3 mai 2021

Une œuvre d’art GIF adjugée 4,1 millions de dollars par la maison Phillips

Après une ouverture des enchères il y a quelques semaines à 100 dollars par la maison de vente Phillips, l’œuvre numérique “REPLICATOR” de l’artiste Mad Dog Jones, authentifiée grâce à la technique du NFT, a finalement adjugée 4,1millions de dollars le 23 avril dernier. Son auteur devient à cette occasion l’artiste vivant le plus cher du Canada, tous médiums confondus.

Dans un bureau ultra-moderne de nuit dessiné numériquement, une photocopieuse projette sur les murs de la pièce les rayons fluorescents de son scanner. En arrière plan, on aperçoit à travers les fenêtres une ville démesurée, peuplée de grattes-ciel et de leurs lumières scintillantes. Avec son œuvre REPLICATOR, animée par la technique du GIF, l’artiste canadien Mad Dog Jones offre une véritable mise en abyme de la reproductibilité de l’art à l’ère des Non Fungible Tokens dits “NFT”, à traduire par “jetons non-fongibles”. Particulièrement démocratisé ces derniers mois, ce procédé informatique d’authentification des oeuvres numériques permet de coder la signature de l’artiste au sein du fichier même ainsi que d’en empêcher la duplication, faisant récemment fureur dans le monde de l’art virtuel. Début mars dernier, la maison Christie’s réalisait en effet un record en vendant 69,4 millions de dollars l’œuvre numérique Everydays – The First 5000 days du Britannique Beeple, faisant de lui le troisième artiste le plus cher de son vivant. Alors que la maison Sotheby’s a elle aussi récemment réalisé une vente d’œuvres NFT de l’artiste Pak, la maison Phillips est entrée à son tour dans ce tout nouveau marché en organisant il y a trois semaines une vente consacrée à l’œuvre GIF de Mad Dog Jones. Michah Dowbak, de son vrai nom, nourrit ses paysages denses et scènes urbaines réalisées numériquement d’une esthétique cyberpunk et d’un imaginaire dystopique.

 

 

Si l’œuvre de l’artiste canadien mise en vente par Phillips est authentifiée par NFT, elle joue aussi délibérément avec les limites de cette technique. REPLICATOR est en effet dotée de la capacité de générer automatiquement de nouvelles versions d’elle-même tous les vingt-huit jours : la première génération de l’œuvre produira six variations – toutes différentes de l’originale – à un rythme d’une par mois, puis chaque génération produira une œuvre de moins que la précédente, aboutissant au total à sept générations uniques portant chacune leurs propres caractéristiques visuelles. Ironisant sur l’idée d’un art « photocopiable », Mad Dog Jones a en outre souhaité intégrer à l’algorithme de son oeuvre un élément de hasard : le REPLICATOR peut se bloquer. À l’instar d’une photocopieuse perturbée par un bourrage papier, cette machine numérique à produire de l’art pourra donc s’enrayer et empêcher à une génération entière de se reproduire, freinant sa croissance exponentielle. Après trois semaines de vente, l’œuvre a fini par être adjugée, ce vendredi 23 avril dernier, pour 4,1 millions de dollars. Un record pour Mad Dog Jones, qui devient officiellement l’artiste vivant le plus cher du Canada. Ce résultat et la participation de l’artiste à la première exposition internationale d’oeuvres crypto-art à l’UCCA (Center for Contemporary Art) de Pékin fin avril, en font également désormais l’une des figures de proue de l’art numérique.