21 déc 2020

13 images érotiques qu’il fallait voir en 2020

Beaux livres, exposition virtuelle ou photographies cultes… Numéro revient sur les œuvres érotiques qui ont marqué l’année 2020 à leur manière, de Peter Hujar à Harley Weir en passant par Wolfgang Tillmans ou le légendaire Robert Mapplethorpe.

1. Robert Mapplethorpe : un photographe sulfureux.

 

 

Ses nus, portraits de célébrités et natures mortes en noir et blanc extrêmement stylisées ont fait de lui l’un des maîtres de la photographie d’art. Diffusé cette année sur la chaîne Arte, le documentaire Mapplethorpe: Looking for the Picture (2016) revient sur la carrière de Robert Mapplethorpe, parcourant sa propre vie aussi sulfureuse que ses photographies. Emporté par le sida en 1989 après une vie d’excès, le photographe a pourtant vécu une enfance protégée dans une banlieue cossue de l’État de New York et fréquenté une école d’art à Brooklyn. Dès les années 60, son chemin bascule : il forme un couple anticonformiste et sexy avec la chanteuse Patti Smith avant que cette histoire d’amour mythique ne vole en éclats avec la découverte de son homosexualité. Tout au long de sa carrière, Mapplethorpe n’aura de cesse de créer la controverse par des actes subversifs. Dès la fin de ses études, il immole son singe domestique et dans les années 70, il commence un travail autour de la pornographie qui abolit les frontières entre l’art et l’intime, faisant de ses amants et de ses pratiques SM le sujet principal de ses photographies.

 

 

À lire: Tout savoir sur la photographie en 5 documentaires.

« X portfolio », Robert Mapplethorpe, 1978.

2. L’érotisme digital de Carol Civre.

 

Remarquée pour ses personnages féminins modélisés en 3D dont les apparences avoisinent les déformations d’un filtre Instagram ou d’un jeu vidéo, la jeune artiste new-yorkaise Carol Civre compose un monde intégralement numérique dans lequel les femmes scintillent et triomphent dans toute leur diversité. Derrière son esthétique singulière se lit un regard nouveau sur le corps et ses représentations, mais également l’affirmation d’une nouvelle forme d’expression née par et pour le support digital. 

 

 

À lire: Carol Livre, l’artiste qui glorifie le corps féminin.

 

Carol Civre, modélisation 3D.

3. Wolfgang Tillmans: photographe de l’intime.

 

De février à août 2020, le Wiels de Bruxelles présentait la première exposition monographique en Belgique de l’artiste allemand Wolfgang Tillmans. Dans la foulée, la maison d’édition Taschen publie “The Eyes of Our Time”, un ouvrage rassemblant ses quatre précédentes parutions pour les enrichir de nouvelles images. Souvent récentes, réalisées les huit dernières années depuis le dernier volume, celles-ci s’accompagnent également de clichés plus anciens. L’occasion de redécouvrir l‘œuvre de ce photographe de l’intime, de la jeunesse, et surtout, du vivant, qui capture depuis trente ans dans ses images sensibles et poétiques les dessous du réel, des recoins du corps humain aux secrets de la nature.

 

À lire: Dans l’intimité de Wolfgang Tillmans en 12 clichés.

Wolfgang Tillmans, “FKK Naturists”, 2008.

4. Gerardo Vizmanos : être queer.

 

Qu’est ce qu’être queer en 2020 ? Si l’on n’a jamais autant entendu ce terme que ces dernières années, ses nombreuses utilisations et réappropriations ont rendu ses limites poreuses et difficiles à définir. Un moyen permettrait toutefois d’y parvenir : la photographie. En mettant en scène les différents corps et sexualités, celle-ci peut en effet de manière très immédiate dresser le portrait des identités et cultures queer contemporaines. Afin de les réunir dans un livre, Benjamin Wolbergs est parti à la découverte de ces photographes qui, aujourd’hui, composent une nouvelle iconographie queer à travers ses figures anonymes. Dans son ouvrage New Queer Photography paru aux éditions Verlag Kettler, 40 artistes sont répertoriés, leur travail exposé et décrypté. On y retrouve par exemple les gros plans intimistes de Florian Hetz, les soirées extravagantes capturées par Ralf Obergfell, les corps fragmentés de Damien Blottière ou encore les nus de l’artiste espagnol Gerardo Vizmanos.

