3 juil 2023

Md Fazla Rabbi Fatiq, le jeune photographe qui cherche le beau dans son frigo

Md Fazla Rabbi Fatiq a fait sensation lors du récent Dhaka Art Summit avec ses clichés surréalistes de ponts inachevés ou abandonnés. Finaliste du Prix Découverte Louis Roederer 2023, le jeune photographe bangladais présente aux Rencontres d’Arles sa série Home réalisée avec un simple iPhone, dans un quotidien sublimé où le banal se révèle aussi surprenant que fascinant.

Chaque année, le prix Découverte des Rencontres d’Arles dévoile de nouveaux photographes, souvent loin des critères et des visions occidentales que nous connaissons depuis longtemps, trop longtemps ? Cette année, la commissaire invitée Tanvi Mishra présente une sélection sous le signe de la diversité : “Mon souhait était une liste qui reflète la diversité à tous points de vue, aussi bien régionale que nationale, mais aussi en termes de sexe, d’âge, de classe, d’expérience et de langage visuel. Nous avons voulu encourager l’inclusion même si bien sûr, il reste encore pas mal de progrès à faire sur plusieurs plans, notamment pour garantir un accès à différentes classes sociales et à des auteurs sans distinction de genre.” La commissaire indienne a ainsi sélectionné dix photographes originaires de l’Inde, du Koweit, d’Égypte, de la Jamaïque, du Vietnam, d’Espagne, de l’Équateur et un Français résidant en Inde, ainsi qu’un Bangladais, Md Fazla Rabbi Fatiq, récompensé cette année par le prix de la Samdani Art Foundation lors du célèbre Dhaka Art Summit.

Né en 1995 à Comilla, à 100 km au sud-est de Dhaka, la capitale du Bangladesh, pays qui à l’instar de son voisin indien, a une culture photographique importante avec des artistes comme Golam Kasem Daddy, Manzoor Alam Beg, Anwar Hossain, Sayeeda Khanam, Rashid Talukder, Nasir Ali Mamun, Shahidul Alam et bien d’autres. Dans sa série Home, présentée à l’église des Frères Prêcheurs, Md Fazla Rabbi Fatiq, qui a découvert la photographie avec son iPhone, présente un travail sur le confinement : “J’ai commencé la série au début de la pandémie de Covid-19 en 2020, explique-t-il, lorsque le premier confinement a été annoncé au Bangladesh. C’était une période marquée par la peur et les nouvelles de décès tous les jours. Comme tout le monde, je suis resté enfermé chez moi pendant deux mois. Deux pièces, avec un balcon et un toit, ça se limitait à ça. Je prenais des images de différents lieux, objets, ou reliefs de la maison. Avec l’isolement, l’espace autour de soi devient très limité et nous amène à expérimenter les choses différemment. En ce qui me concerne, j’en suis venu à observer mon environnement, j’ai commencé par remarquer des objets sur la table de la cuisine, à l’intérieur du réfrigérateur, depuis la salle de bain jusqu’au balcon.”

Muni de son iPhone, le photographe sublime son quotidien et nous fait voyager autour de sa chambre. Avec peu de moyens et des objets banals, il crée des paysages texturés et des natures mortes surréalistes. Il va jusqu’à sonder son réfrigérateur comme un explorateur lors d’une mission polaire. Le ciel bleu peut apparaître ainsi que quelques fleurs. Une goutte de lait éclatée ou la pulpe d’un pamplemousse sont autant de métaphores du virus qui a immobilisé le monde. Mais la mort n’est jamais loin avec ces viscères d’animaux ou cet œil de poisson…

 

Md Fazla Rabbi Fatiq fait partie des dix finalistes du prix Découverte Louis Roederer. Son travail est exposé du 3 juillet au 24 septembre 2023 à l’Église des Frères-Prêcheurs dans le cadre des Rencontres d’Arles.