2 sep 2020

Dragon Ball Z and Marseille inspire artist Sara Sadik for Numéro art

La jeune Française, qui joue avec les symboles de la culture des banlieues, signe pour Numéro art une série de photos, intitulée d’après l’expression du rappeur Jul signifiant “merci”. Ce projet donnera lieu à une performance en janvier.

Une création originale de Sara Sadik.

Texte par Martha Kirszenbaum.

An original creation by Sara Sadik.

Text by Martha Kirszenbaum.

Sa pratique mêle vidéo, performance musicale, installation et photographie. Sara Sadik (née à Bordeaux en 1994, elle vit à Marseille) questionne la représentation de la culture des banlieues, à travers des référents liés à la musique, à la mode, aux réseaux sociaux ou à la science- fiction. Explorant les symboles esthétiques de la culture “beurcore” comme elle la nomme, – celle de la jeunesse des quartiers populaires issue de la diaspora maghrébine, souvent exotisée ou méprisée –, Sadik la documente par des fictions dont elle est souvent l’une des interprètes. Se fondant dans le personnage de Melissa Lacoste, chanteuse de R’N’B marseillaise, créé en 2016, elle sillonne les scènes musicales vêtue d’un survêtement et arborant un maquillage prononcé. Elle développe alors une série de télé-réalité, incarnant des personnages féminins liés à l’immigration française et aux classes populaires.

 

L’attention aux mythologies contemporaines de la culture beurcore marque l’un des fondements du travail de Sara Sadik. Le groupe de rap PNL, auquel elle fait explicitement référence dans les titres de ses installations Le Monde Chico ou Que la famille, la marque de vêtements à bas prix Kalenji dont elle habille les protagonistes de ses films, les logos de l’Olympique de Marseille qu’elle appose à ses photographies, les poches de jus de fruits Capri-Sun qui lui servent de support pour un filtre Instagram sont autant de référents générationnels convoqués avec une pointe d’ironie. Dans sa vidéo Shour Beauty (2018), les Hookheys, fumeurs de chicha aux longs cheveux noirs, sont fascinés par un médicament leur permettant d’intégrer l’élite des Babtoos, communauté de blancs aux cheveux lisses et dorés. Pour sa performance Allô le Bled, présentée lors du festival Do Disturb au Palais de Tokyo en avril 2019, elle met en scène une armée de fanatiques du rappeur marseillais Jul, dont elle incarne la femme idéale, Tchikita. Sadik se joue des clichés sociétaux en les déconstruisant et les réinjectant dans des récits imaginaires et détournés. Au-delà des stéréotypes sur la banlieue et les populations d’origine maghrébine, elle se plaît à tordre et à refonder les représentations de la masculinité. Dans nombre de ses vidéos, incarnant plusieurs hommes, vêtue d’un maillot de football et la voix grave, elle démantèle l’image du “jeune arabe de cité”.

Her work is a savvy mix of video, musical performance, installation and photography. Sara Sadik (born 1994, lives and works in Marseille) draws inspiration from urban pop culture, questioning its representation through references linked to music and fashion as well as social networks and science fiction. She explores the aesthetic symbols of what she calls beurcore – the youth culture in working-class communities from the Maghrebi diaspora – which she documents in fictive stagings in which she often features. Slipping into the character of Melissa Lacoste, an R’n’B alter ego, she criss-crosses the stage in a tracksuit and heavy makeup; in a “reality-TV series” she plays multiple female characters from immigrant working-class backgrounds. She brings humour and a touch of irony to her examinations of beurcore references such as the rap group PNL (to which she explicitly refers in the titles of her installations Le Monde Chico or Que la famille), the low-cost clothing brand Kalenji, which she uses to dress the protagonists in her videos, the Olympique de Marseille logos she affixes to her photos, the Capri-Sun fruit-juice pouches she uses as an Instagram filter, etc. Her 2018 video Shour Beauty stars Hookheys, shisha smokers with long black hair who are fascinated by new drugs that allow them to join the elite Babtoos, a white community with smooth golden hair. In Allô le Bled, performed in this year’s Do Disturb festival at Paris’s Palais de Tokyo, she led an army of JUL fans (JUL is a Marseille rapper) in her role as his ideal woman, Tchikita.

La ville de Marseille où elle réside est non seulement la toile de fond quotidienne de sa pratique, mais aussi une inspiration première. Dans sa dernière vidéo, Lacrizotiek (2019), le journal télévisé de la chaîne fictive Blackwhite TV relate l’arrivée d’extraterrestres dans la cité de la Busserine des quartiers nord. Filmée au pied des tours de béton, la vidéo prend la forme d’un documentaire futuriste sur un quartier réputé difficile, qui est ici, au contraire, raconté dans la joie et l’humour adolescents, hissant ses jeunes habitants, coauteurs du projet, au premier plan. De manière similaire, la série de photographies réalisée à l’été 2019, Eh Mercé, a comme arrière-plan le Vieux-Port, devant lequel Sadik a fait poser des duos masculins sur des trottinettes Lime, insistant ainsi sur la bromance ou l’amitié qui les lie. Elle appose ensuite sur chaque image des logos : PlayStation, KTM, ou celui utilisé sur les maillots de football thaïlandais, et remplace leurs visages par des personnages de mangas japonais, ceux de Dragon Ball Z notamment, une pratique courante sur les réseaux sociaux.

Sadik plays with social clichés, deconstructing them and reinjecting them into fictional hijacked narratives. Beyond urban Franco-Maghrebi stereotypes, it is the representation of masculinity that really fascinates her, a theme she enjoys twisting and dismantling. In some of her videos, she plays Maghrebi-origin men, questioning and challenging the image of the “young Arab from the ghetto”. Marseille appears not just as the everyday backdrop to her work but also as a vital, primary inspiration. In her latest video, Lacrizotiek, she films kids from the Busserine estate in the city’s notorious northern neighbourhoods: a news flash on her fictitious Blackwhite TV station reports the arrival of aliens among the concrete tower blocks. But the video shows a place that is usually written off as troubled in a joyful, humorous light, thrusting its young inhabitants, her co-authors, centre stage. Similarly, her photo series for Numéro art, Eh Mercé, depicts, in Marseille’s Old Port, pairs of young men on electric scooters, drawing attention to their normally taboo bromance and replacing their faces with Japanese manga characters, which is a common practice on social networks.