PAD Paris 2024 : de Bijoy Jain à Béatrice Serre, qui sont les grands lauréats de l’année ?
De retour du 3 au 7 avril au jardin des Tuileries, le PAD célèbre, comme chaque année, l’art et le design historique comme contemporain à travers une riche sélection de galeries et de pièces, et départage parmi elles les lauréats de ses trois prix. Focus sur les grands gagnants de cette nouvelle édition du salon, d’une chaise signée Bijoy Jain aux mosaïques de Béatrice Serre exposées par la galerie Gastou.
Par Matthieu Jacquet.
À la galerie Gastou, un voyage dans le cosmos avec les mosaïques de Béatrice Serre
Un mystérieux temple a pris place au milieu du PAD, sur le stand de la galerie Gastou. Au cœur d’une petite colonnade circulaire, une sculpture aux airs de cristal à hauteur d’homme réfléchit une lumière blanche éclatante grâce à ses facettes en miroirs. Intrigué, le visiteur ne peut que s’approcher, et découvre sur des présentoirs les nouvelles œuvres de Béatrice Serre : trente boîtes carrées argentées dont les couvercles ont été ornés d’une pierre précieuse, prolongeant cette sensation d’émerveillement.
Depuis plusieurs décennies, la mosaïste française regarde aux quatre coins du monde pour y récupérer les minéraux les plus exceptionnels qui composeront ses créations. En puisant dans son immense gypsothèque, elle a réalisé pour le PAD ces trente boîtes à bijoux – clin d’œil à ses trente années de création artistique – en argent massif, sur lesquelles elle a fixé une pierre différente, entre turquoise, lapis-lazuli, cuivre ou encore météorite… Autour d’elles, Béatrice Serre a incrusté des fragments d’or, d’opale, d’agate ou encore d’émaux, suivant de minutieuses techniques de découpe et d’assemblage empruntées aux Grecs de l’Antiquité ou aux Byzantins. La pierre centrale s’apparente ainsi à une planète en train de diffuser ses rayons dans un ciel miroitant, rendant l’extérieur de la boîte tout aussi précieux que les trésors qu’elle contiendra.
Récompensé par le prix du stand, l’impressionnante installation conçue par Joy Herro pour accueillir le travail de Béatrice Serre fait écho à la première exposition personnelle de cette dernière dans l’adresse parisienne de la galerie Gastou. Jusqu’au 5 mai, la mosaïste y présente pièces de dimensions parfois bien plus monumentales que celles du PAD, qui déploient sur les murs leurs multiples couleurs et lumières et immergent dans une véritable galaxie.
La roche à l’état brut avec le fauteuil de Bijoy Jain
Pour encore quelques semaines, la Fondation Cartier accueille l’exposition de l’architecte et designer Bijoy Jain et son Studio Mumbai, qu’il a fondé en 1996. Un espace de création ouvert et transversal en plein cœur de la mégapole indienne, dont l’institution d’art contemporain retranscrit à Paris toute la diversité et la richesse : chaises en bois et fils de soie tissés, vases et assises en céramique, structures à base de briques ou de branches de bambou, inspirées de monuments funéraires… Parmi ce vaste panel exposé en son sein, l’artiste démontre également son vif intérêt pour la pierre, à partir de laquelle il réalise des stèles, de petites sculptures à l’effigie d’animaux, mais aussi des sièges, comme celui que l’on découvre sur le stand de la galerie bruxelloise Maniera.
Récompensé par le prix du design contemporain, ce fauteuil en grès réalisé en 2019 séduit par l’apparente simplicité de sa forme circulaire : le dossier se prolonge naturellement dans les deux accoudoirs, qui reposent eux-mêmes sur deux pieds et forment avec eux un cylindre ergonomique. Avec sa texture granuleuse et sa couleur gris clair, l’objet reste proche du rocher d’origine, respectant les volontés de Bijoy Jain et son atelier : utiliser des techniques ancestrales et manuelles en faisant attention à ce que l’intervention de l’humain reste la plus discrète possible, préservant l’émotion et la sensation provoqués par l’appréhension du matériau naturel. Présenté ici aux côtés d’assises et tables d’appoints dans un décor d’apparence domestique, ce meuble unique saura aussi tout à fait s’adapter à l’extérieur : plus que toute autre matière, la pierre a l’avantage de résister aux intempéries.
Un autre regard sur le mouvement Arts and Crafts à la galerie HP Le Studio
Fort de la présence de plusieurs galeries dédiées au mobilier ancien, le PAD invite chaque édition à un voyage dans le temps qu’il souligne notamment avec son prix du design historique, cette année remis à la galerie HP Le Studio. Ici, direction l’Angleterre de la fin du 19e siècle et tout particulièrement l’apogée du mouvement Arts and Crafts, à travers une sélection de chaises, de tables et tabourets et de luminaires réalisées entre 1895 et le début de la Seconde Guerre Mondiale. Mais si l’artiste et grand représentant du mouvement William Morris défendait le travail de la main et des matériaux naturels en réaction à l’industrialisation massive de la société, les créations réunies ici intègrent discrètement à ces principes des innovations de leur époque.
“En présentant ces pièces, j’ai souhaité montrer combien des artistes se réclamant du mouvement Arts and Crafts ont su allier la tradition anglaise et le style international moderne pour créer des propositions extrêmement innovantes, qui ont marqué le passage entre les deux siècles”, nous explique Marc-Antoine Patissier, directeur de la galerie. En attestent les quatre lustres illuminant le stand de leur lumière tamisée, réalisés par Arthur A. Dixon aux alentours de l’an 1900. Composés de trois lampes aux airs de clochettes soutenues par une suspension aux formes d’arabesques ou de plantes grimpantes, ces créations en laiton frappent par leur teinte dorée et leurs lignes douces et élégantes. Représentant de Birmingham Guild of Handicraft, école artistique formée dans la ville éponyme dans la lignée des Arts and Crafts, le designer a travaillé le métal sans utiliser la machine, respectant ainsi la devise de son groupe : “By hammer and hand” (“à l’aide du marteau et de la main”).
PAD Paris, du 3 au 7 avril 2024 au jardin des Tuileries, Paris 1er.