25 juin 2019

Au BAL, la photographe Barbara Probst déconstruit le temps

Jusqu'au 25 août, le BAL accueille la première exposition personnelle à Paris de l'artiste allemande Barbara Probst. La photographe s'attelle à saisir un même instant selon plusieurs points de vue simultanément. L'occasion de découvrir une pratique questionnant depuis près de 20 ans les rapports entre le regard et le temps, en montrant les limites de notre propre perception.

Barbara Probst, “Exposure #139, Munich, Nederlingerstrasse 68, 08.21.18, 5:13 p.m.” (2018) © ADAGP, Paris, 2019

Comment parvenir à capturer un sujet sous toutes ses coutures, sans échapper à la bidimensionnalité du support? Si cette question anime la création photographique depuis son invention, Barbara Probst s’est donné il y a près de 20 ans ce défi qu’elle tente encore aujourd’hui d’accomplir par sa propre pratique. Sculptrice de formation, elle s’attache à retrouver, par l’image, la tridimensionnalité du réel : Barbara Probst saisit l’envergure d’un seul et même instant à l’aide de plusieurs appareils photo. Jusqu’au 25 août, LE BAL présente une partie de ses recherches rassemblées sous le nom d’Exposure, l'artiste allemande utilise la photographie pour déconstruire le temps.

 

7 janvier 2000. Douze appareils ont été disposés à des points stratégiques sur un toit de Manhattan : une vue de côté, du sol, ou même du dessus. Entourée par ces capteurs d’image, Barbara Probst saute : en une fraction de seconde, son image est immortalisée à douze reprises. Un an plus tard, dans la Grand Central Station de New York, une passante traverse le grand hall : six objectifs télécommandés arrêtent sa course et l’installent dans un temps et un espace suspendus. Grâce à ses dispositifs, Barbara Probst déroule un récit mystérieux et fragmenté, condensé en une seule seconde. L’instant particulier se fond alors dans une totalité de points de vue.

Barbara Probst, “Exposure # 9 NYC, Grand Central Station, 12.08.01, 1:21 p.m.” (2001) © ADAGP, Paris, 2019

Chez Barbara Probst, l’important réside dans les angles. Au long de son parcours au BAL, le visiteur se sent fixé de façon insistante par les modèles de l’artiste : sur chaque tirage, présenté en double ou triple, l’un dirige ses yeux vers un objectif, le second vers l’autre. Dans ces portraits presque identiques, les modèles flottent dans un intermédiaire étrange entre absence et présence. Le spectateur est alors explicitement invité à prendre part à ce jeu de regards, habité par une interrogation : où se trouve l’appareil ? Intelligemment installées dans les espaces du BAL, les œuvres de l’artiste provoquent ainsi un va-et-vient avec le public, désireux de recomposer ces puzzles photographiques.

Barbara Probst, “Exposure #31, NYC, 249 W 34th Street, 01.02.05, 4:41 p.m.” (2005) © ADAGP, Paris, 2019

En baptisant ses séries Exposure, Barbara Probst évoque dès leur titre les potentialités plastiques de l’exposition en photographie, et c’est bien la plasticité et la matérialité de l’image que l’on voit mises en avant au BAL. Appuyée par la gymnastique technique qu’elle maîtrise avec brio, l’artiste développe une réflexion visuelle où la subjectivité du regard, matérialisée par l’appareil, se trouve à l’épreuve de la temporalité de la prise de vue. Deuxième exposition personnelle (seulement) de la photographe en France, The Moment in Space révèle ainsi les limites de notre propre perception, contraints de ne saisir d’un même moment qu’une infime parcelle de sa réalité.

 

L’exposition Barbara Probst – The Moment in Space est à voir jusqu’au 25 août au BAL, Paris 18e.

Barbara Probst, “Exposure #73, Munich studio, 08.21.09, 2:23 p.m.” (2009) © ADAGP, Paris, 2019