ses décors de toutes pièces, et vit avec son amant au milieu de ces constructions fantasmées en papier et sequins. Sept années durant, sa vie tient en deux mots, Pink Narcissus. Le film faussement naïf qui en ressort est en réalité chargé de symboles et de déclarations politiques, au moment des prémices de la libération sexuelle.
Aujourd’hui, le vent semble finalement tourner pour l’Américain : après un ouvrage écrit par Bruce Benderson paru aux éditions Taschen en 2014, c’est la Galerie Mathias Coullaud qui expose une quarantaine de ses tirages vintage de 1963. L’occasion de découvrir son travail à travers cette superbe série jusqu’au 4 mars 2017.
James Bidgood, jusqu’au 4 mars 2017 à la Galerie Mathias Coullaud.