Gerardo Vizmanos.

5. Heinz Hajek-Halke en vente chez Christie’s.

 

Malgré l’annulation exceptionnelle de la foire internationale Paris Photo, qui se tient traditionnellement début novembre, la maison Christie’s a maintenu le 10 novembre 2020 sa grande vente de photographies du XXe et du XXIe siècle à Paris. Près de 130 tirages composaient une sélection riche et éclectique, dans laquelle on retrouvait aussi bien Irving Penn, Sally MannWolfgang Tillmans et Nan Goldin que Nobuyoshi Araki ou l’Allemand Heinz Hajek-Halke. 

Heinz Hajek-Halke “Untitled”, 1930-1936.

6. Les corps fragiles (et monstrueux) d’Antoine d’Agata.

 

 

Le photographe français repousse les limites de la – et de sa – représentation avec des clichés intrusifs réalisés à partir des années 1990 au Mexique et poursuivis jusqu’à aujourd’hui. Souvent, les chairs mêlées et contorsionnées mettent à mal la force physique de l’homme. Fragilisé, il semble comme pris par l’urgence de laisser une trace dans un moment de grand danger. Le rapport de domination sexuel est vorace. La multitude de photographies scelle les visions d’un homme qui n’a pas de limites et qui s’explore lui-même avec le corps des autres. Antoine D’Agata tire de cette expérience des images floues et fragmentées, fuyantes, et si présentes en même temps. Parfois, on découvre des scènes de sexe vagabondes et sans attaches, tout comme la vie que mène leur auteur qui n’a plus de lieu de résidence attitré depuis 2005. Publié par les éditions The Eyes Publishing en novembre, l’ouvrage “Francis Bacon/Antoine d’Agata réunit les œuvres crues, entre érotisme et violence, de deux artistes du corps. Une rencontre sombre, étonnante et sensible.

 

 

À lire: l’obsession de Francis Bacon pour la mythologie.

Antoine d’Agata.

7. Harley Weir et les nouvelles masculinités.

 

À quoi ressemble un homme, au juste ? Chacun doit avoir une idée sur la question, il n’en reste pas moins que la définition de la masculinité est de plus en plus vaste et inattendue. Le regard se décale, glissant des femmes vers les hommes, et ce déplacement fait l’objet de nombre d’expositions et projets d’artistes. La très complète exposition londonienne Masculinities: Liberation through Photography (Masculinités : une libération par la photographie), à la Barbican Gallery (février-mars 2020), est un bon point de départ. La jeune photographe britannique Harley Weir a choisi les hommes comme sujet d’un certain nombre de ses séries, et notamment pour son livre Father*. Avec un regard de féministe d’aujourd’hui et une vision très personnelle de ce qui est érotique, l’artiste recouvre souvent le visage des figures masculines qu’elle photographie. Issue du monde de la mode, elle observe, par le biais de ses mises en scène, comment la pose et l’ornement transforment nos conceptions et notre compréhension de ce qui définit le masculin. Les corps, chez elle, ne sont pas nécessairement idéalisés.

 

 

À lire: la photographe Harley Weir repense le nu masculin

Harley Weir, “Playgirl”.

8. Lao Xie Xie, mystérieux photographe des contradictions.

 

 

On pensait Lao Xie Xie d’origine chinoise mais, selon des confrères bien renseignés, il serait un photographe italien qui a inventé une fausse identité… Lao Xie Xie dissimule les poitrines de ses modèles avec des lampions écarlates ou dépose de petits dragons en plastique aux abords des sexes. Il superpose alors des clichés de la culture chinoise avec ce que l’état censure. Sans tabou, pas de désir, et inversement. Il dresse alors un monde fait de contradictions et s’invite au cœur de l’underground chinois, là où les identités sont façonnées – entre autres – par la sexualité. On notera aussi les multiples références à la naissance, logiquement liée à l’acte sexuel. Lao Xie Xie capture par exemple un abdomen parsemé de gouttelettes de sperme ou repense “l’Origine du monde” dans une version moins crue, moins évidente et paradoxalement plus trash.

