L’artiste Ugo Rondinone interpelle les passants de l’avenue Matignon à Paris
Magicien des couleurs, l’artiste suisse Ugo Rondinone présente une nouvelle installation polychrome chez Kamel Mennour dans son adresse de l’avenue Matignon à Paris. Une œuvre ouverte sur la rue qui continuera de titiller la curiosité des passants jusqu’au 31 août 2021.
par Alexandre Parodi.
En longeant la très calme avenue Matignon, les flâneurs qui préfèrent les pavés parisiens au sable du littoral seront certainement saisis par la devanture de la galerie Kamel Mennour. À l’intérieur, un étrange mannequin de cire aux traits féminins, entièrement enduit de peinture prend la pose : assise une jambe repliée sous la fesse, cette femme nue regarde vers le sol avec un air pensif voire maussade. Pourtant, les couleurs qui l’entourent et la recouvrent annoncent plutôt la joie : jaune, bleu, rouge, rose, orange, vert et violet évoquent ensemble le nuancier d’un arc-en-ciel, symbole d’espoir après le mauvais temps. Intégrer de la gravité dans des installations aux tons naïfs, voilà tout l’art d’Ugo Rondinone. Profitant de la lumière estivale pour mettre en valeur sa création polychrome, l’artiste suisse présente jusqu’à la fin du mois A Rainbow. A Nud. Bright Light. Summer. (Un arc-en-ciel. Un nu. Une lumière vive. L’été.), un titre aussi minimaliste que poétique qui prend la forme d’une énumération des éléments de l’œuvre.
Une simple vitre sépare la sculpture polychrome d’Ugo Rondinone de la rue. Pourtant, entre l’une et l’autre, il semble y avoir un monde. Outre son utilisation merveilleuse des couleurs, le plasticien de 56 ans se démarque par sa capacité à créer des environnements absorbants, de véritables bulles détachées du réel. Le silencieux espace d’exposition de Kamel Mennour coupe avec l’agitation extérieure. En plus d’être un artiste touche-à-tout — photographe, sculpteur, dessinateur — qui a fait des preuves sur divers formats, Ugo Rondinone réaffirme ici son talent de scénographe, déjà remarqué en 2015 pour son commissariat de l’exposition itinérante “I ♥ John Giorno”, du nom de son ancien compagnon, poète de la Beat Generation tout juste décédé, auquel il rendait hommage.
Avachis, la nuque ployée vers le sol, les personnages d’Ugo Rondinone trouvent souvent position dans des poses spleenétiques qui contrastent avec les couleurs bariolées qui les vêtissent. Déjà, l’installation Vocabulary Of Solitude (2014-2016), et ses quarante-trois clowns de cire étendus sur le sol par fatigue ou par dépression, jouait de cette ambivalence. Pour sa dernière interprétation morose de la palette de l’arc-en-ciel, A Rainbow. A Nud. Bright Light. Summer., Ugo Rondinone s’est surement inspiré du romantique Caspar David Friedrich (1774 – 1840), dont il ne cache pas connaître tout le répertoire. On retrouve notamment la toile Paysage de montagne avec arc-en-ciel : réalisée en 1810, elle représente un promeneur profitant d’une halte au sommet d’un mont pour contempler un ciel noirâtre et inquiétant, miraculeusement balafré d’un trait lumière multi-colore. Une attitude rêveuse dans laquelle on imaginerait bien Ugo Rondinone.
Ugo Rondinone, “A Rainbow. A Nud. Bright Light. Summer.”, Galerie Kamel Mennour, 28 avenue Matignon, Paris 8e jusqu’au 31 aout.