19 oct 2022

Paris+ par Art Basel : 8 stands à visiter absolument

Ce jeudi 20 octobre, la foire Paris+ par Art Basel ouvrait les portes de sa première édition au Grand Palais Ephémère, où elle se tiendra jusqu’à dimanche. Un rendez-vous majeur de l’art contemporain porté par plus 156 galeries participantes, entre leaders incontournables du marché et scène émergente. Au sein de cette offre foisonnante, Numéro vous guide vers huit stands à voir absolument.

1. L’odyssée onirique de la galerie Mendes Wood DM

 

 

Une ode poétique à la nature et au rêve attend le visiteur du stand de Mendes Wood DM. Pour cette première édition de Paris+, la galerie fondée à São Paulo désormais aussi basée à New York et Bruxelles, présente un espace divisé en deux parties : à l’entrée, on découvre une douce composition florale sur toile de Matthew Lutz-Kinoy, une sculpture abstraite bleue et grise du Britannique Michael Dean, réalisée à partir de sable et de ciment, ou encore une scène sombre et onirique peinte par le jeune artiste Pol Taburet représentant des paires de jambes perchées sur des talons aiguilles. Il faudra dépasser cette introduction pour ensuite se plonger dans l’accrochage de dessins et peintures de Guglielmo Castelli, tous réalisés spécialement pour la foire. Passionné de théâtre et de littérature, l’Italien y déploie des “images mentales” nimbées de mystère, souvent nocturnes, et dépeintes dans des tonalités végétales et telluriques. Acteurs de ses scènes étranges, allant de la liesse collective d’un bal à la mélancolie de la solitude, leurs personnages voient leurs corps liquéfiés par le geste fluide de l’artiste, jusqu’à se fondre dans leur environnement onirique.

 

 

Stand de la galerie Mendes Wood DM, A18. 

Lily van der Stokker, “Retro Kitchen” (2021 – 2022). Photo: Rob Harris – Camden Art Centre. Courtesy the artist and Air de Paris, Romainville

2. Un récit tendre et engagé à la galerie Xippas

 

 

Dans la dernière antenne de la foire baignée de lumière, bienveillance et tendresse émanent de l’espace de la galerie Xippas. Un arc-en-ciel déployé sur des cartons apparaît derrière cinq écrans verticaux où l’artiste française Bertille Bak projette son film Mineur Mineur. Entre Madagascar, la Bolivie ou l’Inde, la trentenaire y met en relief la condition des enfants travailleurs exploités dès leur plus jeune âge à travers un scénario poétique et choral, entre réel et fiction. Filmés chacun dans des environnements différents, les jeunes protagonistes du film quittent progressivement leurs domiciles précaires respectifs et s’équipent de lampes frontales pour parcourir des cavités imaginaires, traverser des trappes et des trous dans les murs, avant de se réunir dans un refuge secret commun au-delà des frontières géographiques qui les séparent. Réalisé en France et à distance en raison de la pandémie pendant la résidence de l’artiste à la Collection Pinault à Lens, le projet apporte une respiration bienvenue dans la visite de la foire tout en alertant sur une réalité sociale universelle.

 


Stand de la galerie Xippas, E11.

Bertille Bak, “Mineur Mineur” (2022). La Criée. Courtesy galerie Xippas.

3. Un théâtre domestique et absurde chez Air de Paris

 

 

Difficile de passer à côté de la cuisine factice habillée de fleurs, carreaux vichy et agrémentée de marmites géantes présente au fond du stand de la galerie Air de Paris. Toute en couleurs pastels, cette installation grandeur nature semblant directement sortie d’un dessin animé ou d’un jeu pour enfants schématise l’environnement dans lequel les femmes au foyer ont été confinées pendant des siècles par leur condition sociale, actualisé discrètement avec un humour grinçant. Sur le côté droit de la structure, une petite pancarte avec les mots “don’t like pandemics” renvoie à la période de confinement, durant laquelle la vie domestique est revenue par la force des choses au cœur du quotidien des individus du monde entier. Afin d’accompagner l’ambiance sarcastique et légèrement dérangeante installée par l’artiste néerlandaise, la galerie parisienne présente, entre autres, au sol de son stand une main géante en résine de l’artiste Ingrid Luche, ou encore des céramiques du duo de dessinateurs Mrzyk & Morceau – une moule cigarette au bec ainsi qu’une patte de poulet rose pâle –, qui finissent de faire de cet espace le théâtre d’un récit ouvert confinant vers l’absurde.

