11 juil 2019

Les spectres lumineux de l’artiste Olafur Eliasson à la Tate Modern

La nouvelle rétrospective d’Olafur Eliasson à la Tate Modern célèbre cet artiste danois d’origine islandaise dont les œuvres sculptent la lumière. Avec plus d’une quarantaine de productions, historiques et récentes, Olafur Eliasson dévoile à Londres comment l’art et les science cognitives s’unissent pour faire émerger le sublime. À voir jusqu’au 5 janvier 2020.

Olafur Eliasson, “Beauty” (1993), Projecteur, eau, buse, bois, tuyau, pompe, dimensions variables. Courtesy de l’artiste, neugerriemschneider, Berlin, Tanya Bonakdar Gallery, New York/Los Angeles / © 1993 Olafur Eliasson / Photo : Anders Sune Berg

Il est étrange de constater combien une œuvre peut parfois perturber nos habitudes de perception. C’est sans doute sur ce bousculement visuel qu’Olafur Eliasson mise. L’artiste danois d’origine islandaise présente à la Tate Modern sa dernière exposition In Real Life, réunissant quarante de ses œuvres emblématiques. Poursuivant une quête esthétique alimentée par ses découvertes propre aux sciences cognitives (l’étude de la perception), les œuvres d’Olafur Eliasson (tunnels de miroirs, verres colorés, projections lumineuses, fontaine renversées, spectres de lumière…) constituent des jeux sur les propriétés des matériaux que l’artiste manie, entre geste artistique et prototype scientifique.

Olafur Eliasson, “Din blinde passager” [“Votre passager aveugle”] (2010), Lampes fluorescentes, lampes à induction, machine à fumée, ventilateur, bois, aluminium, métal, tissu, feuille en plastique, dimensions variables. Courtesy de l’artiste, neugerriemschneider, Berlin, Tanya Bonakdar Gallery, New York/Los Angeles / © 2010 Olafur Eliasson / Photo : Thilo Frank / Studio Olafur Eliasson

Est-ce qu’un phénomène météorologique a déjà changé le cours de votre vie drastiquement ?”, avait-il demandé en 2003 aux employés de la Tate dans un questionnaire. C’est à partir de ces interrogations que l’artiste développe la même année son installation The Weather Project, reproduction d’un coucher de soleil dans l’espace imposant de la Turbine Hall (35 mètres de hauteur, 155 de longueur pour 23 de largeur), machine à blockbuster de l’art. Âgé de 36 ans à l’époque, c’est par cette œuvre monumentale, où le bouleversement sensationnel se confondait avec l’esthétique, que l’artiste se consacre au public londonien.

La question de la perception de la couleur par l’œil est, depuis les découvertes de Darwin, un débat qui s’est invité dans l’art. Olafur Eliasson s’inscrit alors dans une lignée d’artistes qui travaillent sur les capacités sensorielles de la couleur. Les peintres du siècle dernier, surtout les Pointillistes, revendiquaient déjà la pleine autonomie de la couleur sur la toile pour que le brassage optique s’effectue dans l’œil du spectateur. Ces découvertes des sciences cognitives ont nourri plus d’un siècle d’art, notamment avec l’Op Art puis l’art cinétique, desquels Olafur Eliasson serait un digne successeur. Avec ses disques de lumière et ses projections lumineuses, l’artiste poursuit une quête picturale qui le précède, en l’élevant à une dimension proche du sublime et de l’incommensurable.

Olafur Eliasson, “Big Bang Fountain” (2014), Eau, lumière stroboscopique, pompe, buse, acier inoxydable, bois, mousse, plastique, unité de contrôle, teinture, 165 x 160 x 160 cm. Courtesy de l’artiste, neugerriemschneider, Berlin, Tanya Bonakdar Gallery, New York/Los Angeles / © 2019 Olafur Eliasson / Photo : Anders Sune Berg

Défenseur des causes écologique et sociale – un philanthrope aguerri –, Eliasson a fait travailler pour ses œuvres à la Biennale de Venise de 2017 des réfugiés politiques et des migrants (pour ses Green Lights) et dirige l’un des studios d’art les plus conséquents de notre époque, comptant plus de 90 salariés. Artiste polymathique et nouveau patron de l’art, à la pratique se situant entre l’expérimental, le conceptuel, le social et l’éco-responsable, Olafur Eliasson nous emmène dans un monde de l’art sensible à l’individu, où la complexité scientifique d’une œuvre devient son seul attrait hypnotique. 

 

 

Exposition Olafur Eliasson : In Real Life, Tate Modern, Londres, jusqu’au 5 janvier 2020.

Vue de l’exposition “In Real Life” à la Tate Modern, Londres, 2019 avec l’oeuvre : Olafur Eliasson, “Eine Beschreibung einer Reflexion, oder aber eine angenehme Übung zu deren Eigenschaften” [“La description d’une réflexion ou, un exercice plaisant de ses qualités”] (1995), Projecteur, miroirs, feuille de projection, moteur, tripode, Dimensions variables. Collection Boros, Berlin / Photo : Anders Sune Berg