18 mai 2022

L’art contemporain récompense enfin les artistes LGBTQ+ avec le prix Utopi.e

C’est un grand pas pour la communauté LGBTQ+. Alors que le 17 mai avait lieu la journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, le premier prix LGBTQ+ d’art contemporain en Europe a vu le jour. À l’occasion de l’édition inaugurale de cette distinction baptisée “Prix Utopi·e”, une semaine d’exposition et de festival est proposée du 17 au 22 mai 2022 au centre d’art et de création Les Magasins Généraux, à Pantin.

La scène queer pourtant foisonnante, n’avait pas encore son propre prix. Si la jeune scène artistique est récompensé lors d’événements comme la Bourse Révélations Emerige ou le Fonds régional pour les talents émergents (FoRTE), l’Art contemporain n’avait aucune récompense LGBTQ+. C’est maintenant chose faite avec l’inauguration ce mardi 17 mai du prix Utopi.e, qui vise à encourager et à visibiliser la scène artistique queer, à travers une exposition au centre d’art et de création de Pantin Les Magasins Généraux, qui exposait récemment l’artiste française Mégane Brauer, ainsi que deux prix remis à deux lauréats à l’issue de cette semaine d’exposition. Créé par deux actrices du monde de l’art, Agathe Pinet et Myriama Idir, ce nouveau prix qui a sélectionné de jeunes artistes français issus de la communauté LGBTQ+, se veut un tremplin pour les artistes de la communauté LGBTQ+. À l’heure où les agressions homophobes et transphobes ne cessent d’augmenter, ce prix Utopi.e cherche à ouvrir un espace pour la scène queer et se positionne sans équivoque contre les violences faites aux personnes issues de cette communauté, toujours marginalisées même dans les régions et pays qui paraissent les plus progressistes à l’égard de leurs droits. Bien que les artistes LGBTQ+ et leurs pratiques ne datent pas d’hier, leur légitimité dans le monde de l’art a, encore aujourd’hui, du mal à s’affirmer et leur pratique peine souvent à rencontrer les soutiens nécessaires. C’est donc pour répondre au constat de la sous-représentation de ces artistes dans le milieu de l’art et par conséquent, le manque de visibilité des personnes de cette communauté, que le Prix Utopi·e est né.

 

Après un vaste appel à projets lancé en février dernier, le prix Utopi·e a sélectionné dix artistes finalistes, parmi les 250 candidatures, aux pratiques et aux thématiques différentes, mais tous liés par l’envie de valoriser eux-mêmes la culture et la vie des personnes LGBTQ+. Læ Albertivillarien·ne Hélène Alix Mourrier retrace par exemple dans son court-métrage le parcours d’un personnage mystérieux, Cuco, personnage phare des nuits queer parisienne caractérisé par son éternelle peau de latex, tandis que l’artiste iranien Alireza Shojaian condense sur une voiture qu’il a recouverte de ses peintures la dénonciation d’un crime homophobe et les références à l’histoire picturale de l’Iran. L’écriture et la parole sont au coeur de la pratique de certains de ces jeunes artistes : etaïnn zwer travaille la force politique du poème et, par les mots construit une utopie queer radicale pendant que Zoe Heselton s’interroge sur la transmission et l’héritage à travers la langue. Jusqu’au 22 mai dans l’espace d’exposition des Magasins généraux, chacun des artistes finalistes invite ainsi le public dans son propre univer : Valentin Noujaïm laisse une place au paranormal dans son court-métrage qui interroge les liens entre amour et amitié, Anouchka Oler Nussbaum se met en scène dans des décors clownesques ultra-colorés en papier mâché, là où Damien Rouxel dresse son autoportrait en agriculteur dans des photographies dont la mise en scène décalée dénonce à la fois l’agribashing – le dénigrement envers le secteur agricole et ses acteurs – et la queerphobie.

 

Pour cette exposition, Agathe Pinet et Myriama Idir, ont voulu créer un événement neuf, où bienveillance et inclusivité sont les maîtres mots. Le jury, composé d’artistes de galeristes, d’un commissaire d’exposition et d’un sociologue de l’art, a sélectionné une série d’œuvres qui explorent les nouvelles définitions du “soi” : la diversité des identités, des sexualités, des points de vue et des médiums sont également variés, portés par dix artistes faisant front contre les règles normatives qu’impose la société. La sélection à découvrir aux Magasins Généraux est hétéroclite mais éminemment libre et jouissive. Entre vidéos, photographies et installations, les dix artistes explorent ce que c’est d’être queer aujourd’hui et se questionnent sur leurs identités mouvantes dans une exposition militante. À l’issue de cette exposition, deux prix seront décernés : le Prix du jury qui offrira 5000€ au lauréat et lui permettra de présenter ses oeuvres dans une galerie parisienne pendant deux semaines et le Prix du public, 2000€ et une résidence à la Villa Noailles à Hyères. L’occasion de découvrir des artistes qui, autant dans leur discours que dans leur forme, sensibilisent aux discriminations sexuelles et de genre, bousculent les modèles hétéronormatifs et cisgenres, et surtout rejettent les injonctions à rentrer dans des cases. 

 

 

Exposition des dix finalistes du Prix Utopi.e, jusqu’au 22 mai aux Magasins Généraux, Pantin.