20 août 2018

Le réel en fragments de Wolfgang Tillmans au Carré d’art de Nîmes

Après deux expositions en 2017 à la Tate Modern de Londres et à la Fondation Beyeler, le musée d’art contemporain de Nîmes célèbre à son tour le mythique photographe allemand dans une exposition jusqu’au 16 septembre.

“Am Rhein”, Wolfgang Tillmans, 2014, Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris – Galerie Buchholz, Berlin-Cologne.

Premier étranger à recevoir le très british prix Turner en l’an 2000, Wolfgang Tillmans est, depuis la fin des années 80, le témoin incontournable d’une génération. Son œuvre photographique exprime, mieux que n’importe quel texte, le chemin parcouru. De son Allemagne natale à celle de la chute du mur de Berlin, jusqu’à la scène techno, il aura traversé la mode, les rave parties, l’amour, le sexe, le sida, la politique et l’art. Et après avoir côtoyé la mort, celle de son compagnon, Tillmans quitte le domaine du portrait pour aborder celui de l’abstraction, comme pour prendre de la distance. Un recul que l’on retrouve dans ses vues panoramiques prises d’avion. Photographe du quotidien, ses natures mortes composées de bananes ou de saucisses font désormais partie des images iconiques de notre temps. L’artiste aime mélanger les thèmes et les formats pour présenter, comme il le dit, “des constellations d’images dans lesquelles j’essaie d’approcher ma vision du monde, pas d’une façon linéaire, mais à partir de multitude d’expériences parallèles”.

 

 

“Je choisis scrupuleusement les sujets et il serait hâtif de penser que mon travail est documentaire.” Wolfgang Tillmans

 

 

On l’a parfois pris pour un photographe générationnel. Mais Wolfgang Tillmans est moins porté par le souci de dépeindre son époque que par un amour profond des images. Sa relation sensible à l’esthétique permet à ce jeune génie de capturer l’essentiel et de transcender sans complexe une émotion fragile en beauté universelle. On le croit flâneur débonnaire, photographiant à la sauvette… erreur. C’est un calculateur au sens le plus noble du terme. Né en 1968, il a su imposer dans les années 90, l’air de rien, une façon apparemment décomplexée de faire de la photographie. S’il a ébranlé bien des académismes dans cette discipline, jusque dans ses stratégies de présentation –punaisant ou collant des pages de magazines sur le mur ou les cimaises des galeries–, c’est pour mieux déclarer sa passion aux images et réfléchir à leur extraordinaire pouvoir de séduction. Séduction mêlée d’érotisme, s’il le faut, comme un élément naturel du dialogue. Il fréquentait les clubs et y faisait des images : on le déclara photographe de la “Génération X”. Mais est-ce bien le monde contemporain qui lui tient lieu de sujet, comme on a coutume de le croire?

 

Je choisis scrupuleusement les sujets, confie t-ilet il serait hâtif de penser que mon travail est documentaire. S’il l’était, il inclurait aussi bien des choses négatives. C’est un monde parfaitement utopique, un fragment de la réalité. Je choisis des situations et des personnes de mon environnement et j’essaie de les transformer en quelque chose d’autre, une image, qui ait un caractère plus universel. En aucun cas mon objectif est d’immortaliser des instants de ma vie, il ne s’agit pas de cela du tout.”

 

 

Wolfang Tillmans, jusqu’au 16 septembre, Carré d’art de Nîmes.

“Paper Drop”, Oranienplatz, Wolfgang Tillmans, 2017, Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris – Galerie Buchholz, Berlin-Cologne.
“Morning rain”, Wolfgang Tillmans, 2014, Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris – Galerie Buchholz, Berlin-Cologne
“Victoria Park”, Wolfgang Tillmans, 2007, Courtesy Galerie Chantal Crousel, Paris – Galerie Buchholz, Berlin-Cologne