L’avant-propos de Numéro art : l’exposition Des Corps Libres de Reiffers Art Initiatives
Thibaut Wychowanok, rédacteur en chef de Numéro art et commissaire de l’exposition Des Corps Libres du fonds de dotation Reiffers Art Initiatives réunissant 15 artistes de la jeune scène française au Studio des Acacias, revient sur la genèse du group show qui se tient du 5 au 28 mai à Paris.
Par Thibaut Wychowanok.
“Écrire c’est lever toutes les censures.”
Jean Genet
Dès la création de Numéro art, j’ai imaginé réunir un jour au sein d’une même exposition les artistes de la jeune scène française présentés dans les pages du magazine. C’est aujourd’hui une réalité avec l’exposition Des Corps Libres qui se tient au Studio des Acacias jusqu’au 28 mai grâce au Fonds de dotation Reiffers Art Initiatives et au soutien de la maison Gucci. Une quinzaine d’entre eux y sont rassemblés, de Pol Taburet, mis à l’honneur en couverture de ce numéro en tant que nouveau visage incontournable de cette génération, à Ymane Chabi-Gara (p. 166), en passant par Sara Sadik (p. 176). Rêvé, sexualisé, furieux, suggéré, vulnérable, hybride, fantasmé, fluide, puissant, trahi, révolté, spectral ou solitaire… le corps, dans ses différents états et comme épicentre des affects et du rapport au monde, est exploré dans cette exposition. Changeant et irréductible, le corps est informé et transformé par ses relations avec son environnement autant que par celui qui le regarde.
Le corps y sera parfois figuré, embrassant la question de sa représentation et de ses identités : Quel type de corps représente-t-on? Dans quel contexte? Avec quel regard? Le corps y sera aussi mutant puisque aucune loi ne s’applique à son écriture. Déconstruit, il peut se reconstruire, se fantasmer ou s’autogénérer au-delà des catégories humaines, technologiques, animales ou végétales. Sa matérialité pourra revêtir toutes les formes d’hybridation. Le corps y sera parfois spectral, souvent fluide ou simplement présent à travers ses traces et les objets qui lui sont liés et qui expriment d’autant plus forte- ment son rapport au monde. L’exposition est une invitation à explorer la possibilité d’un corps, singulier ou universel, qu’il soit évanescent, fantasmatique, digital, ancré dans notre monde actuel, science-fictionnel ou utopique. Du corps-objet au corps-sujet, du corps figuré à la trace d’un corps, du corps rêvé au corps avatar numérique, il s’agit non seulement d’écrire le corps sans censure, mais d’offrir la possibilité de porter un nouveau regard sur lui, en toute liberté.
“Des Corps Libres – Une jeune scène française”, du 5 au 28 mai, Studio des Acacias, Paris 17e.
Écrire un corps, l’inscrire dans une œuvre formelle, appelle à la levée de toutes les censures. C’est-à-dire non seulement à s’interdire tout interdit – le corps ne peut faire autrement que de s’écouter – mais plus encore à déconstruire ses représentations et ses perceptions normatives, sociales et historiques. Un corps libre n’est pas un corps affranchi de tout, mais un corps conscient et pensant ce tout (son état, son histoire et son contexte). Écrire l’exposition revient aussi à lever toutes les censures, et donc à inviter au plaisir et à l’exaltation du corps au-delà de la question morale, en acceptant de se confronter à ses ambiguïtés, à sa volonté de puissance, ses fragilités, ses perversités, ses révoltes, sa sensualité et ses trahisons.