6 nov 2020

William Eggleston, Harmony Korine et Juergen Teller racontent leur road trip en images

Il y a dix ans, le maître américain de la photographie urbaine William Eggleston partait à l’aventure avec deux de ses amis, le cinéaste Harmony Korine et le photographe Juergen Teller. Cette année, leur road trip le long du Mississippi se raconte à travers leurs clichés pris pendant ces journées de voyage, désormais réunis par un nouvel ouvrage des éditions Steidl. 

Qu’obtient-on lorsque deux photographes et un cinéaste partent ensemble en road trip ? Une nouvelle série d’images sans doute et, avec un peu de chance, un livre. C’est précisément ce qui s’est passé avec William Eggleston, Juergen Teller et Harmony Korine. Il y a dix ans, le premier – grand photographe américain – a invité ses deux amis à le rejoindre dans la ville de Memphis dans le Tennessee. Après avoir pris la voiture, le cinéaste américain et le photographe allemand ont retrouvé William Eggleston qui, accompagné de son fils Winston, leur a fait découvrir sa propre ville natale ainsi que la maison dans laquelle il a grandi, avant d’embarquer avec eux pour un voyage vers le sud du Mississippi.

 

 

J’ai demandé à Bill : “Où allons-nous ? Où est-ce que tu nous emmènes putain ?” Il a répondu en riant : “Je voulais vous montrer le néant.”” Cet échange raconté par Juergen Teller est l’un des nombreux qui ont rythmé le voyage, guidé par un William Eggleston délibérément évasif. Pendant des jours et des jours, les compères ont sillonné les routes, traversé les villes de Tupelo et Jackson sans but ni attentes. Ensemble, ils écument les chambres d’hôtel et les diners, découvrent des villages abandonnés et des champs de coton déserts, s’enivrent et s’amusent. Toujours à l’affût, Harmony Korine et Juergen Teller capturent avec leurs appareils photo quelques instants de cette excursion exceptionnelle où William Eggleston émerge naturellement comme le personnage principal. Parmi les clichés de chemins vides et de ciels dégagés, de maisons délaissés et de quelques éléments insolites qui rappellent ses innombrables photographies en couleur des villes du sud américain dans les années 70-80, on découvre en effet un homme curieux, amoureux et espiègle, dont les soixante dix et quelques années n’ôtent ni l’enthousiasme ni le dynamisme.

© Harmony Korine and Juergen Teller

“La dernière nuit de notre voyage, Eggleston nous a joué du piano. Il portrait des gants en cuir noir. Je crois qu’il y avait un pistolet quelque part dans la pièce. C’était beau.” L’anecdote, c’est cette fois-ci Harmony Korine qui la raconte. Tout comme les quelques lignes écrites par Juergen Teller, ce récit se trouve en introduction du nouvel ouvrage des éditions Steidl réunissant plusieurs dizaines de clichés pris lors de cette folle aventure. Baptisé William Eggleston 414, numéro de l’une des chambres d’hôtel qui a accueilli le photographe à cette occasion, le livre témoigne d’une nouvelle manière de raconter la route, thématique phare de la production artistique et littéraire américaine. Mais surtout, le recueil se fait le récit fécond d’une amitié entre trois artistes dont les esprits sensibles et malicieux savent faire des merveilles.

 

 

William Eggleston 414, par Harmony Korine et Juergen Teller (2020), disponible aux éditions Steidl.