PAD Paris 2022 : 7 créations étonnantes à découvrir au salon du design et de l’art
Le PAD fait son grand retour à Paris. Pour sa 23e édition, installée du 6 au 10 avril sous un chapiteau monté dans le jardin des Tuileries, le salon du design et de l’art a réuni 69 exposants, incluant des galeries de design vintage et contemporain, d’art et de bijoux, et même de bande dessinée. Focus sur 7 pièces repérées sur le salon, novatrices tant par leurs formes que par les techniques et matières employées.
Par Matthieu Jacquet.
1. Les sièges en papier calque de Pao Hui Kao
Sur le stand de Spazio Nobile, l’apparente fragilité des créations de Pao Hui Kao a de quoi interpeller. Plusieurs tabourets, un banc et une console sont apparentés grâce à un même principe constitutif : des dizaines de feuilles de papier roulées et assemblées formant une structure alvéolaire. L’effet de surprise augmente encore lorsqu’en s’approchant, on découvre que ces feuilles ne sont rien d’autre que du papier calque, fixé à l’aide de colle de riz et d’eau. Ainsi solidifiées par la designer taïwanaise – qui explore cette technique depuis ses études à la Design Academy d’Eindhoven –, ces pièces sont suffisamment résistantes pour permettre de s’y asseoir. Sur certaines, elle applique même de l’urushi, une laque japonaise à base sève naturelle qui les noircit légèrement. Une démarche méticuleuse et innovante qui vaut à la créatrice de rejoindre les rangs des finalistes du Loewe Foundation Craft Prize cette année.
Stand de la galerie Spazio Nobile.
2. La lampe unique de l’immense architecte Frank Lloyd Wright
L’architecte américain Frank Lloyd Wright a marqué la première moitié du 20e siècle. Inventeur de l’architecture organique, auteur de l’incontournable bâtiment du Guggenheim Museum de New York, il a durablement influencé l’histoire de sa discipline par ses créations harmonieuses et chaleureuses inspirées par la rencontre de l’humain avec le paysage environnant. Si des dizaines de villas imaginées par lui peuvent se visiter aujourd’hui, il est bien rare de croiser son mobilier dans les galeries de design. Une lacune comblée par la galerie Alexandre Guillemain, qui présente sur son stand une lampe, intégrée à la villa (située dans le Minnesota) que commanda à Frank Lloyd Wright son grand mécène, Francis W Little. Cet objet qui ornait, avec sa jumelle, le bas de l’escalier d’honneur de la demeure, reprend les principes majeurs de l’architecte : lignes orthogonales, un système à lumière incandescente et bois peint, dont le vert-gris fait écho au jardin. Alors qu’une partie de la villa fait désormais partie des collections du Metropolitan Museum de New York, la lampe quasiment unique vient de remporter le prix du design du 20e siècle au PAD Paris.
Stand de la galerie Alexandre Guillemain.
3. Les meubles dégoulinants de Reinier Bosch
Du côté de la galerie Priveekollektie, le mobilier semble en pleine fusion. Sur une lampe, un banc et une paire de tabourets, une matière dorée miroitante coule en quelques grosses gouttes immobiles, maintenues sous sa surface. C’est en 2013 que Reinier Bosch a l’idée de faire dégouliner ses pièces : alors en voyage au Tibet, le designer néerlandais croise un homme en train d’asperger des boîtes avec un vaporisateur de peinture rouge. La matière débordant de son support souffle à l’artiste l’idée de former autour de ses créations des flaques et gouttes à l’aide de cire, avant de les mouler dans le bronze. Appliquée aussi bien à des sièges qu’à des luminaires, cette technique déclinée dans sa Melting series donne lieu à des objets déroutants qui brouillent les frontières entre solide et liquide.
Stand de la galerie Priveekollektie.
