15 juil 2020

Stefan Brüggemann inonde d’or l’espace de la galerie Hauser & Wirth

Connu pour ses peintures, sculptures et installations radicales où le texte endosse bien souvent le premier rôle, l’artiste mexicain Stefan Brüggemann présente actuellement à la galerie Hauser & Wirth de St Moritz, en Suisse, ses dernières toiles. Derrière cette série d’œuvres inédites intégralement recouvertes de feuille d’or se lit un commentaire cynique sur notre vocabulaire digital contemporain, particulièrement mobilisé lors de nos échanges virtuels ces derniers mois. 

C’est un véritable trésor que renferme la galerie Hauser & Wirth à St Moritz cet été, un trésor reluisant d’or. Réparties sur les murs de ses deux étages, de nombreuses toiles dorées illuminent l’espace, chacune éclairée directement par un spot qui souligne son relief, sa texture et ses nuances. Au plafond de la première pièce, une large ouverture rectangulaire est elle aussi tapissée de ce fastueux enduit qui y forme un puits de lumière semblable à un halo divin. Cette atmosphère mêlant mysticisme et opulence, l’artiste Stefan Brüggemann en est à l’origine. Depuis la fin des années 90, ce Mexicain questionne les limites des médiums artistiques les plus classiques, tels que la peinture et la sculpture, en faisant du concept immatériel et du langage le ciment de ses formes radicales.

 

Car derrière l’esthétique de ses pièces, le regard affûté de l’artiste sur le monde et la société se lit en filigrane. Toujours au cœur du travail de Stefan Brüggemann, le texte s’y décline sous toutes ses formes : tantôt l’artiste le colle sur les murs, tantôt il le sculpte dans les néons ou bien le taggue à la bombe sur les toiles. Sur quelques unes de ces œuvres inédites, des bribes de mots émergent des surfaces recouvertes de feuilles d’or, s’y inscrivent en relief ou s’effritent, jusqu’à disparaître parfois. On discerne les termes anglais “subscribe”, “online disconnected”, “like unlike” ou encore “unforced error”, tout un corpus verbal directement repris des actions qui guident notre circulation digitale. Car si l’aspect des toiles peut rappeler celui des icônes religieuses peintes sur fond doré, ces rectangles  vermeil sont aussi un clin d’œil à la forme verticales de nos smartphones et des écrans digitaux dont l’usage s’est révélé particulièrement central à notre communication ces derniers mois. 

 

Tels des haïkus picturaux, les toiles de Stefan Brüggemann dessinent les contours d’une archéologie future marquée par les empreintes de notre vocabulaire contemporain, dont l’enceinte de la galerie deviendrait ainsi le reliquaire. D’aucuns pourraient y voir des réinterprétations des Tables de la Loi, supposément gravées par Dieu dans la Bible, d’autres des pierres runiques de Scandinavie – autant de références qui, là encore, traduisent de l’artiste son retour vers les pierres angulaires de nos cultures matérielles. Ultime référence christique, une croix latine est dessinée à l’aide d’agrafes sur l’une des toiles. Pièce phare de cette exposition, elle se fait ici le symbole d’un nouveau règne du sacré qui, avec lui, célèbrerait dans les technologies de communication l’avènement de ses nouvelles icônes.

 

Stefan Brüggemann, UNTITLED ACTION (GOLD PAINTINGS), jusqu’au 30 août à la galerie Hauser & Wirth, St Moritz.