14 oct 2024

The Pill : l’itinéraire d’une galerie engagée, d’Istanbul à Paris

Fondée à Istanbul en 2016, la très pointue galerie The Pill ouvre cette semaine un second espace en plein cœur de Paris. Une implantation très attendue, qui débute avec une exposition de la jeune peintre française Apolonia Sokol.

Apolonia Sokol, Suela Cennet (2022). Courtesy of the artist and THE PILL®.

The Pill : une galerie utopique et engagée à Istanbul

Parmi les récentes ouvertures de galeries que connaît Paris ces dernières années, avec l’arrivée d’un nombre important de noms connus venus de différents hauts lieux de l’art contemporain (Londres, New York, Berlin…), il y en a certainement une dont la nouvelle implantation parisienne, place de Valois, dans le Ier arrondissement, promet un moment de grande célébration. Il s’agit de The Pill, une galerie née d’une “idée utopique et transnationale”, fruit de l’imagination de sa fondatrice Suela J. Cennet, parisienne d’origine albanaise.

D’abord imaginé comme une plateforme navale, que les lois maritimes finissent par mettre en difficulté, The Pill opère depuis 2016 dans une vieille usine réaménagée en white cube située à Balat, un quartier de la Corne d’Or d’Istanbul qui, ayant historiquement abrité des communautés bafouées et marginalisées en Turquie, possède un statut particulier, celui d’être déjà “une marge dans la marge”. Il offre donc un cadre propice pour structurer une programmation éminemment politisée, portée par “une esthétique de l’amitié”, selon Suela J. Cennet.


Apolonia Sokol, Consentement (2024). Courtesy of the artist and THE PILL®.

Eva Nielsen, Mireille Blanc, Marion Verboom ou Apolonia Sokol – qui inaugure le nouveau site parisien –, sont autant d’artistes que Suela J. Cennet, encore étudiante à Sciences Po, rencontre et fréquente alors qu’elles sont étudiantes aux Beaux-Arts de Paris. Une communauté, une famille élective, à laquelle viennent se joindre, au fil du temps, Soufiane Ababri, Nil Yalter, Elsa Sahal, Lux Miranda ou Özlem Altin, pour ne citer qu’eux.

Les artistes Apolonia Sokol et Nil Yalter inaugurent la galerie à Paris

“La programmation tourne autour de questions qui, sans doute, font écho à mon histoire familiale”, explique celle dont la famille, d’origine albanaise, a vécu à travers les générations nombre d’exils politiques, y compris en Turquie. On y trouve donc, comme autant de fils rouges, “le féminisme, la violence, la domination, la dépossession, le déplacement”, thèmes qui se matérialisent également dans la nouvelle proposition d’Apolonia Sokol, qui constitue aussi pour la jeune peintre sa première exposition monographique en France.

Portrait of Nil Yalter with Topak Ev (Nomad’s Tent): A Study of Private, Public, and Feminine Spaces (1973). Courtesy of the artist and THE PILL®.

Au menu, “un Guernica monumental de six mètres sur l’état du monde actuel et les guerres qui sont en cours”, une œuvre inspirée d’un épisode du podcast féministe Vénus s’épilait-elle la chatte? qui propose une déconstruction de l’histoire de l’art occidental. Quoi d’autre? Un retable politique ainsi qu’un autoportrait qui dépeint l’artiste “seule sur une pelouse, avec des pieds d’hommes qui pendent au-dessus de sa tête, explique Suela J. Cennet. On ne sait pas s’ils sont pendus ou s’ils sont là pour la piétiner.”

En parallèle de cette exposition inaugurale, The Pill présente, sur son stand à Art Basel Paris, une œuvre historique de l’artiste turque Nil Yalter, lauréate du Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière artistique. La galerie arrive donc dans la capitale avec “deux femmes de générations différentes mais qui soulèvent avec beaucoup de courage des questions politiques qui doivent être posées”. 

“Apolonia Sokol. I Shall Love Again When I Am Obsolete”, jusqu’au 21 décembre à la galerie The Pill, Paris 1er.