7 fév 2019

Les artistes de demain sont aux Arts-Déco : Hamid Shams et son installation ambigüe

Les élèves de l'École nationale supérieure des Arts Décoratifs se sont confiés à Numéro, entre craintes et rêves. Rencontre avec Hamid Shams qui transforme la backroom en œuvre d’art contemporain.

Par Laura Catz.

Hamid Shams

Matisse, Rodin, Jean-Paul Goude, Xavier Veilhan, Camille Henrot… De la scénographie au design, de nombreux artistes ont fait leurs classes à l’École nationale des Arts Décoratifs (EnsAD). Chaque année, ils sont 75 nouveaux élèves à intégrer la bâtiment de la rue d’Ulm, dans le 5e arrondissement parisien. Pour entrer aux Arts-déco, la sélection est drastique : seuls 5% des candidats sont retenus au concours d’accès. Les lauréats s’orientent alors vers l’une des dix spécialités proposées parmi lesquelles l’architecture d’intérieur, la mode, le cinéma d’animation, la vidéo ou encore la photographie.

 

En dernière année à l’EnsAD, Hamid Shams peut être fier de son palmarès. En 2018, il est sélectionné par Artagon, projet fondé en 2014 par Anna Labouze et Keimis Henni qui réunit chaque année de (très) jeunes artistes sélectionnés par un jury au sein d’écoles d’art internationales. L’Iranien a ainsi présenté son travail aux magasins généraux devant le galeriste Emmanuel Perrotin ou l’artiste Anne Imhof. Une opportunité qui lui permettra notamment de vendre une de ses œuvres…

 

Deux concepts intéressent Hamid Shams : la relation et la violence. Il précise : “La relation avec mon ex s’est terminée par sms, sans véritable, dialogue, ça a été très violent pour moi… J’aime donc créer des atmosphères esthétiquement attirantes, de beaux objets, parfois décoratifs ou carrément fétichistes pour aller plus loin et aborder des choses plus ‘dark’.” L’année dernière, lors de son exposition aux magasins généraux, il présente une installation performative inspirée des pratiques BDSM (Bondage, Discipline, Sado-Masochisme) : un sling – dispositif sexuel en cuir suspendu au plafond par quatre chaînes – recouvert d’une fausse fourrure. Hamid Shams transforme ainsi l’objet en accessoire domestique : “Il s’agissait de comprendre nos réactions face à un environnement particulier. Appréhender la distance, interpréter nos décisions, aborder nos inspirations…” souligne-t-il.

Hamid Shams

Sur le sol de la pièce, l’étudiant de cinquième année a installé du papier photographique afin d’imprimer l’intégralité des mouvements des visiteurs ainsi que les flashs de leurs appareils photos. Ces photogrammes d’un nouveau genre recouvrent des pissotières, lieu de drague traditionnel de la communauté homosexuelle : “Ici, l’objet usuel et sale devient une sculpture voire un artefact noble. À la place de l’urine, c’est de l’eau de rose qui coule sur la sculpture, la nettoie et la parfume”, confie-t-il.

 

Fils d’une psychologue et d’un chimiste, le jeune homme n’a pas évolué dans l’univers artistique. Il a seulement suivi sa passion pour le réalisateur iranien Abbas Kiarostami et le Français Alain  Guiraudie. Hamis Shams suit alors des études d’ingénieur, participe à des ateliers cinématographiques et suit les conseils de son mentor : le photographe allemand Wolfgang Tillmans. En France depuis seulement trois ans, l’étudiant suit des cours d’arts plastiques à l’université Paris VIII puis poursuit aux Beaux-Arts. Il a intégré les Arts-Déco en 4e année grâce à un système d’équivalence des cursus. Il explique : “J’étudiais aux Beaux-Arts et aux Arts-Déco en même temps. La charge de travail était trop importante. J’ai donc préféré l’EnsAD. J’y travaille notamment avec l’artiste Brice Dellsperger et la vidéaste Clarisse Hahn. Ici, les professeurs sont des artistes.”

 

À la question fatidique de la légitimité de l’art contemporain, Hamid Shams répond clairement : “Je me demande souvent pourquoi certains artistes sont totalement fake… Utiliser des sujets comme le féminisme ou la communauté LGBT simplement pour capter l’attention n’a aucun interêt. Mes projets sont très personnels, souvent c’est quasiment une thérapie.