Art

30 jan 2025

Ernesto Neto au Bon Marché : 3 choses à savoir sur l’artiste brésilien

Jusqu’au 23 février 2025, Ernesto Neto envahit le Bon Marché de ses immenses sculptures textiles, odorantes et sinueuses. Une nouvelle création monumentale et multisensorielle qui plonge dans son univers empreint de mysticisme.

1. Ernesto Neto dévoile un serpent de 28 mètres au Bon Marché

Au dessus des stands de parfumerie et de beauté du Bon Marché, d’immenses structures en filet pendent en ce moment depuis le plafond, comme tirées par leur poids vers le sol, sans vraiment le toucher. En lieu et place des odeurs des cosmétiques qui embaument habituellement le grand magasin, des effluves de feuilles, d’argiles et d’épices envahissent l’atmosphère…

Une composante odorante propre au travail d’Ernesto Neto, invité cet hiver par le grand magasin parisien à envahir ses espaces le temps de son traditionnel “mois blanc”. Après la cascade de miroirs de Subodh Gupta en 2023 et la pluie de couleurs de Daniel Buren en 2024, l’artiste brésilien plonge à son tour les visiteurs du lieu dans son univers singulier, rythmé de sculptures organiques, dont un serpent de 28 mètres de long, fabriquées dans ses ateliers à Rio à partir de techniques traditionnelles des communautés autochtones de son pays natal.

Semblable à des nids d’insectes, ces installations qu’il accroche aux murs, aux plafonds et autour des escalators du Bon Marché jusqu’au 23 février prochain rappellent surtout, par leur forme ondulée, un serpent – celui du mythe occidental d’Adam et Eve. Au centre, une large forme brune incarne Adam (symbolisé par les pelures d’oignons) et Eve (par des feuilles de thé noir).

Immaculée, cette structure entièrement réalisée en crochet et maintenue par 45 arcs en bambou figure parmi les plus grandes jamais érigées par le plasticien brésilien, et renoue avec les premières œuvres qui ont fait son succès à la fin des années 90. De la suspension rectangulaire Navedenga (1998) aux sculptures ovoïdes The Ovaloids Meeting (1998), le blanc figurait parmi ses couleurs de prédiction, se fondant presque parmi les cimaises des musées ou, ici, la verrière du Bon Marché.

2. Son initiation à l’Ayahuasca a bouleversé son rapport au sacré et à la nature

Au début des années 2010, Ernesto Neto se rapproche du peuple des Huni Kuin, une communauté autochtone brésilienne qui jouxte la frontière brésilienne. Ces derniers introduisent l’artiste à leurs connaissances en botanique, à leurs rituels de guérison mais aussi à leurs rites spirituels. Parmi ces derniers, Ernesto Neto est initié à l’ayahuasca, breuvage hallucinogène élaboré à partir de lianes d’une plante indigène, consommé dans l’optique de vivre une expérience mystique proche de la transe. 

Si le plasticien s’est toujours pris de passion pour les mythologies – comme en témoignait son installation Leviathan Thot, présentée au Panthéon parisien en 2006 –, sa pratique artistique est alors bouleversée par cette expérience inédite. Son univers se teinte progressivement des couleurs aperçues lors de cet épisode, qu’il décrit comme un voyage spirituel. 

Les stigmates de cette transe s’observent par exemple à la Biennale de Venise en 2017, pour laquelle Ernesto Neto investissait le Pavillon des Chamans. Intitulée Un espace sacré, son installation y prenait l’apparence d’une tente Cupixawa, un espace de sociabilité indigène dédié aux rassemblements spirituels et politiques. Multicolores, les mailles tissées au crochet de l’œuvre étaient semblables à des yeux qui scrutent le spectateur.

L’installation GaiaMotherTree d’Ernesto Neto à la gare centrale de Zurich. (2018)

3. L’une de ses œuvres textiles a requis plus de 500 kilos d’épices

En 2018, Ernesto Neto réalise une sculpture monumentale nommée GaiaMotherLand dans la gare centrale de Zurich, en Suisse. L’œuvre toise la station de sa hauteur, atteignant presque 20 mètres de haut. Composée de rubans multicolores de coton noués à la main, elle emprisonne en elle plus de 500 kilogrammes d’épices – du poivre, du curcuma ou encore du cumin – qui diffusent leur odeur enivrante dans l’espace public.

Nécessitant 10 220 mètres d’étoffe de coton et plusieurs semaines de travail, la structure surplombe le lieu, ses kilos d’épices moulues flottant au dessus des 840 kilos de terre qui ancrent l’œuvre au sol. Présentée par la Fondation Beyeler, l’installation tient seulement grâce aux contrepoids accrochés aux poutres métalliques du plafond du hall de la gare.

À l’instar d’artistes tels que Tomàs Saraceno et Chiharu Shiota, Ernesto Neto souhaite créer des expériences multisensorielles qui brisent la vitre, invisible mais bien présente, traditionnellement installée entre le visiteur et l’œuvre d’art. À la gare de Zurich comme au Bon Marché, le spectateur est invité à profiter d’une expérience immersive, à prendre le temps de se déchausser, d’effleurer, de toucher les structures de l’artiste tissées à l’origine dans son atelier situé dans sa ville natale – et d’en humer les effluves. À Paris, c’est un savant mélange d’argile et des feuilles d’arbres séchées qui complète l’immersion dans ce serpent majestueux.

Ernesto Neto, « Le La Serpent », exposition jusqu’au 23 février 2025 au Bon Marché Rive Gauche, Paris 7e.