 

 

Stand de la galerie Air de Paris, B17.

Vue du stand de la galerie Anne Barrault avec l’œuvre de Liv Schulman, “Brown, Yellow, White and Dead Dead” (2022). © Photo : Courtesy of Paris+ par Art Basel

4. Une scène de tournage abracadabrante chez Anne Barrault

 

 

Si Liv Schulman s’est distinguée depuis une dizaines d’années par son travail de vidéaste, l’artiste argentine basée à Paris a aussi pour habitude de prolonger ses films dans les environnements qui les accueillent. Sa proposition sur le stand de la galerie Anne Barrault ne fait pas exception. Entre les cimaises peintes en vert pastel, les tabourets colorés en papier mâché, matelas teintés à la javel et autres objets en résine disposés sur le sol granuleux du Grand Palais Ephémère révélé par le retrait de sa moquette, l’installation de l’artiste se fait l’extension matérielle du film Brown, Yellow, White and Dead Dead qu’elle projette dans ce décor. Deuxième saison d’une mini-série entamée lors du confinement, cette production audiovisuelle met en scène des acteurs, scénaristes et producteurs réunis dans un parking pour tourner un film. Mais alors que des scènes étranges se produisent, entre un personnage avalant une matière visqueuse au sol avant de la régurgiter ou une autre prise d’excès de folie, cette mise en abyme du cinéma se mue vite en séquence dérangeante et irrationnelle, dont les dialogues délibérément décousus traduisent les questionnements contemporains d’une génération autour de la masculinité ou encore la tyrannie du bien-être.

 

 

Stand de la galerie Anne Barrault, C4.

Vue du stand de la galerie Efremidis avec l’installation de Hannah Sophie Dunkelberg.

5. Une scène surréaliste chez Efremidis

 

 

Un cheval en bois orange est allongé sur des poufs cubiques recouverts d’imprimés floraux. La scène étonnante à l’avant-poste du stand de la galerie berlinoise Efremidis dans le secteur dédié aux galeries émergentes est signée par la jeune artiste allemande Hannah Sophie Dunkelberg. L’équidé, symbole historique de pouvoir et conquête dans les sculptures publiques, se voit ici dénué de sa superbe, littéralement épuisé par des siècles de représentations triomphantes aux quatre coins de la planète et tranposé dans la frivolité et la douceur d’un décor kitsch. Derrière cette installation, la plasticienne présente également trois lustres où des globes en verre coloré se voient suspendus à des structures métalliques tranchantes évoquant des menottes, ainsi que des paysages émergeant en relief de compositions de surfaces lisses et réfléchissantes aux airs de peintures. Mais il n’en est rien : derrière ces formes léchées se cache en réalité une pratique très artisanale, où l’artiste grave dans le bois les formes dans lesquelles elle moulera ensuite sa matière plastique. Entre sculpture et design, ses créations détournent l’expérience du domestique par la subversion des objets et leur association inattendue, faisant de ses œuvres les composantes d’un conte surréaliste.

 

 

Stand de la galerie Efremidis, C11.

Vue du stand de la galerie Buchholz avec des œuvres de Lutz Bacher, Anne Imhof. Courtesy Galerie Buchholz. Photo : Timo Seber.

