1 août 2025

10 livres de photographie pour voyager

Des clichés inédits de Jean Gaumy à l’univers saturé et flou de Dolorès Marat en passant par le récit intime de Diana Markosian et les premières expérimentations de Joel Meyerowitz, Numéro dévoile sa sélection des beaux livres photos, pour voyager cet été en tournant seulement quelques pages…

  • Par Camille Bois-Martin

    et Nathan Merchadier.

  • Giverny par Jean Gaumy à l’iPhone, comme vous ne l’avez jamais vu 

    Bien loin des images de carte postale ou des clichés impressionnistes mille fois revisités, Jean Gaumy offre une relecture saisissante du jardin de Claude Monet dans l’ouvrage Une certaine nature, d’après Giverny. Membre de l’Académie des Beaux-Arts et photographe de l’agence Magnum, il a bénéficié d’un accès privilégié au lieu emblématique. De 2016 à 2024, armé de son iPhone, il a arpenté ce terrain de mémoire et de nature, exclusivement à travers des clichés en noir et blanc, en quête d’un langage photographique singulier.

    Entre naturalisme et pulsions abstraites, ses images en noir et blanc explorent la texture du végétal, les accidents de lumière, les formes organiques qui frôlent parfois l’irréel. Ce n’est plus seulement le jardin de Monet que l’on contemple. Mais une matière vivante, mouvante, fragile, qui se donne à voir autrement. Le regard de Jean Gaumy, entre rigueur quasi scientifique et poésie sensorielle, réinvente le mythe de Giverny en territoire d’expérimentation.

    Loin d’un hommage figé, le livre dialogue avec un texte de l’écrivain Jean-Christophe Bailly, qui interroge les “décisions photographiques” de l’auteur face à un lieu saturé d’histoire et d’images. Le résultat : une exposition à visiter au Musée des impressionismes jusqu’au 2 novembre ainsi qu’un ouvrage contemplatif, sensible, qui propose une nouvelle façon d’habiter le visible.

    “Une certaine nature, d’après Giverny”, de Jean Gaumy, disponible aux éditions Atelier EXB. L’exposition est à découvrir jusqu’au 2 novembre 2025 au musée des impressionismes Giverny, 99 Rue Claude Monet, 27620 Giverny.

    Joel Meyerowitz voit New York en couleurs et en noir et blanc

    Au début des années 60, le jeune Joel Meyerowitz décide d’arpenter les rues de New York et de capturer avec sa caméra ce (et ceux) qu’il y croise. Mais une question le travaille. Celle, toute simple, qu’un vendeur de pellicules photos vient de lui poser : “couleur ou noir et blanc ?” Plutôt que trancher la question, l’Américain (né en 1938) s’équipe de deux boitiers et photographie avec les deux pellicules, avant de s’attarder sur les couleurs, qui lui permettent de traduire plus d’émotion et de réalisme.

    Une période d’apprentissage et de découverte pour l’artiste, réunie aujourd’hui dans un ouvrage sobrement intitulé Question de couleur (publié aux éditions Textuel). Ici ses clichés colorés croisent leurs équivalents monochromes et témoignent de l’évolution de la pratique de Joel Meyerowitz. Ainsi, il délaisse progressivement le noir et blanc au profit de palettes vibrantes, pour s’établir comme l’un des pionniers de la photographie en couleur

    « Question de couleur » de Joel Meyerowitz, éditions Textuel.

    Un siècle de photos iconiques réunies par la Fnac

    Des galeries d’exposition installées dans les magasins aux participations à divers festivals de photographie, la Fnac entretient depuis le milieu des années 1960 un lien viscéral avec la photo et ses principaux acteurs, qu’elle collectionne et expose.

    Une histoire construite sur plusieurs décennies, qui donne aujourd’hui naissance à un beau-livre réunissant cent ans de clichés iconiques. Ils sont signés Brassaï, Martin Parr, Berenice Abbott, Robert Capa, William Klein ou encore Man Ray. Et pour constituer cet ouvrage dense et passionnant, Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume, s’est plongé dans  les quelques 1800 photographies conservées dans le fonds de la Fnac au musée Nicéphore Niépce. 

    “Regards. Un siècle de photographie, de Brassaï à Martin Parr. Chefs-d‘œuvre de la collection Fnac”, éditions Gallimard.

    L’univers saturé et flou de Dolorès Marat

    Inclassable, le travail de Dolorès Marat nous emporte de paysages urbains en contrées reculées, sans repères chronologiques ni spatiaux. Sur ses images aux couleurs saturées, un immense arbre domine une voiture, une femme disparaît dans les escaliers mécaniques du métro parisien, une girafe poursuit sa marche au loin…

    Récompensé du Prix Robert Delpire en 2023, son dernier ouvrage nous plonge dans son univers flou et pictural. Et surtout, sans mise en scène ni retouches. Dans ce livre se dévoile l’envergure de la carrière de l’incontournable photographe française qu’elle débute en 1963. Elle n’avait alors que 19 ans.

    Monographie de Dolorès Marat, Prix Delpire 2023, éditions delpire & co.

    Lumière sur les grandes figures féminines de la photographie

    Dans le sillage du succès des précédents ouvrages Les femmes qui lisent sont dangereuses (2005) ou Les femmes qui écrivent vivent dangereusement (2006), la journaliste et essayiste Laure Adler édite, avec l’historienne de l’art Clara Bouveresse, Les femmes photographes sont dangereuses. Explorant un métier artistique qui, depuis longtemps et comme pour la plupart des autres professions, a laissé les femmes dans l’ombre, le livre revient sur l’implication de celles-ci dès la naissance de la photographie au début du 19e siècle.

