De Man Ray à Valérie Belin, les photographes racontent les coulisses du noir et blanc
Malgré le report de son ouverture, l’exposition “Noir & blanc : une esthétique de la photographie” au Grand Palais se dévoile en ligne à travers un ensemble d’initiatives digitales. Parmi elles, un film de 14 minutes en propose un avant-goût alléchant, rythmé par les propos de photographes tels que Man Ray, William Klein et Valérie Belin.
Par Matthieu Jacquet.
“Je mets le négatif dans l’agrandisseur, je joue avec la mise au point. Les blancs bougent, je fais baver les noirs : c’est une autre photo. Pourquoi pas.” Voilà comment le grand photographe américain William Klein raconte les coulisses de l’un de ses clichés, réalisé dans le quartier new-yorkais de Harlem en 1954. Ce que traduisent ses paroles, c’est combien l’étape du développement est cruciale en photographie, combien elle peut permettre d’obtenir une image totalement différente de celle que l’on voyait au départ, à travers son objectif. Mais aussi à quel point le noir et blanc offre à l’artiste un large panel d’actions et de transformations, de l’atmosphère de l’image à sa narration. C’est là l’un des enjeux majeurs de “Noir & blanc : une esthétique de la photographie”, exposition collective d’ampleur organisée par le Grand Palais autour de cette technique et ses différentes mutations tout au long du XXe siècle et illustrée par la présence de 300 tirages signés par les photographes les plus renommés. Prévue pour le 12 novembre dernier, son inauguration a finalement été reportée en raison du contexte sanitaire, amenant le musée parisien à imaginer des manières de la faire vivre en ligne.
C’est dans le cadre de cette programmation digitale qu’a été dévoilée, sur Youtube, une vidéo de 14 minutes. Réunissant les témoignages de différents intervenants autour de la prise de vue en noir et blanc, elle débute avec nul autre que l’artiste Man Ray, grand maître de la photographie dadaïste et surréaliste n’ayant cessé de repousser les limites du médium. Dans cet extrait d’interview de 1965, l’Américain revient sur les origines d’une technique devenue sa signature : la rayographie, réalisée à partir d’objets posés directement sur le papier photo dans la chambre noire. Si le petit film proposé par le Grand Palais rassemble ce type d’archives, il permet aussi de rencontrer deux photographes contemporains parlant chacun de leur rapport au noir et blanc. Ainsi, alors que chez la portraitiste Valérie Belin, cette technique permet “une recherche d’asbtraction dans l’image”, elle amène instantanément pour l’Espagnol Israel Ariño “une espèce de temporalité flottante.” Mais les commentaires ne se limitent pas à la prise de vue. Une tireuse de photographie argentique en noir et blanc et un tireur numérique du laboratoire Picto s’expriment à leur tour sur l’importance de la qualité du tirage et du papier dans la formation de l’image finale. À travers leurs propos, on comprend comment par les méthodes de développement on parvient à créer dans l’image une atmosphère tantôt poussiéreuse, tantôt spectrale ou éthérée.
Cet avant-goût alléchant de l’exposition se joint à d’autres initiatives menées par le Grand Palais autour de l’exposition. Plusieurs lives Instagram, comme avec le célèbre animateur et photographe Nikos Aliagas et le directeur de la galerie Polka, sont également au programme, ainsi qu’un concours photo lancé sur Instagram avec le magazine de référence Fisheye depuis ce lundi 23 novembre, ouvert à tous ceux qui souhaiteraient proposer un cliché sur le thème “ombre et lumière”.