4. La table désertique de Rasmus Fenhann
Alors que le film Dune de Denis Villeneuve immergeait, ces derniers mois, des millions de spectateurs dans une planète intégralement couverte de sable, chez la galerie Maria Wettergren, le désert vibre à l’échelle d’une table basse. Pour cette création imaginée en 2018, le Danois Rasmus Fenhann s’est inspiré des mouvements sinueux du sable dans les plaines arides balayées par le vent, et l’a imité dans le bois de pin à l’aide d’une technique d’une grande précision. Connectée à un ordinateur sur lequel il avait au préalable modélisé les reliefs ondulatoires, une scie automatique SNC a permis au créateur de découper ses motifs dans la matière avant que lui-même, grand ébéniste de formation, le polisse à la main. Caractérisé par sa finesse d’exécution et sa douceur au toucher, l’objet a été baptisé “Sakyu”, mot qui signifie “dune” en japonais.
Stand de la galerie Maria Wettergren.
5. Le fauteuil en acier trempé de Ron Arad
Les sièges de Ron Arad sont parmi les plus célèbres du design contemporain. Qu’il s’agisse de ses fauteuils en plastique laqué tout en courbes ou de ses sofas en feutre modulables comme des Tetris, l’Israélien désormais âgé de 70 ans a proposé de nombreux modèles innovants et ludiques, par leur matière comme par leur forme. En atteste le fauteuil Well Tempered, qui arrête immédiatement le regard sur le stand de la galerie Yves Gastou : édité par Vitra en 1986, cette pièce étonnante se compose de quatre feuilles en acier inoxydable, courbées par trempage puis fixées par des rivets pour former l’assise, le dossier et les accoudoirs. Habituellement rigide, la matière étonne par sa flexibilité et son rebond lorsqu’on s’y assoit. Quelques décennies plus tard, le designer n’a pas hésité à décliner ce principe dans son fauteuil Bad Tempered en remplaçant les tôles d’acier par des lames en fibre de carbone.
Stand de la galerie Yves Gastou.
6. Les serpents colorés en céramique de Claire Lindner
Dans le paysage foisonnant qu’est la céramique, Claire Lindner s’est taillé une place bien à elle. Depuis des années, l’artiste française basée dans le sud de la France réalise des pièces organiques, sculpturales plutôt que fonctionnelles, le plus souvent caractérisées par leurs formes bosselées, enroulées sur elles-mêmes, ondulatoires ou en spirale. Émaillé par l’artiste à l’aérosol après sa cuisson, le grès obtient une texture granuleuse et se recouvre de teintes colorées, dont les dégradés saisissants semblent donner naissance aux plantes exotiques d’un jardin extraordinaire. En atteste la série des Entrelacs accrochée à la cimaise du stand Ceramics Now, qui n’est pas sans évoquer des lianes grimpantes ou des serpents en train de s’accoupler. Dès la fin mai, plusieurs sculptures de l’artiste seront présentées au MO.CO à Montpellier dans son exposition collective consacrée à la céramique contemporaine.
7. La lampe en nuages de verre d’Ayala Serfaty
Au fond du stand de la galerie BSL, une lampe montée sur un pied gris attire par son double éclairage, qui paraît contenu dans des nuages de fumée cotonneux. Lorsque l’on s’approche, on découvre autour de ces lumières une texture dont l’aspect oscille entre la neige et la glace : c’est en 2002, face à une toile en filaments de verre, qu’Ayala Serfaty commence à développer la technique qui fera sa renommée et unira l’ensemble des pièces de sa série SOMA – pour “corps”, en grec. À l’aide d’artisans verriers, elle réalise des centaines de filaments de verre ensuite tordus à l’aide d’un chalumeau pour former de très fines pointes, contenues dans une membrane en polymère sur laquelle elles dessineront de fines veines. Déclinée aussi bien sur des lustres que des appliques, des suspensions que des lampes de table, la méthode de la designer israélienne convoque un artisanat unique qui fait toute la qualité de ses créations.
PAD Paris 2022, du 6 au 10 avril au jardin des Tuileries, Paris 1er.