Kenta Cobayashi, photographe de l’ère Black Mirror
Le Japonais Kenta Cobayashi ne documente pas la réalité mais préfère la manipuler. Entre science-fiction et intelligence artificielle, ses clichés futuristes explorent un monde digital et arborent fièrement les stigmates de la retouche.
Par Alexis Thibault.
Les portraits auraient pu être ordinaires. Une jeune fille, le regard fuyant l’objectif, un combiné téléphonique vert fluo à l’oreille. Un type flegmatique expulsant une fumée blanchâtre par ses narines dont le tee-shirt Bob L’Éponge est déjà quasiment vintage. Mais à 26 ans, Kenta Kobayashi ne trouve plus aucun interêt au réel et la mise en scène ne lui apporte aucun réconfort. Capturer la “vérité” demeure un passe-temps d’un ennui mortel. Né à Kanagawa, au centre-est de l'île Honshū (Japon), le photographe produit un monde en post-prod. Il transforme les silhouettes et altère les couleurs comme si l’univers était subitement l’objet d’un glitch, cette défaillance électronique semblable à un bug déformant l’image, comme lorsqu’on exerce une pression importante sur l’écran d’une calculatrice.
Kenta Cobayashi est un enfant de l’ère Photoshop. Sa photographie arbore fièrement les stigmates de la retouche, une chirurgie esthétique poussée à son paroxysme. Les œuvres de cet artiste japonais pourraient être assimilées à de la photographie mais pourraient aussi ne pas l’être tant sa pratique induit des paramètres auxiliaires liés à de multiples logiciels. Ce “digital native” n’a que faire des réticences de ses aînés à l’égard des innovations technologiques. Kenta Cobayashi génère des visuels futuristes qu’il intitule par des hashtags, fracture le réel et appose des empreintes digitales sur les visages qui remplacent alors les touches des Smartphone. Subtilement, il explore un monde digital et se penche, par le biais de la photographie, sur son hypothétique obsolescence programmée.