30 juin 2021

Un tableau de Fragonard retrouvé après deux siècles d’oubli

Connu pour ses représentations du libertinage, Jean-Honoré Fragonard était aussi le peintre de la sagesse. C’est en tout cas ce que confirme l’authentification d’un tableau d’un portrait de Philosophe lisant, découvert samedi dernier dans une famille d’ascendance aristocratique. 

« Philosophe lisant », Fragonard, entre 1768 et 1770. © Stephane de Sakutin / AFP

Lorsque le nom de Fragonard est prononcé, des images contraires aux règles de la bienséance viennent immédiatement à l’esprit. Son plus emblématique tableau, Le Verrou, réalisé entre 1774 et 1778, représente l’une de ces scènes galantes qui ont fait sa renommée. Un couple se débat devant un lit, l’homme repousse le loquet de la porte ; le geste est minime mais évocateur. Samedi dernier, dans une maison d’Epernay, dans la Marne, un portrait beaucoup moins tendancieux a été retrouvé. Un vieillard y figure, entouré des symboles de la sagesse : il lit de lourds volumes, un index pointé sur les pages. Sa longue barbe blanche et sa tonsure de moine achèvent de lui donner son air de philosophe antique. Comment deviner que ce chaste portrait était l’œuvre du peintre favori des libertins du XVIIIe siècle ?

 

Il aura fallu deux siècles pour que ce tableau de Jean-Honoré Fragonard soit authentifié. Ses propriétaires, une famille aux origines aristocratiques dans laquelle le tableau se transmettait de génération en génération, l’ont jusqu’ici conservé dans un parfait état. Aussitôt mise en vente par la maison Enchères Champagne, la petite toile ovale de 45,8 sur 57 cm, réalisée entre 1768 et 1770, a été adjugée pour la somme de 7,68 millions d’euros. Contrairement à ce que sa réputation de coquin laisserait croire, l’artiste a produit quelques dizaines de tableaux similaires, des figures sans frivolités et marquées par la sagesse. Hors commande, il les réalisait pour son propre plaisir, ce qui en dit plus sur la personnalité ambivalente de Fragonard, aussi bien attiré par l’érotisme chaud des boudoirs que par la froide image du penseur.