Richard Avedon en 3 photographies cultes, exposées à la galerie Gagosian
Immense photographe de mode et portraitiste des stars, Richard Avedon (1923-2004) est jusqu’au 2 mars au cœur d’une exposition personnelle chez Gagosian, à Paris. Focus sur 3 de ses clichés cultes, commentés par Joshua Chang, directeur de la photographie de la galerie.
Propos recueillis par Matthieu Jacquet.
Richard Avedon à la galerie Gagosian : l’exposition d’un photographe iconique
Au panthéon des photographes de mode, on peut citer aujourd’hui Peter Lindbergh, Annie Leibovitz, Steven Meisel, ou encore Ellen von Unwerth… Mais avant eux, un homme, Richard Avedon (1923-2004), s’était déjà distingué comme un virtuose en la matière. Impeccable portraitiste et grand maître du noir et blanc, celui qui a débuté sa carrière dans le New York des années 40 puis fait ses armes en travaillant pour les magazines Harper’s Bazaar puis Vogue, a su immortaliser les plus grandes icônes de la seconde moitié du 20e siècle, des Beatles à Tina Turner en passant par Marilyn Monroe, Catherine Deneuve et Andy Warhol, réalisant des images souvent si mémorables qu’elles marqueront leur histoire. Au-delà du glamour, l’Américain s’est parallèlement distingué par une photographie plus sociale, partant à la rencontre des manifestants pour les droits civiques, des résidents des hôpitaux psychiatriques ou des populations rurales de l’Ouest américain.
Alors que l’année 2023 fêtait le centenaire de la naissance du photographe, la galerie Gagosian vient d’inaugurer à Paris l’exposition personnelle “Iconic Avedon: A Centennial Celebration of Richard Avedon”, qui réunit une quarantaine de clichés et des documents d’archives. On y croise les visages familiers de Brigitte Bardot, Coco Chanel et Bob Dylan, plusieurs images de mode réalisées dans des décors parisiens, rappelant le lien fort unissant le photographe et la capitale française, et même un autoportrait. Directeur de la photographie de la galerie, Joshua Chuang s’arrête sur trois de ces clichés majeurs, dont le célèbre Dovima with elephants (1955), longtemps considéré comme la photographie de mode la plus chère de l’histoire. En 2020, l’œuvre était en effet adjugée 1,8 million de dollars à la maison Christie’s New York.
1. “Dovima with elephants”, la photographie de mode qui a marqué l’histoire
“C’est une image tout en contrastes inhabituels. Au milieu et au premier plan apparaît Dovima (née Dorothy Virginia Margaret Juba), née à Jackson Heights dans le Queens [New York], qui était à l’époque l’une des mannequins les mieux payées du monde. Elle porte ici une luxueuse robe du soir Christian Dior, dessinée par son protégé de dix-neuf ans, Yves Saint Laurent. Les bras grand ouverts, elle adopte une pose de danseuse gracieuse, debout sur la paille au milieu d’éléphants massifs dont elle semble presque guider les mouvements. Richard Avedon était un maître de l’inattendu. À ce moment précis, il a utilisé son instinct impeccable pour créer un classique instantané, et l’une des photographies de mode les plus iconiques de l’histoire.”
2. Le dernier portrait de Charlie Chaplin
“Richard Avedon a presque toujours intitulé ses clichés d’après le jour et l’année exacts de leur réalisation, hyper conscient qu’il immortalisait un moment dans l’histoire. Dans le cas de ce portrait de Charlie Chaplin, la datre est d’autant plus importante qu’elle était celle de sa toute dernière journée sur le sol américain. Après avoir laissé sans réponse nombre d’invitations à le photographier, la star du cinéma a appelé Avedon un jour, de nulle part, pour lui demander de tirer son portrait. Voici ce que le photographe en a dit :
“J’ai pris ces images presque comme si je faisais une photo pour un passeport. À la fin de la séance, Charlie Chaplin m’a demandé : ‘Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous?’. Il a baissé la tête hors du cadre, et s’est relevé en fronçant furieusement les sourcils, ses doigts dressés sur la tête pour mimer des cornes. Puis il a dit : ‘Non, non, je veux le refaire.‘ Il s’est baissé à nouveau, et s’est relevé en riant. C’était fini. J’ai pris la photo. Le lendemain, j’ai entendu à la radio que Chaplin avait quitté les États-Unis pour s’installer en Suisse. Il rencontrait alors toutes sortes de problèmes en Amérique, notamment à cause du sénateur McCarthy et sa chasse aux sorcières anti-communiste. Il s’était caché dans mon studio puis avait embarqué sur un bateau, hors du périmètre du gouvernement et de la presse américains. Ce portrait, c’était son message à l’Amérique : ‘Regardez le diable que je suis‘.”
3. Un portrait brut de l’ouest américain
“À la fin des années 70, Richard Avedon, alors le photographe le plus célèbre de son époque, s’est lancé dans l’un des projets personnels les plus ambitieux de sa carrière. Pendant six étés consécutifs, lui et son équipe d’assistants ont voyagé dans le mythique ouest américain, à la recherche de sujets ordinaires qui, en réalité, étaient bien loin de l’ordinaire. Travaillant à l’extérieur, exclusivement en lumière naturelle et avec un appareil grand angle, il a enregistré des éléments de leurs vies avec une clarté surprenante devant un arrière-plan blanc et dépouillé. Parmi le millier de personnes photographiées, il y avait cette fille de douze ans, Sandra Bennett, qu’il avait repérée à une fête de village dans le Colorado rural. Elle a depuis été choisie pour faire la couverture de son livre In the American West, paru en 1985.”
“Iconic Avedon. A Centennial Celebration of Richard Avedon”, jusqu’au 2 mars 2024 à la galerie Gagosian, Paris 8e.