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Tout savoir sur Myriam Mihindou, l’artiste-chamane qui panse les plaies du monde
Chaque semaine, Numéro décrypte le travail d’un artiste contemporain exposé actuellement. Ici, focus sur l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou, plasticienne et performeuse, qui vient d’inaugurer une exposition personnelle au musée du Quai Branly.
Par Matthieu Jacquet.
L’artiste Myriam Mihindou, chamane qui panse les plaies du monde
Artiste et chamane, Myriam Mihindou utilise ses œuvres pour panser les plaies du monde, dont elle est partie à la découverte à travers de nombreux voyages. Née en 1964 à Libreville, la Franco-Gabonaise a en effet vécu en Égypte, au Maroc, à la Réunion ou encore à Haïti, avant de s’installer à Paris où elle réside aujourd’hui. Autant d’expériences qui ont donné lieu à des dessins, photographies, sculptures, vidéos et performances, irrigués par les questions de déplacement et d’exil, de lutte contre les dominations et d’affirmation des mémoires ancestrales, mais aussi du soin, inspirés par les rituels qu’elle a pu croiser sur sa route.
En atteste Déchoucaj’, série de portraits d’Haïtiens capturés lors d’une séance de transe collective, ou encore ses savons gravés de mots tels des ex-voto, témoignant d’une utilisation de matériaux parfois inhabituels. En 2017, elle se mettait en scène à la Biennale de Venise lors d’une performance mémorable, en train de se délester de paquets de coton qui, autour de son corps, matérialisaient l’héritage de l’esclavage. Lauréate du prix Nouveau Regard de l’association Aware en 2022, résidente de la Villa Albertine l’année suivante, elle présentera cet automne une exposition personnelle au Palais de Tokyo.
Myriam Mihindou au musée du Quai Branly : une exposition en hommage aux rites des pleureuses
Invitée par le musée du Quai Branly pour une carte blanche, Myriam Mihindou y présente jusqu’au 6 novembre l’exposition “Ilimb, l’essence des pleurs”. Un projet inédit et multisensoriel qui prend comme point de départ le rite des pleureuses, ces femmes qui, lors des funérailles dans de nombreuses civilisations, expriment intensément la douleur et la tristesse de la perte d’un être humain afin de susciter l’émotion autour d’elles. “Les pleureuses apaisent le présent et pleurent la mort pour donner la vie, explique l’artiste qui souhaite rappeler l’importance des larmes face à une société favorisant le bien-être à outrance. Elles sont gardiennes du vivant, subtiles, intuitives, lucides, et guérisseuses du corps social”.
Inspirée par la collection d’instruments du monde entier conservée au musée – près de dix mille au total –, l’artiste en a réuni quelques uns et les expose aux côtés de dessins et sculptures réalisés pour l’occasion, reproduisant par exemple en céramique des modèles de harpes sacrées. Au sein de ce parcours, laissé ouvert pour offrir une vue d’ensemble, Myriam Mihindou a déroulé une longue liane en fibre végétale réactive d’une trentaine de mètres qui, lorsqu’on l’approche, révèle une bande sonore de plus en plus intense.
L’œuvre choisie par l’artiste : des paysages azurés aux portes de l’abstraction
Sept grands dessins s’étalent sur l’une des cimaises noires du musée du Quai Branly. Sept feuilles blanches sur lesquelles s’accumulent des lignes horizontales bleues, qui dessinent un décor vibrant agrémenté de quelques bandes rose pâle. Parmi ces paysages, des sillons blancs traversent en zigzag ces étendues azurées, évoquant des éclairs ou les reflets vacillants du clair de lune sur une étendue d’eau. Aux portes de l’abstraction, ces dessins illustrent la présence et la sensation de l’eau, élément essentiel à la vie et à l’activité des pleureuses.
Les mots de Myriam Mihindou
“Les Sels, dessins de la série Mutodi (la parole en devenir), qui accompagne ce projet, révèlent dans le blanc du papier et les traces de carbone bleu, en lignes ondulatoires ou cristaux floconneux, des espaces infinis. Des larmes en colonne de sel y affleurent parfois dans l’eau bleue des abysses et des temps immémoriaux. Ainsi, pour les pleureuses, l’eau et le sel sont les matières sacrées de la conscience, dans un registre curatif qui relie au spirituel le temps et la vulnérabilité intranquille de l’existence.”
“Myriam Mihindou. Ilimb, l’essence des pleurs”, exposition du 6 février au 10 novembre 2024 au musée du Quai Branly, Paris 7e.
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