 

 

À lire: les provocations insouciantes de Lao Xie Xie

Lao Xie Xie, “Untitled”.

9. Le New York queer de Peter Hujar.

 

Après la grande rétrospective que lui consacrait le Jeu de Paume fin 2019, Peter Hujar est à nouveau mis à l’honneur par la Pace Gallery de septembre à octobre 2020. La nouvelle exposition en ligne de la galerie revenait à travers 19 clichés sur vingt ans de vie de ce photographe transgressif, qui a su saisir en noir et blanc toute la frénésie de la scène artistique et queer new-yorkaise – une scène dans laquelle il s’épanouissait lui-même avec la plus grande sincérité.

 

 

À lire: Qui est Peter Hujar, le photographe éclipsé par Mapplethorpe.

Peter Hujar.

10. Pierre Debusschere, un prodige discret de l’image.

 

Si le jeune Belge, collaborateur fidèle de Numéro et Numéro Homme, a construit sa notoriété dans la photographie de mode, sa carrière prouve, sur plus d’une décennie déjà, combien il est parvenu à s’affranchir d’un domaine encore fortement codifié, explorant aussi bien la peinture que la vidéo, jusqu’à être invité à réaliser les clips de Beyoncé. Cette année, il présentait son travail jusqu’au 3 octobre dans la galerie de son propre studio 254 Forest, à Bruxelles.

 

 

À voir: la série mode “Rave Party” de Pierre Debusschere.

Pierre Debuscherre – Spectrum.

11. Susan Meiselas, les strip-clubs et l’autoflagellation.

 

Susan Meiselas a écumé l’Amérique latine, les strip-clubs de la Nouvelle-Angleterre et les ruelles de Little Italy, pour exposer les cicatrices résultant de la guerre, de la violence domestique et de l’autoflagellation. Membre de l’agence Magnum depuis 1976, célébrée aux Jeu de Paume en 2018, la photojournaliste décroche le prix Women in Motion, décerné par par Kering et les Rencontres d’Arles un an plus tard. Sa rétrospective Mediations s’est installée à l’Institut Moreira Salles de São Paulo jusqu’au 16 février 2020.

 

 

À lire: les dessous de la violence sous l’objectif de Susan Meiselas

 

Susan Meiselas.

12. Neil Krug et les héroïnes de science-fiction

 

Ce collaborateur de Tame Impala et de Lana del Rey propulse des femmes anonymes dans des paysages désertiques et multicolores. Enfermées dans un tableau anachronique, elle habitent une sorte de décor de science-fiction. Toutes sont nues. Certaines dévalent des pentes abruptes sous une lueur bleue, d’autres se cambrent en écrasant leur joue sur une plaque écarlate. Les unes se dressent entre des dunes de sable aux reflets verts, les autres se figent telles des bêtes aux aguets dans des cavernes étincelantes tandis que des lucioles fourmillent sur leurs corps.

 

 

À lire: Neil Krug et les femmes extraterrestres.

Neil Krug, Phantom Stage One.

13. L’Empire des sens, l’érotisme par excellence

 

Cette sélection s’achève – étonnamment – avec un long-métrage. Présenté au Festival de Cannes en 1976, L’Empire des sens de Nagisa Oshima bouleverse par sa puissance érotique. Ce duel amoureux défiant tous les tabous sexuels lui vaut plus de vingt ans de censure au Japon. À l’occasion de sa diffusion sur Mubi, Numéro revenait sur le corps à corps le plus violemment sensuel du cinéma. Car en 1976, Nagisa Oshima provoqua un des plus grands scandales de l’histoire du cinéma. L’œuvre ressemble à l’un de ces rêves dont le souvenir demeure confus. Cela débute doucement, presque banalement. Puis le film vous prend, et finalement vous enferme dans la spirale folle et troublante de l’amour physique. Empire, emprise : voilà un film impérieux qui tient toutes les promesses de son titre français.

 

 

À lire: L’empire des sens, les secrets du film le plus érotique du cinéma.

“L’empire des sens” de Nagisa Ōshima, 1976.