14 oct 2024

À la galerie Ropac, l’art américain fait sa révolution

À Pantin, la galerie Thaddaeus Ropac présente l’exposition Expanded Horizons: American Art in the 70s. Dimensions impressionnantes, matériaux pauvres, discours engagés… les œuvres de Robert Rauschenberg, de Rosemarie Castoro ou encore de Judy Chicago y témoignent des mutations de l’art à l’heure de tournants majeurs aux États-Unis.

Judy Chicago, Women and Smoke (1971-1972) remasterisée en 2016. © Judy Chicago / Artists Rights Society (ARS), New York. Photo: Through the Flower Archives. Avec la permission de l’artiste.

La galerie Ropac expose des œuvres d’art monumentales

C’est en 1979 que Robert Rauschenberg réalise l’une des plus grandes œuvres de sa carrière. Tissus rayés, impressions d’après des journaux, chemise ou encore miroir coloré : mesurant 3,3 m de hauteur sur 9 de large, Bank Job est une véritable fresque en patchwork déployée sur quinze panneaux. Extraite de sa série des Spreads, grands formats composites entamés en 1975, elle s’empare d’éléments familiers pour former un agrégat en rapport avec son époque.

Jusqu’au 25 janvier 2025, ce chef-d’œuvre est présenté pour la première fois en Europe dans l’exposition “Expanded Horizons: American Art in the 70s” à la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin, où il prend place aux côtés des pièces de vingt autres artistes tout aussi renommés.

Robert Rauschenberg, Bank Job (Spread) (1979). Photo: Ulrich Ghezzi. © Robert Rauschenberg Foundation / ADAGP, Paris, 2024.

Les années 70, un tournant formel pour l’art américain

On le sait, les années 60 ont été déterminantes dans l’histoire de l’art américain. Du pop art à l’art minimal, elles ont vu fleurir des mouvements parmi les plus importants du 20e siècle au point parfois d’éclipser la décennie suivante, pourtant marquée par plusieurs tournants dont rend compte l’exposition. Nombre d’artistes majeurs – tels James Rosenquist ou Donald Judd – quittent alors New York, cœur battant de l’art, pour prendre possession d’ateliers bien plus vastes et d’espaces extérieurs en Floride ou au Texas, qui auront un grand impact sur leur travail.

Ainsi, pendant que Rosemarie Castoro sort de la toile avec ses Brushstrokes, de grandes sculptures sur mur à base de gesso et de plâtre, le peintre Alex Katz entame ses paysages monumentaux, dont les immenses formats favorisent l’immersion totale du spectateur.

Alex Katz, Private Domain (1969). © Alex Katz / ARS, New York 2022. Photo: Charles Duprat.

De Rauschenberg à Chamberlain, le renouvellement des matériaux

Outre les changements de proportions, la galerie Ropac relate l’utilisation inédite par les Américains de matériaux considérés comme “pauvres” car peu coûteux et fragiles. Des fragments d’automobiles chez John Chamberlain au feutre chez Robert Morris, les artistes défient les conventions matérielles des mouvements contemporains tels que l’art minimal, tout en s’appropriant parfois leurs principes esthétiques, comme le démontrent plusieurs œuvres exposées.

Féminisme, droits civiques : les artistes s’engagent

Le titre “Expanded Horizons” est ici à lire au sens propre comme au figuré : si les artistes “élargissent leurs horizons” en investissant des techniques et des formats nouveaux, cette “révolution” formelle dans l’art américain advient à l’heure où de grandes avancées sociales, entre libération sexuelle et lutte pour les droits civiques, ont lieu.

Une dimension politique retranscrite à Pantin avec des vidéos des fameuses performances de l’artiste féministe Judy Chicago, dans lesquelles des femmes nues dessinent dans la nature des sculptures éphémères avec des fumigènes, ou encore les compositions de Senga Nengudi à base de poches d’eau colorée, traductions abstraites de son regard sur le corps noir féminin. Des approches radicales qui ont contribué à requalifier l’œuvre d’art, en élargissant davantage ses limites.

“Expanded Horizons: American Art in the 70s”, jusqu’au 25 janvier 2025 à la galerie Thaddaeus Ropac, Pantin.