9 juin 2022

Plongez dans le pavillon sacré de l’artiste Theaster Gates pour la Serpentine Gallery

Il y a un peu plus d’un an, la Serpentine Gallery révélait que Theaster Gates serait à l’origine de son 21e pavillon d’été, structure éphémère installée depuis 2000 pendant quatre mois dans les Kensington Gardens de Hyde Park, à Londres. Le plasticien afro-américain, connu pour ses œuvres engagées mais également ses initiatives urbaines œuvrant pour la démocratisation de l’art dans les quartiers populaires, inaugurait ce mercredi 8 juin son projet baptisé Black Chapel, un édifice minimal, sombre et cylindrique inspiré par son rapport au sacré et son sens de la communauté.

Une rencontre au sommet entre trois figures majeures de la création contemporaine avait lieu ce mercredi 8 juin à Londres, dans les Kensington Gardens du très touristique Hyde Park : le curateur star Hans Ulrich Obrist, l’architecte Sir David Adjaye et l’artiste Theaster Gates étaient tous réunis pour échanger autour du pavillon éphémère imaginé par ce dernier pour la Serpentine Gallery et dévoilé le jour même. Immédiatement, la nouvelle création de Theaster Gates se distingue de la verdure environnante par sa façade épurée et sombre : un cylindre vertical en bois noir, traversable par deux ouvertures rectangulaires en enfilade, prolongées sur l’herbe par un chemin de la même couleur ébène.



Une fois passé cet extérieur légèrement intimidant, c’est en pénétrant l’intérieur du pavillon que l’on découvre toute la magie du projet de l’artiste afro-américain, baptisé justement Black Chapel pour en souligner la dimension sacrée. Au sein de ce cylindre, sept panneaux de taille identique s’alignent en épousant la courbure de l’édifice. Réalisées à base de goudron, les peintures inédites de l’artiste rendent hommage à son père couvreur, dont il a repris ici l’une des techniques qu’il lui a transmises : au fil des toiles se décline un motif de briques blanc écru, dont la clarté contraste avec le décor obscur qui les entoure. Afin d’en faire l’expérience dans des conditions optimales, Theaster Gates a aménagé une ouverture circulaire au centre du plafond du pavillon, qui baigne ces œuvres de la lumière naturelle. “J’ai toujours voulu construire des espaces dont la force émotionnelle permet d’entrer dans un moment de profonde réflexion et/ou de profonde participation”, déclarait le plasticien en février dernier, alors qu’il dévoilait les premières images de son projet.

Serpentine Pavilion 2022 designed by Theaster Gates © Theaster Gates Studio. Photo: Iwan Baan. Courtesy: Serpentine.

Accompagné et conseillé par le célèbre architecte britannique d’origine ghanéenne David Adjaye et son agence Adjaye Associates, et soutenu par la banque Goldman Sachs – qui participe à la production des pavillons de la Serpentine depuis huit ans –, Theaster Gates a pu construire un projet suivant ses grands principes directeurs : la récupération de matériaux déjà utilisés et de fragments issus d’œuvres précédenets pour construire un nouvel espace qui permettra à des groupes de personnes de se réunir et d’échanger. Point d’orgue du projet, et pas des moindres : la présence à l’entrée du bâtiment, sur l’herbe, d’une cloche récupérée de l’église Saint Laurence bâtie au début du 20e siècle dans le sud de Chicago – ville d’origine et de résidence de l’artiste afro-américain dans laquelle il s’est énormément impliqué sur le plan urbain, notamment à travers la réhabilitation complète d’un quartier défavorisé pour y créer un lieu d’échange et de culture. En 2014, ladite église avait été démolie pour prévenir des éventuels dangers liés à sa dégradation progressive, fautes de fonds injectés par la ville dans sa restauration.

 

Trouvant désormais une nouvelle vie outre-Altantique, la cloche de Saint Laurence servira à annoncer aux visiteurs du parc les événements qui animeront l’activité du pavillon jusqu’à la mi-octobre : concerts de piano ou de musique expérimentale improvisée, de jazz avec l’artiste Moses Boyd ou de classique avec la chorale de l’oratoire de Londres, jusqu’à une conférence sur l’histoire de la cérémonie du thé au Japon par la spécialiste du domaine Keiko Uchida, auront lieu au fil de l’été dans cet espace éphémère que Hans Ulrich Obrist et Bettina Korek, respectivement directeur artistique et directrice générale des Serpentine Galleries, décrivent comme “une plateforme ouverte à la participation, aux performances live, avec un accent tout particulier sur la musique, l’engagement du public, les rituels et l’intensité du vivre-ensemble”. Accessible au public à partir du vendredi 10 juin, la chapelle noire de Theaster Gates affirme aussi la volonté d’ouverture et de transversalité de la Serpentine Gallery, qui a plus souvent fait appel à des architectes qu’à des plasticiens pour réaliser ses pavillons annuels. En définitive, ce qui compte est avant tout l’impact émotionnel et esthétique sur les visiteurs. Comme le résume bien Yesomi Umolu, directrice des publics et projets curatoriaux de l’institution londonienne, cette “chambre sainte” invite “à se perdre dans les échos des voix et des instruments. Dans ces temps difficiles, elle offre un moment de contemplation ou d’éveil dont l’expérience, qu’elle soit individuelle ou collective, est plus nécessaire que jamais.”

 

 

Theaster Gates, “Black Chapel”, pavillon éphémère de la Serpentine Gallery, présenté du 10 juin au 16 octobre à Hyde Park, Londres.