11 sept 2020

Hommage à Judit Reigl en 3 œuvres iconiques

Le 7 août dernier, l’une des dernières figures de l’histoire de l’art moderne s’est éteinte. Elle a laissé derrière elle une œuvre s'étendant sur plus cinquante années de travail. Amie d’André Breton et de Simon Hantaï, Judit Reigl n’a jamais voulu se limiter à un seul mouvement artistique. Cherchant à explorer les limites du mouvement dans l’art, c’est en travaillant en parallèle du surréalisme et de l’abstraction que la peintre d’origine hongroise a trouvé une façon de figurer son ambition. Retour sur trois œuvres marquantes de l'artiste.

1. Ils ont soif insatiable de l’infini (1950)

 

Après avoir suivi un enseignement aux Beaux-Arts de Budapest où elle s’intéresse au surréalisme – mouvement artistique banni au sein de l’école –, Judit Reigl tente de fuir clandestinement la Hongrie. C’est à pied et au bout de la neuvième tentative qu’elle y parvint afin de s’installer à Paris dès 1950, où elle passera le reste de sa vie. Elle y fréquente alors le cercle des surréaliste grâce à son compatriote Simon Hantaï qui l’y introduit. Cadeau de l’artiste au célèbre écrivain après la visite de son atelier, Ils ont soif insatiable de l’infini est caractéristique de cette période de transition de la vie de Judit Reigl. Avec ces figures zoomorphes cauchemardesques aux couleurs vives chevauchés par des cavaliers énigmatiques qui vont de l’avant, l’artiste expie ses craintes et ses peurs vers le spectateur. Influencée par Francisco De Goya, – dont Ils ont soif insatiable de l’infini reprend la composition de sa gravure Désastres de la guerre comme en témoignent les dessins préparatoires du tableau conservé au musée d’Art moderne de Paris – l’artiste fait écho à son expérience face à la guerre et aux régimes totalitaires. Cette huile sur toile sera exposée pour la première fois aux côtés de quatorze autres œuvres de l’artiste en novembre 1954, à la galerie L’Étoile Scellée pour sa première exposition personnelle organisée par André Breton.

Judit Reigl, “Ils ont soif insatiable de l’infini”, 1950

 

2. Éclatements (1956-1960)

 

Avec Éclatement, l’artiste franco-hongroise remet en cause ses œuvres précédentes et son appartenance au surréalisme. Se sentant piégée par l’étiquette d’artiste surréaliste, Judit Heigl cherche à s’en émanciper par de nouveaux moyens d’expression. C’est avec l’abstraction et le travail en série qu’elle y parvient. En combinant les deux, la peintre étend son travail et commence à s’intéresser au mouvement dans l’art. Comment agit-il sur la toile ? Est-ce que la force corporelle à un incident sur l’expression d’œuvre ? Ce sont ces questions, auxquelles l’artiste tente de répondre avec cette première œuvre, qui la pousse à créer sa première série, Éclatements. Son processus créatif devenant une activité physique intense, Judi Reigl abandonne les méthodes classiques : elle ne réalise plus de dessins préparatoires pour ses tableaux, se concentre sur l’aboutissement de ses œuvres par une gestuelle centrifuge de la toile et rompt totalement avec ses précédentes influences surréalistes.

Judit Reigl, “Éclatement”, 1956

 

3. Écritures en Masse (1960-)

 

En parallèle de la série Guano, commencée par l’artiste en 1958, Judit Reigl débute une nouvelle série de peintures à l’huile dès 1959. Intitulées Écritures en Masse, la peintre y explore un nouveau processus de création dans la continuité de celui utilisé pour Éclatements. Grâce une peinture noire, utilisée dans la maçonnerie, qui a un séchage lent et profond, elle construit sa peinture au fur et à mesure du temps. Cette nouvelle méthode de travail qui incite Judit Reigl a créer plusieurs œuvres à la fois lui permet de pousser sa créativité. “À partir d’un fond blanc, je plaçais sur la toile les mottes de peinture avec une lame souple et arrondie, quelquefois une simple baguette de bois, et je les « montais » ensuite de bas en haut sur la toile, en recouvrant, avec ce noir broyé, les couleurs plus légères placées en dessous. Je savais immédiatement si c’était réussi ou raté, et, dans ce cas, il n’y avait pas de retouche possible” explique-t-elle. Avec Écritures en Masse, la peintre se rapproche de l’artiste Georges Mathieu et accède une nouvelle notoriété et à une reconnaissance de ses pairs à l’international : elle participera à diverses expositions durant les années 1960 dont deux aux États-Unis, la première, Guggenheim International Award au musée Guggenheim à New York en 1964 et la seconde, Pittsburgh International Exhibition of Contemporary Painting and Sculpture, présentée au Museum of Art du Carnegie Institute à Pittsburgh en 1967.

Judit Reigl, “Écritures en Masse”, 1960