    Journalisme, mode, science ou publicité : toutes les pionnières du genre sont ici mises en lumière. À l’image de Julia Margaret Cameron, récemment exposée au Jeu de paume. On y découvre leur apport techniques aux risques pris par pour s’émanciper des cadres établis et inventer de nouveaux motifs – les leurs.

    “Les femmes photographes sont dangereuses” de Laure Adler et Clara Bouveresse, éditions Flammarion.

    Les clichés les plus glamour du 20e siècle par le magazine Life

    Entre les années 1930 et les années 1970, Hollywood connaît son âge d’or. En témoignent les icônes du septième art que l’on aperçoit alors à l’écran, de Bette Davis à Elizabeth Taylor, Marlon Brando, Clark Gable, Marylin Monroe ou encore Brigitte Bardot. Une période marquante rythmée par de nombreuses fêtes extravagantes, de prestigieuses soirées de remises de prix et des plateaux de tournage époustouflants. D’ailleurs, le magazine américain Life les photographiait et publiait régulièrement dans ses pages.

    Très populaire, l’hebdomadaire photo fondé en 1883 se fait ainsi le témoin des décennies les plus glamours du 20e siècle. Désormais, les éditions Taschen les ont réunis dans deux beaux-livres où se croisent les plus belles Unes du média (signées Gordon Parks, Margaret Bourke-White, Peter Stackpole…). Entre portraits et scènes iconiques, mais aussi des résumés d’articles et des notes internes, exhumées des archives à l’occasion de cette publication. 

    LIFE. Hollywood”, éditions Taschen.

    Les clichés inédits de Yorgos Lanthimos

    Si on connaît Yorgos Lanthimos surtout pour ses films plusieurs fois oscarisés, de La Favorite à Pauvres Créatures, le cinéaste dévoile aujourd’hui une nouvelle facette : celle de photographe. Dans un livre édité par la maison londonienne Mack Books, il compile plusieurs dizaines de clichés inédits. Ces derniers ont été capturés sur le tournage de son dernier long-métrage Kinds of Kindness (2024).

    De la Nouvelle-Orléans aux décors reconstitués, des visages et des paysages désertés se côtoient page après page, dans un camaïeu de noir et blanc rappelant l’esthétique fantasmée et onirique de ses long-métrages. 

    “i shall sing these songs beautifully” de Yorgos Lanthimos, éditions Mack Books.

    Le projet poignant et engagé de Carmen Winant

    Sélectionnée parmi dix finalistes pour le Livre photo de l’année décerné par Paris Photo à la fin de la foire à l’automne 2024, Carmen Winant dénote pour son projet engagé et passionnant. Paru au printemps 2024, The Last Safe Abortion documente les États-Unis sur la période de 1973 à 2022. Quarante-neuf années durant lesquelles l’avortement était encore un droit légal dans tous les États du continent. Avant donc que la Cour suprême n’annule l’arrêt fédéral Roe vs Wade (qui garantissait alors ce droit sur l’ensemble du territoire).

    Compilant images d’archives, clichés d’actualité et photographies documentaires puisés dans des fonds personnels, institutionnels et associatifs, l’artiste dresse un portrait saisissant des femmes militant pour leurs droits à travers les décennies. Un ouvrage d’autant plus nécessaire à l’issue des dernières élections présidentielles américaines.

    The Last Safe Abortion de Carmen Winant, SPBH Editions.

    Father de Diana Markosian : une émouvante quête identitaire et familiale 

    Alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, Diana Markosian quitte Moscou avec sa mère et son frère pour emménager en Californie, fuyant leur père sans laisser de traces. En 2014, soit dix-huit ans plus tard, l’artiste s’engage dans un long voyage de reconstruction. Une recherche de sa figure paternelle, qu’elle parvient après un long périple à retrouver en Arménie.

    Une quête intime et difficile menée sur près de dix ans, qu’elle retrace aujourd’hui au sein d’un ouvrage intitulé Father. Photographies documentaires, souvenirs écrits, lettres… Tandis qu’elle explore les thèmes de l’absence puis de la réconciliation, elle découvre peu à peu que son père les a longtemps recherchés. Comme en attestent, dans ses pages, des extraits de journaux avec des avis de recherche. Au gré de ce projet, elle tente ainsi de retrouver sa propre identité. 

    Father, Diana Markosian, éditions Atelier EXB.

    Kyoichi Tsuzuki nous plonge dans l’intimité des Tokyoïtes 

    Dans les années 90, Kyoichi Tsuzuki s’infiltre dans les appartements d’inconnus à Tokyo, qui lui ouvrent généreusement les portes de leur intérieur. Armé de sa caméra, le photographe japonais capture leur intimité, vidée de présence humaine. Des salons en désordre, cuisine remplie de plats et de vaisselle salle, armoires remplies… ses clichés nous plongent dans le mode de vie et de consommation des Tokyoïtes de l’époque.

    Trente ans plus tard, les éditions Apartamento rééditent cet ouvrage, augmenté des observations de l’artiste. En effet, grâce à ses notes de l’époque, il façonne un voyage dans le temps fascinant. Tandis que l’on découvre un contraste avec nos nouvelles habitudes domestiques.

    Tokyo Style de Kyoichi Tsuzuki, éditions Apartamento, disponible au Bookshop arpartamento dans la boutique ARKET, 13 rue des archives, Paris 4e.