Paris Gallery Weekend : la psychanalyste Dorith Galuz dévoile son parcours artistique dans la capitale
En 2014, la galeriste Marion Papillon initie le Paris Gallery Weekend, un parcours sur plusieurs jours guidant les visiteurs au sein des galeries d’art parisiennes. Le projet se renouvelle plusieurs fois par an et propose désormais 7 parcours originaux par quartiers et animés par des rencontres, vernissages, goûters et autres événements conviviaux. Pour sa nouvelle édition du 3 au 6 juin prochains, le Paris Gallery Weekend invite des acteurs du monde de l’art à raconter au fil d’un texte leur parcours personnel au sein de cette nouvelle programmation, publié chaque jour par Numéro jusqu’à l’événement. Aujourd’hui, découvrez la visite de la psychanalyste et collectionneuse Dorith Galuz.
Par Dorith Galuz.
Après ces mois de fermeture pour cause de “culture non essentielle”; quel plaisir de retrouver le chemin des galeries. Le parcours Beaubourg-Saint Paul est foisonnant de diversité entre peinture figurative, peinture abstraite, vidéos et installations. Parmi les expositions remarquées je citerais celles du dialogue entre Anna-Eva Bergman et l’artiste géorgienne Vera Pagava cultivant “l’art d’abstraire”.
Repérer les manques, l’absence. Les mettre en lumière. C’est le travail des deux artistes qui m’ont le plus marquée. Et que j’ai eu le plaisir de rencontrer ! Des travaux qui n’ont rien à voir formellement, pourtant.
À la galerie Anne Barrault, une découverte : une jeune artiste Euridice Zaituna Kala, née au Mozambique et qui vit en France. Elle me parle de certaines de ses pièces de la série Je suis l’archive, résultat d’une résidence de recherche sur le fonds photographique Marc Vaux, photographe des peintres de Montparnasse. En parcourant ce fond, elle pense y trouver des figures familières, Joséphine Baker, James Baldwin…mais si peu. Elle repère alors l’exclusion de ces hommes noirs et femmes noires qui sont absents dans les archives alors qu’ils étaient présents à l’époque. A l’aide de panneaux de métal et de verre sur lequel elle a inséré des images, des dessins, des écritures, elle a composé un nouveau document. Un autre récit plus intime, subjectif comportant des traces du négatif. Et très émouvant.
Un coup de cœur pour une nouvelle exposition de Cally Spooner à la galerie GB Agency. Son travail n’est pas une découverte pour moi, plutôt une confirmation de la continuité de son exploration et de son analyse très fine de ce que vivent ces “corps du XXIe siècle” sous la pression, les attentes et les injonctions sociétales. Au centre de l’exposition un film qui capture la chorégraphie d’une danseuse et d’un cinéaste dans un état d’intense activité et d’attente. Un bip violent ponctue le temps qui passe et le son de leurs corps essoufflés et contraints. Sur des socles, des poires fraîches évitent consciencieusement leur propre mortalité.
Ce que Cally Spooner nous amène à ressentir à travers ce dispositif c’est cette “part cadavérique” où on ne reconnaît plus la limite entre ce qui est vivant et mort. A travers sa vidéo d’une performance, l’installation de ces poires sur un socle, ses dessins, l’artiste nous parle de cette “folie performative” perpétuelle que nous sommes amenés à vivre en tant qu’individu. De ce désir de perfection qui nous maintient à la fois en apnée et essoufflés (cf: la performance), qui nous fige dans cet objectif (que peut être aussi le selfie), et empêche tout ressenti, toute transformation et forme en nous des trous, des trous vides…de vie !
Ainsi dans Still Life, une performance, accomplie par le collectionneur qui doit prendre soin de toujours avoir sur ce socle blanc trois poires toujours “parfaites”, sans aucune tache, aucun aspect de vieillissement ; une nature…morte. Une action assez simple mais qui va amener le collectionneur à vivre l’excès de ce temps pris à observer et maintenir cette apparence toujours fraîche…Ce qui me touche particulièrement dans le travail de Cally Spooner, c’est sa capacité à nous faire ressentir ces “temps morts”, cet insupportable d’une agitation permanente, ces tentatives de reprendre notre souffle, d’une préoccupation obsessionnelle de la représentation, de l’image…d’où la vie s’absente. Une exposition à voir mais, surtout, à ressentir !