6. Un éloge à la mémoire et à l’apparition chez Buchholz

 

 

Référence de l’art contemporain en Allemagne mais aussi à New York, la galerie Buchholz a fait le choix d’un espace épuré articulé autour de l’effacement et de la trace. Si la large toile noire d’Anne Imhof d’où émerge une lueur semblable à une auréole boréale ou une apparition surnaturelle attire immédiatement l’œil du visiteur, on repèrera également les lignes vertes évanescentes dessinées par Isa Genzken à l’aérographe sur le fond gris d’une toile, des photographies d’Alvin Baltrop, réalisées durant les années 80 dans les friches de New York où avaient lieu des rencontres homosexuelles clandestines, ou encore une sculpture de la mystérieuse artiste Lutz Bacher, assemblage d’appareils photos et caméras obsolètes et de leurs étuis accroché sur le mur. Mais les plus grands trésors de ce stand seront sans doute les collages réalisés par Richard Hawkins il y a une trentaine d’années, à l’aube de sa carrière. Sur des feuilles de papier journal, le peintre américain déploie dans de longues lignes de texte ses pensées, entre doutes, angoisses et fantasmes, mêlées à des illustrations et Polaroïds de pornographie gay, dont la circulation et la diffusion était encore très rare et taboue à l’époque.

 

 

Stand de la galerie Buchholz, A13.

Vue du stand de la galerie François Ghebaly avec des œuvres de Farah Al Qasimi et Neil Beloufa.

7. Technologies, médias et consumérisme chez François Ghebaly

 

 

Un homme photographié absorbé dans son téléphone sur un cliché imprimé grandeur nature fait écho à la silhouette colorée de la femme représentée sur la toile accrochée à sa droite, assise en train de consulter sa tablette numérique. Respectivement réalisées par Farah Al Qasimi et Neil Beloufa, ces deux œuvres présentées par la galerie François Ghebaly annoncent un stand centré notamment sur de la relation contemporaine – voire addictive – de l’être humain aux nouvelles technologies et le consumérisme dont elles sont vectrices, que celui-ci soit matériel ou simplement visuel. La première, photographe d’origine émiratie émigrée aux États-Unis, déploie une pièce composite mêlant tirage encadré, papier-peint et vidéo diffusée par un écran, qui invite dans les méandres d’un monde saturé d’images. Connu quant à lui pour ses sculptures, films et installations explorant les machines et les nouvelles technologies, Neil Beloufa, présente ici un nouveau pan de sa pratique entamée pendant la pandémie : un assemblage en cuir bluffant où la scène définie par les couleurs et les coutures rencontre un autre dessin, émergeant quant à lui des jeux de reliefs générés dans la matière. Derrière ces pièces, la galerie présente notamment deux grandes peintures à l’aérographe de Sayre Gomez, mêlant slogans publicitaires, produits d’entretien ou encore livres pour enfants comme archétypes de la société de consommation moderne.

 

 

Stand de la galerie François Ghebaly, F22.

Vue de l’installation de Josèfa Ntjam sur le stand de la galerie Nicoletti.

8. L’Atlantide engagé de Josèfa Ntjam chez Nicoletti

 

 

Profondeurs sous-marines et afrofuturisme se rencontrent dans l’installation de Josefa Ntjam sur le stand de la galerie Nicoletti. Pour Paris+, l’artiste française présente une série de photomontages et papiers-peints aux couleurs séduisantes, ainsi que deux sculptures composites imprimées en 3D, mêlant résine transparente et céramique brune. À travers les images saturées d’éléments aquatiques et microscopiques translucides, on discerne les visages de figures majeures de la lutte antiraciste et du “Black Power”, des rappeurs afro-américains Tupac Shakur et The Notorious B.I.G. aux activistes Angela Davis et Assa Traoré, autant que des photographies d’archives de manifestations et des clichés des sculptures de l’artiste. L’ensemble d’œuvres exposé ici s’inspire notamment du mythe imaginé par le groupe Drexciya, duo de musiciens phare de la scène techno de Detroit des années 90, qui a imaginé l’existence d’une Atlantide noire issue des crimes réalisés pendant la traite négrière. Des femmes esclaves enceintes jetées dans l’océan par leurs marchands pendant ses traversées maritimes seraient nés des êtres hybrides proches des divinités, à l’image des deux sculptures aux airs de totems que l’on retrouve chez Nicoletti, mêlant masques africains, tentacules et pattes de fauves.

 

 

Stand de la galerie Nicoletti, C14.